Elle défend surtout une élite prédatrice prête à entraîner un peuple à commettre un génocide à des fins de conservation frauduleuse du pouvoir.
Visiblement une certaine France officielle n’a tiré aucune leçon de sa rôle plus que suspect lors du génocide au Rwanda en 1994.
C’est ce qui est le plus terrifiant dans le drame en gestation au Cameroun.
JDE
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Tribune. Emmanuel Macron se targuerait de ne pas serrer la main aux chefs d’État à la réputation électorale douteuse en Afrique centrale. Il laisse à la manœuvre la bureaucratie diplomatique, qui n’hésite pas à adresser « ses vœux de réussite » au président camerounais, Paul Biya, pour son nouveau mandat, le septième.
Au nom d’une politique africaine rénovée, la France n’aurait pas de leçon à donner à ses partenaires africains. Certes, mais elle pourrait avoir un minimum de respect pour les citoyens de ce continent. Car derrière l’affichage, les pratiques diplomatiques et leurs effets restent identiques : le message envoyé au président Biya est un modèle du genre. Quand le département d’Etat américain dit avoir « constaté un certain nombre d’irrégularités avant, pendant et après les élections du 7 octobre », le Quai d’Orsay omet de mentionner l’étendue inédite des contestations légales des résultats du scrutin.
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Tout en « regrettant que de nombreux Camerounais n’aient pu exprimer leur choix », il ose évoquer un « climat apaisé » et « calme », alors que deux régions sur dix sont ravagées par un affrontement armé entre des milices sécessionnistes anglophones et l’armée camerounaise depuis près d’un an. Et sa réitération de l’attachement de la France à la stabilité du pays est une vieille antienne qui a justifié le soutien de l’ancienne tutelle coloniale aux deux seuls présidents qu’a connus le pays depuis son indépendance.
Vieux réflexes de la Françafrique
Car la politique africaine de la France a beau se moderniser, l’histoire de la France en Afrique centrale, et au Cameroun en particulier, continue de hanter les relations entre ces deux pays et leurs citoyens. La répression du mouvement nationaliste – dont la mémoire n’a jamais été soldée –, le soutien au régime alors qu’il était menacé par l’opposition en 1992, le silence face aux divers épisodes de répression (en 2008, par exemple, mais aussi vis-à-vis des leaders anglophones enfermés depuis dix mois sans avoir vu leurs avocats) attestent auprès de nombreux Camerounais du soutien jamais démenti de la France à un régime désormais honni par beaucoup. Les vieux réflexes de la Françafrique se transmettraient-ils donc de génération de diplomates en génération de diplomates ?
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Car s’ils devaient défendre les intérêts de la France, il faudrait qu’ils s’y prennent autrement. L’État camerounais s’est tourné principalement vers les Etats-Unis et Israël pour sa coopération militaire, les grands intérêts économiques français font l’objet de scandale (Bolloré est officiellement considéré responsable d’une catastrophe ferroviaire d’ampleur) et l’ambassade de France à Yaoundé déconseille aux petites entreprises de venir s’installer dans ce climat incertain. La stabilité de ce nœud de l’Afrique centrale est remise en cause par la guerre menée contre Boko Haram dans la région de l’Extrême-Nord, le conflit sécessionniste dans celles du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, la recrudescence du grand banditisme dans l’est et dans le nord.
La diplomatie française dans la région est donc inefficace, dans la défense des intérêts français comme des citoyens camerounais. Elle ne défend que les intérêts d’une élite prédatrice. Il est temps que ceux qui la mettent en œuvre rendent des comptes.
Marie-Emmanuelle Pommerolle est maîtresse de conférences en science politique à l’université Paris 1-Panthéon-Sorbonne et chercheuse à l’Institut des mondes africains.