Le CL2P et le FrankenState
Crise anglophone au Cameroun: retour à la paix à travers un dialogue inclusif et libération de tous les prisonniers d’opinion
Telle a toujours été, est, et sera la position du Comité de Libération des Prisonniers Politiques (cl2p) et de son correspondant au Cameroun, Michel Biem Tong, avant, pendant, et après sa détention arbitraire.
Nous ne serons jamais les relais de quelque pensée officielle, courtisane, partisane, voire sécessionniste que ce soit, et continuerons de tenir un langage de vérité sur cette crise anglophone: ses causes, ses différentes victimes, et les raisons de l’escalade actuelle… Ceci dans le respect de la déontologie journalistique et humanitaire qui a toujours caractérisé les interventions de Michel Biem Tong.
Le Comité de Libération des Prisonniers Politiques souhaite et appelle plus que jamais au respect du droit pour le journaliste Michel Biem Tong d’exercer librement son métier au Cameroun, sans être soumis à une quelconque pression, à des menaces sur son intégrité physique ou morale. À défaut nous serons contraints de lui trouver en urgence une terre d’asile. Parce que notre correspondant a malheureusement été contraint de se livrer à un exercice de « contrition officielle » par les autorités militaires camerounaises devant les caméras de la télévision nationale lors de sa levée d’écrou.
Nous tenions à faire cette dernière mise au point de manière transparente, après cette remise en liberté.
Cette clarification est nécessaire car le CL2P considère le Cameroun comme un « Frankenstate ». Le sociologue américain Kim-Lane Scheppele a défini le « Frankenstate » comme un élément semblable au monstre Frankenstein de Mary Shelley, créé à partir de toutes les parties du corps humain, Frankenstate est constitué de règles démocratiques. Chaque règle individuelle est ou peut être démocratique, mais leur combinaison spécifique crée un régime non démocratique.
Ainsi, la lumière sur chaque composant individuel, de manière isolée, n’exposera donc pas le Frankenstate. Tant que les composants individuels ne sont pas connectés, chaque mesure ne suffit pas, en elle-même, à créer un sentiment d’alarme, et encore moins d’urgence, chez les citoyens et les organisations internes. À titre d’exemple, alors que le président camerounais libère certains prisonniers politiques pour démontrer qu’il «respecte les droits de l’Homme », il orchestre en même temps un exercice de «contrition officielle» où Michel Bien Tong est contraint de « s’engager de ne plus faillir» par les autorités militaires camerounaises devant les caméras de la télévision nationale. Le CL2P estime que l’une des principales raisons pour lesquelles nous sommes dans ce pétrin au Cameroun tient précisément au fait que les médias ont perdu beaucoup de leur crédibilité, car ils suivent à l’évidence un ordre du jour particulier dicté par le gouvernement autoritaire de Yaoundé.
Le problème des régimes autoritaires, tels que celui de Biya, réside dans l’idée que si vous n’êtes pas d’accord avec le régime, il y a quelque chose qui ne va pas chez vous. Le régime de Biya consiste essentiellement à dire aux gens que tous leurs problèmes ont une solution simple. En réalité, les problèmes sont complexes et n’ont pas tous une solution simple. La solution simple consiste généralement à blâmer un groupe facile à identifier – le groupe est souvent composé principalement de personnes marginalisées par le régime, telles que les anglophones qui servent maintenant de boucs émissaires pour toutes les conneries du régime de Biya.
C’est littéralement le monde à l’envers!
Dans ce monde à l’envers, l’un des objectifs de la propagande de Biya est de s’assurer que les gens ne blâment pas le régime et ses «créatures», qui sont pourtant les premiers responsables des problèmes complexes.
Le principe fondamental d’une démocratie est d’avoir un public informé et les médias jouent un rôle très important dans ce processus. Le problème auquel nous sommes confrontés au Cameroun tient au fait que les médias sont contrôlés par les «créatures» de Biya qui ne voient le monde que sous leur prisme déformant: c’est une perspective zombifiée qui se nourrit d’elle-même. À telle enseigne que quand une crise se présente – comme la crise anglophone -, seules des solutions autoritaires sont envisagées. C’est une propagande répétitive qui fonctionne alors comme un disque rayé et brisé. Par conséquent, les mêmes problèmes ne sont jamais résolus depuis 36 ans!
