L’épilogue camerounaise de l’Affaire Marafa a permis en une journée de cerner le double visage ou la double personnalité du despote Paul Biya.
En effet au moment où ce dernier offrait une réception dans son Palais Présidentiel en l’honneur des prestigieux participants de la première conférence internationale sur les investissements au Cameroun, parmi lesquels l’ancien Président de la Commission européenne Jose Manuel Barroso. Non loin de là, à la Cour Suprême de Yaoundé, le même Président à vie du Cameroun orchestrait l’exécution judiciaire de son principal concurrent politique (interne) Marafa Hamidou Yaya, condamné à 20 ans d’emprisonnement ferme pour une fallacieuse et grotesque «complicité de détournement de deniers publics»
Le déroulement d’une parodie de procès au Cameroun
Arrivé à 13h50min à la Cour Suprême, Marafa Hamidou Yaya en compagnie de Yves Michel Fotso à la surprise générale, car ce dernier s’était fait remarquer par son absence lors des précédentes audiences, alimentant alors beaucoup de débats dans la presse locale; audiences d’ailleurs, renvoyées à chaque fois sans que les débats ne soit ouverts. L’autre co-accusée Dame KOUNDA Julienne elle, comme d’habitude était présente; on notera par la même occasion la présence dans la salle, des différents avocats des trois (03) accusés.
L’arrivée tardive des membres de la Cour Suprême sera justifiée par la présence de son Président durant toute la matinée, à la conférence organisée par l’exécutif ce jour à Yaoundé, portant sur “les opportunités d’investissement au Cameroun” et présidée par Paul BIYA, chef de l’État, et par ailleurs Président du Conseil Supérieur de la magistrature!
Après la lecture de l’acte de l’accusation par le procureur auprès de la dite Cour, la parole est donnée aux conseils de Yves Michel Fosto au nombre de trois (03). Ensuite ce sera le tour de ceux de dame KOUNDA julienne (les mêmes que lors des précédentes audiences avortées) d’exposer. Mais à peine commencent-t-ils leur intervention, qu’ils sont interrompus par une coupure d’électricité qui va plonger la salle d’audience dans l’obscurité totale, entraînant par la même occasion la mise hors service de la sonorisation, ce qui va obliger la suspension de la séance pour une durée de 30min par le président.
La lumière revenue, l’avocat de Marafa Hamidou Yaya peut entamer son exposé. Il est alors
23h30min.
Vers 1h50min, le procureur reprend la parole toujours à charge contre Marafa Hamidou Yaya et son principal co-accusé Yves Michel Fotso.
Vers 3h30 min Yves Michel Fotso prend la parole et commence ses propos en demandant la libération de dame KOUNDA julienne et poursuit en démontrant à la Cour le rôle qui a été le sien sur ce dossier comme Directeur Général de la défunte Camair, poste qu’il occupait au moment des faits qui lui sont reprochés.
Les personnes encore présentent dans la salle, multiplient les allées et venues pour certainement prendre un peu d’air à l’extérieur dans la cour, histoire surtout se dégourdir les jambes, après avoir quasiment passé toute la journée dans cette salle!
20min plus tard, la parole est donné à Marafa Hamidou Yaya qui revient sur sa condamnation lors du premier procès devant le Tribunal de Grande Instance de Yaoundé il y a 3 ans en citant les jurisprudences qui avaient motivé cette décision, en envoyant le caractère obsolète de l’une et l’autre carrément inexistante, et rappelant les allégations non fondées du procureur tout en insistant auprès la Cour sur son innocence dans cette affaire: «je n’a jamais ni spolié un individu, ni l’Etat, et par conséquent je demande à la justice de faire preuve d’impartialité».
Vient l’intervention de dame KOUNDA Julienne, dernière des accusés à prendre la parole.
Vers 4h15min, l’audience est de nouveau suspendue volontairement par le Président de la Cour pour «délibérer» enfin dans cette affaire dite “affaire BBj2” qui fait couler beaucoup d’encre au Cameroun depuis plus de quatre longues années. Une sentence déjà connue d’avance!
