COMPRENDRE LE DÉROULEMENT D’UN ROULEAU COMPRESSEUR PLANIFIÉ ET MÉTHODIQUEMENT EXÉCUTÉ PAR DES JUGES CAMEROUNAIS AUX ORDRES
Par Jean Claude Fogno, journaliste mercredi 4 mai 2016
Yves Michel Fotso a renoncé à se faire juger. L’homme d’affaires a décidé de ne plus se présenter devant le Tribunal criminel spécial. Ses cinq avocats se sont dé-constitués. L’affaire qui oppose Yves Michel Fotso à la liquidation de la Cameroon airlines (Camair) était en cours de jugement au Tribunal criminel spécial (Tcs) depuis janvier 2015.
Un procès auquel l’accusé a pris part, du moins jusqu’au 9 février 2016. Ce jour-là, en effet, l’ancien directeur général de la Camair poursuivi, a signifié au président du Tcs, Yap Abdou, qu’il ne se rendra plus aux audiences de cette juridiction.
Dans la foulée, ses avocats: l’allemand, la française, l’américain, et les deux camerounais se sont dé-constitués. «M. Fotso ne souhaite plus participer à ce qu’il considère être un simulacre de justice, dont l’issue ne fait – après avoir observé le déroulement des procédures pendant plus d’un an – aucun doute pour lui. Compte tenu du traitement infligé à notre client depuis l’origine de ce dossier, nous nous associons à cette démarche légitime. La défense de M. Fotso en bloc a donc pris la décision de ne plus le représenter aux audiences du Tcs. La défense de M. Fotso qui représente au total plus de 100 ans d’exercice du métier d’avocat et qui est composé d’avocats tant camerounais qu’étrangers, n’a en effet jamais eu à faire face à un tel déni de justice et refuse de s’en rendre complice », écrivaient Me Buhler, Me Bénédicte Graulle et Me Dominique Inchauspé dans leur correspondance.
Ces trois avocats occidentaux regrettaient que : «tout accusé a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un Tribunal indépendant, impartial et respectueux des droits de la défense. Or, les auxiliaires de justice que nous sommes constatent que ces principes fondamentaux ne sont pas appliqués dans cette affaire».
Dans un courrier séparé adressé au président du Tcs à la même date du 9 février, Me Achet et Me Mandeng, les locaux du groupe, ont également annoncé leur dé-constitution.
La posture que Yves Michel Fotso et ses avocats avaient décidé d’adopter était consécutive à une succession de faits qui ont émaillé cette procédure judiciaire.
À l’orée de ce procès, les conseils d’Yves Michel Fotso ont sollicité la jonction des volets 1 et 2 de ce dossier Camair. Cette demande a été rejetée aussi bien par le Tcs que par la Cour suprême.
Ses comptes bancaires ayant été bloqués suite au déclenchement de cette affaire, Yves Michel Fotso a offert une restitution en nature du corps du délit. Celui-ci est de 1,7 milliard FCfa, d’après le protocole d’accord que Fotso a conclu avec la liquidation de la Camair. Il propose alors sa résidence de Bandjoun évaluée à plus de 1, 7 milliard FCfa. L’accusation refuse. Elle exige le cash. Fotso demande que le juge d’instruction, Annie Noëlle Bahounoui, qui avait bloqué ses comptes, procède à leur déblocage pour qu’il puisse rembourser en espèces. Le Tcs marque une fin de non recevoir. Fotso se pourvoit en cassation. La Cour suprême le déboute et le renvoi en jugement au Tcs.
De retour dans cette juridiction, le 4 novembre 2015, il rembourse 199 millions FCfa au Trésor public. Une restitution qui est venue s’ajouter à la somme de 886 millions et à celle de 665 millions qui ont été versées entre le 17 janvier et le 14 août 2013. S’en tenant au protocole d’accord transigé avec la liquidation de la Camair, Fotso pensait avoir épuisé le remboursement de la somme de 1,7 milliard FCfa.
Lorsqu’il se présente le 6 novembre 2015 au Tcs pour présenter sa demande d’arrêt des poursuites adressée au nouveau procureur général de cette juridiction, l’un des représentants du parquet général lui fait savoir qu’ils sont saisis par l’acte d’accusation du juge d’instruction qui lui impute un détournement de 69 milliards FCfa et non par le protocole d’accord. Yves Michel Fotso craque. Il est pris par un malaise. Ce qui conduit dans un premier temps à ce qu’on l’interne à l’infirmerie du secrétariat d’État à la Défense (Sed) où il est détenu. Suite à son état de santé dégradant, l’homme d’affaires est transféré à l’hôpital général de Yaoundé.