Le CL2P comprend que la démocratie implique une certaine intégrité morale et intellectuelle. Ainsi, pendant longtemps, le CL2P a constaté l’absence notable de ce principe chez les soi-disant « démocrates » du régime de Yaoundé.
Pour que les démocraties puissent survivre, les citoyens doivent se comporter comme des adultes rationnels et sceptiques – au mépris de la propagande sophistiquée mais extrêmement trompeuse qui a entraîné des catastrophes politiques auxquelles nous a habitué le régime de Biya.
Pris ensemble, des pays comme le Cameroun ont besoin de médias d’information indépendants et de moyens efficaces pour rendre compte de l’autoritarisme rampant. Le rôle de la presse libre doit être renforcé pour protéger la liberté d’expression.
Le Comite de Libération des Prisonniers Politiques – CL2P
English version
The CL2P and the FrankenState
English crisis in Cameroon: return to peace through inclusive dialogue and release of all prisoners of conscience
This has always been, is, and will be the position of the Committee on the Release of Political Prisoners (cl2p) and his correspondent in Cameroon, Michel Biem Tong, before, during, and after his arbitrary detention.
We will never be relays of any official thought, courtesan, partisan, even secessionist whatsoever, and will continue to hold a language of truth on this Anglophone crisis: its causes, its various victims, and the reasons for the current escalation. .. This in respect of the journalistic and humanitarian ethics that has always characterized the interventions of Michel Biem Tong.
The Committee for the Release of Political Prisoners wishes and calls more than ever for the respect of the right of journalist Michel Biem Tong to freely exercise his profession in Cameroon, without being subjected to any pressure or threats to his physical or moral integrity. Otherwise, we will be forced to find urgently a land of asylum.
We wanted to make this final development in a transparent way, after his release on Friday, December 14, 2018.
This clarification is necessary because the CL2P understand Cameroon to be a “Frankenstate.” The US sociologist, Kim-Lane Scheppele, defines the “Frankenstate” as something that just like Mary Shelley’s Frankenstein monster, which is created from all human body parts, the Frankenstate is made up of democratic rules. Each individual rule is, or can be, democratic, but the specific combination of them, creates an undemocratic regime.
Thus, shining light on each individual component, in isolation, will therefore not expose the Frankenstate. As long as the individual components are not connected, each measure is also, in and by itself, not enough to create a sense of alarm, let alone urgency, among the citizenry and internal organizations. Case in point, while the president of Cameroon free some political prisoners to show his “respect for human rights,” he also orchestrates an exercise of “official contrition” where Michel Biem Tong was forced to engage in by the Cameroonian military authorities in front of the cameras of national television.
The CL2P recognizes that one of the main reasons we’re in this mess is that the media have lost much of their credibility because they so obviously follow a particular agenda dictated by the authoritarian government of Cameroon. The problem with authoritarian regimes, such as the Biya’s regime, lies in the idea that if you don’t agree with the regime, then there’s something wrong with you. The Biya’s regime is basically about telling people that all their problems have a simple solution. In reality, of course, the problems are complex, and don’t all have simple solutions. The simple solution usually involves blaming an easily-identified group – the group is often made up mainly of people who are marginalized by the regime in the first place such as the Anglophones that now serve as scapegoat for the Biya’s regime own bullshit. A world upside down!
In this world upside down, one purpose of Biya’s propaganda is to make sure people do not blame the regime, and its “creatures”, who usually caused the complex problems in the first place.
A central tenet of a democracy is an informed public and the media plays a large role in that process. The problem we face is that the media are controlled by Biya’s “creatures” who see the world only through their own eyes: it’s a zombified perspective that feeds on itself. When a crisis presents itself – like the Anglophone’s crisis, – only authoritarian solutions are presented. It’s a repetitive propaganda that performs as a broken record. Hence the same problems are never resolved for the past 36 years!
The CL2P understands that democracy implies some moral and intellectual integrity. Thus, for a long time, the CL2P found the notable lack of it among the self-styled “democrats” of the regime of Yaoundé. For democracies to survive, citizens must conduct themselves as rational, skeptical adults — in defiance of the onslaught of sophisticated, but highly deceptive, propaganda that has resulted in political disasters like the Biya’s regime.
Taken together, countries such as Cameroon needs news media and effective ways of reporting on creeping authoritarianism. The role of the free press must be strengthen to protect freedom of speech.
The Committee on the Release of Political Prisoners – CL2P