Profitant de cette suspension, tous les acteurs du jour essayent chacun à sa manière de gérer ce moment tant attendu qui va sceller définitivement leur sort.
Ce qu’on peut retenir de l’accusation lors de la réquisition du procureur général auprès de la Cour Suprême, c’est la ressemblance pour ne pas dire la copie conforme des réquisitions de ce soir avec ceux déjà entendus au procès devant le TGI de Yaoundé!
Pourtant tous les observateurs avertis s’attendaient à un autre discours, puisque entre temps, pour la même “affaire BBj2”, un autre ancien secrétaire général à la Présidence de la République M Jean Marie ATANGANA Mebara avait déjà été condamné en Janvier dernier lors d’un procès, pour les mêmes faits, devant le même tribunal, avec les mêmes juges!
Très rapidement, après la reprise de l’audience, la lecture de la décision par le président du collège des juges peut commencer. La décision confirme la condamnation de Marafa Hamidou Yaya et de Yves Michel Fotso à la prison ferme, mais à 20 ans cette fois-ci, au lieu des 25 ans du Tribunal Criminel Spécial (TCS), évidemment à la grande stupéfaction des deux concernés.
Comme motifs allégués hier comme aujourd’hui: “le détournement de fonds publics” pour Yves Michel Fotso, “la complicité Intellectuelle de détournement de fonds publics” pour Marafa Hamidou Yaya, plus une amende de 21 milliards de FCFA.
Seule nouveauté: la relaxe de dame KOUNDA julienne.
Vers 6h15min du matin (mercredi 18 mai 2016): la Cour se retire, laissant ainsi derrière elle un autre rendez-vous manqué avec de l’histooire judiciaire récente du Cameroun; une occasion qui aurait permis de redonner à la Justice du Cameroun ses lettres de noblesse après tant et tant de condamnations iniques.
Mais la présence du Président de la Cour suprême le matin de l’audience à l’ouverture au Palais des Congrès de la Conférence internationale sur les investissements présidée par par le despote Paul BIYA, était là pour nous rappeler la prévalence au Cameroun d’une Justice aux ordres!
Épuisement des voies de recours internes et Place à la Justice Internationale.
Pas besoin d’être voyant, marabout, ou devin pour savoir ce qu’il allait advenir du principal concurrent politique du dictateur Paul Biya (83 ans, 34 ans de règne) devant une Justice qui lui est inféodée.
Au moins savons-nous quelle a été la destination finale de ces fonds querellés. Puisque l’actuel secrétaire général du Sénat du Cameroun, un proche parent du Président de la République M. Michel Meva’a Meboutou en avait endossé la responsabilité de leur décaissement lors d’une déposition judiciaire devant le Tribunal Criminel Spécial (TCS). Par ailleurs l’avocat du Cameroun dans ce contentieux Me Akere Muna était venu confirmer de vive voix à l’ocasion d’une conférence de presse convoquée au Hilton Hotel de Yaoundé que les fonds litigieux avaient bel et bien était rétrocédés à l’État du Cameroun en plus d’un aéronef à l’état neuf, à la suite de l’arbitrage intervenu entre les autorités camerounaises et le liquidateur de GIA International au Tribunal de l’Oregon aux États-Unis d’Amérique.
Toute la parodie observée hier à Yaoundé participe de la diversion judiciaire et de l’épuration politique d’un dictateur de 83 ans qui envisage mourir au pouvoir. Mais au moins serions-nous parvenu à obtenir l’épuisement ce volet judiciaire au Cameroun, afin d’en ouvrir un autre les instances internationales compétentes qui aura le mérité de condamner le Cameroun et surtout de redorer l’honneur bafoué de l’homme d’État Marafa Hamidou Yaya.
La mobilisation doit plus que jamais continuer!
Le Comité de Libération des Prisonniers Politiques (CL2P)