Que signifie en effet en droit la «complicité intellectuelle» et pourquoi n’a-t-on pas assez questionné ce «monstre intellectuel» au cours des procès? On connaît en droit pénal la violation de la loi par action ou omission ; on connaît aussi le recel (ce que le ministère public semble s’être astucieusement gardé de mobiliser dans cette affaire); on connaît enfin la complicité.
Mais on ne connaît pas de système juridique – à part les totalitaires – qui se soit osé à incriminer la complicité intellectuelle, façon de réprimer comme le receleur, celui dont on pense qu’il savait.
Car on entre ici dans la qualification de l’intention, et de la connaissance du projet délictuel. C’est l’incrimination d’un «vouloir», dont aucun juge camerounais n’a pu établir la démonstration dans cette affaire.
Par ailleurs la juxtaposition des agendas interpelle également dans ce dossier: l’agenda politico-judiciaire d’abord, depuis le huis clos entre le Garde des Sceaux du moment Laurent Esso et l’inamovible Conseiller juridique du Président Jean Foumane Akame.
C’est précisément ce huis clos qui inaugure et orchestre la politique pénale du «rouleau compresseur» au Cameroun, dont on a une manifestation emblématique dans l’Affaire Marafa Hamidou Yaya. Y sont définis la stratégie et les cibles potentielles. L’agenda politique du prince se charge ensuite d’ajuster avec une précision quasi chirurgicale la mise à mort de l’adversaire désigné. Le régime de Yaoundé prête ainsi à Monsieur Marafa des «ambitions», ambitions assumées dans son cas, puisqu’il a explicitement exprimé sa volonté d’être candidat à l’élection présidentielle.
Il n’appartient plus qu’au principal concerné, en sa qualité d’homme d’État et de prisonnier d’opinion unanimement reconnu par la communauté internationale, de les mettre en pratique.
*Marafa Hamidou Yaya ministre d’État de l’Administration territoriale et de la décentralisation du Cameroun de 2002 à 2011, ancien Secrétaire Général à la Présidence de la République et surtout Prétendant sérieux à la succession de Paul Biya (83 ans, 34 ans de règne ininterrompu). Condamné arbitrairement mardi 17 mai 2016 à vingt (20) ans de prison pour une supposée «complicité intellectuelle de détournement de fonds publics», il est reconnu comme prisonnier politique par l’immense communauté internationale.
Joël Didier Engo
Président du Comité de Libération des Prisonniers Politiques (CL2P)