Le 9 novembre 2015, le procureur général près le Tcs, Justine Aimé Ngounou Tchokonthieu, adresse une correspondance à Fotso sollicitant le versement de la somme de 50.839.860.497 FCfa afin de « pouvoir instruire pertinemment » sa demande d’arrêt des poursuites. Les conseils de Fotso adressent à leur tour des courriers au ministre de la Justice dans lesquels ils martèlent que la restitution du corps du délit ne peut porter que sur la somme de 1, 7 milliard FCfa tel qu’arrêté dans le protocole d’accord transactionnel avec la liquidation de la Camair et que de ce fait le ministère public ne peut exiger un montant supérieur.
Aucune réponse n’a été apportée à ces lettres. Les conseils de Fotso ont mis en demeure la liquidation de la Camair de se désister de sa constitution de partie civile dès lors que le protocole d’accord transactionnel a été respecté. Ici aussi, aucune réponse n’y sera apportée.
Le 27 janvier 2016, les avocats de Fotso présente le certificat médical signé du lieutenant colonel Anne Ngabala, médecin du Sed, pour justifier l’absence de leur client à l’audience de ce jour-là. Ce document est rejeté par les juges, motif pris de ce que Fotso est interné à l’hôpital général et que c’est le médecin traitant de cette formation hospitalière qui devait délivrer ledit certificat médical.
Estimant que ce justificatif n’est pas valable, la collégialité des juges que préside Francis Claude Moukouri décide de poursuivre l’audition du témoin de l’accusation. Les avocats de Fotso s’opposent. Rien n’y fera malgré la présentation d’un certificat médical signé par un médecin colonel. Le liquidateur de la Camair, Émile Christian Bekolo, est invité à la barre. Les avocats de Fotso quittent BRUTALEMENT la salle d’audience. Le procès s’est poursuivi sans eux.
C’était là pour Fotso et ses conseils, la goutte d’eau qui a débordé le vase. «Ces faits nous paraissent constituer une nouvelle violation insupportable des droits fondamentaux de la défense», s’offusquaient-ils.
À l’audience prévue le 10 février 2016 au Tcs, ni Fotso, ni ses avocats ne se sont présentés comme annoncé.
LA COLLÉGIALITÉ CONDUITE PAR MOUKOURY A DÉCIDÉ DE LUI INFLIGER LA PEINE CAPITALE DE L’EMPRISONNEMENT A VIE
1. Dans le cadre de l’indemnisation de l’accident de l’avion de la Camair du 05 novembre 2001 à Charles de Gaule de Paris, Chanas Assurances a eu à verser la somme de 29 milliards FCFA à la Camair. Mais, Yves Michel Fotso a dans un premier temps sécurisé cet argent dans les comptes de la CBC à BNP Paris pendant quelques jours avant de la transférer dans le compte Camair ouvert à la CBC. Cette transaction a fait gagner à la CBC du groupe FOTSO les intérêts de 4 6006 130 581 FCFA. Yves M F a eu à expliquer qu’au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, le contexte international était plus rigide et il fallait sécuriser cet argent suivant la conjoncture internationale avant de transférer dans le compte de la Camair. Il a été déclaré coupable de détournement des deniers publics.
2. La Camair a eu à commander deux avions 747 à la société BOMBARDIER. Les clauses de départ stipulaient un acompte de 4 510 220 570 FCFA à Bombardier. Mais il avait été stipulé qu’au cas où Camair ne verse pas le reliquat au moment de la livraison des avions, cet acompte devait être confisqué. Or Camair n’a jamais eu les moyens pour verser le reliquat. Le Tribunal a estimé que c’est la faute de Yves Michel FOTSO que la Camair n’a pas honoré ses engagements. Par conséquent, il a été déclaré coupable d’avoir laissé perdre cette somme à l’État comme si c’est avec son argent qu’il devait récupérer les avions.
3. Le TCS a estimé que Michel Fotso a fait vendre les épaves du 747 Combi 3 « Le Dja » à 1 400 000 FCFA en lieu et place de l’assureur. Chanas Assurances n’a pas vendu l’avion parce qu’elle devait encore de l’argent à la Camair et elle comptait régulariser dans le cadre de certaines transactions avec la Camair. YMF a été déclaré coupable de détournement.
Le montant total imputé à YMF est de 10 057 340 381 FCFA. À cela s’ajoute le préjudice économique réclamé par la liquidation calculé à hauteur de 06% /an (de 2001 à 2016) soit 9 051 606 343 FCFA en 15 ans.
Peine inique prononcée:
a. Deux condamnations à la prison à vie
b. Déchéance de ses droits civiques dont la nationalité camerounaise pendant 10 ans
c. Confiscation de tous ses biens
d. Paiement des dépens de près de 20 milliards FCFA
TOUS LES INGRÉDIENTS D’UNE JUSTICE PARTIALE SE RETROUVENT AINSI RÉUNIS DANS L’AFFAIRE YVES MICHEL FOTSO. EN ONT-ILS SUFFISAMMENT MESURÉ LES CONSÉQUENCES DÉSASTREUSES POUR LE CAMEROUN? IL EST PERMIS D’EN DOUTER.
Jean Claude Fogno, journaliste