Maurice Kamto n’en a pas fini avec la justice camerounaise. Dans la nuit de mardi à mercredi, l’opposant politique a en effet été inculpé de « rébellion, insurrection » et « hostilité contre la patrie », plus de deux semaines après son arrestation. Ces inculpations lui ont été signifiées par le parquet du tribunal militaire de Yaoundé, et concernent également 28 autres de ses partisans. Le président du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) a d’ailleurs été transféré dans la nuit à la prison centrale de la capitale camerounaise, selon un de ses avocats, Emmanuel Simh, également vice-président du parti.
Maurice Kamto paie donc cher sa contestation de la victoire à la présidentielle du chef de l’État sortant Paul Biya, au pouvoir depuis 36 ans. Une victoire qu’il avait qualifiée de « hold-up électoral ». En effet, depuis son arrestation le 28 janvier dans la capitale économique Douala, l’ancien ministre passe ses journées en garde à vue dans les locaux d’une unité spéciale de la police à Yaoundé, le Groupement spécial d’opérations (GSO).
Des manifestations qui ne passent pas
Et ses militants ne sont pas en reste. Plusieurs d’entre eux, qui avaient manifesté le 26 janvier dans plusieurs villes camerounaises, dont Douala et Yaoundé, ont été victimes de la répression des forces de l’ordre. Au moins six manifestants avaient d’ailleurs été blessés. Selon le MRC, environ 200 personnes arrêtées après ces événements étaient toujours détenues mercredi à Yaoundé. Certains, dont Alain Fogué, trésorier du parti de Maurice Kamto, ont entamé une grève de la faim. Parmi les autres gardés à vue figure également un jeune militant du parti, Gaëtan Ngankam. Une vidéo largement diffusée sur les réseaux sociaux montre un policier tirer sur lui ce qui semble être une balle en caoutchouc, avant de lui intimer l’ordre de se lever et de marcher.
Ce mercredi matin, une centaine d’autres partisans de Maurice Kamto devaient être entendus par le tribunal militaire de Yaoundé. Qui décidera ou non de les inculper.
Le Point Afrique (avec AFP)
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Inculpation de Maurice Kamto: les impressions de Maître Kouokam, l’un de ses avocats
Maitre KouokAm, l’un des avocats de Maurice Kamto parle:
« Je suis rentré chez moi hier soir avec le sentiment d’avoir échoué. Le sentiment d’avoir livré mes clients à la tyrannie de la contre démocratie. Le sentiment d’avoir été impuissant face à l’invisible donneur d’ordre. À l’invisible hiérarchie (policière, militaire) qui nous a fait tourner en bourrique sans que je ne puisse rencontrer ces clients qui m’attendaient chaque jour comme on attend un messi.
Juste que les renseignements sur la position de leur dossier, la situation dehors, les chances qu’ils soient libérés… Bref, la bouche de l’avocat pour eux était la bouche de l’espérance.
Mais cette invisible hiérarchie s’est toujours dressée entre eux et moi. Combien de fois au SED, au CCGMI, au GSO j’ai essayé d’avoir accès à eux sans pouvoir?
Moi j’ai la malchance d’être Avocat dans une procédure où seule la Hiérarchie décide de si nous pouvons être reçus ou pas.
Leur crime à eux! On les accuse d’avoir marché ! Même ceux interpellés à leur domicile, au restaurant, au tourne dos, au domicile d’un particulier ont marché…soit
On les accuse d’avoir cassé … à Paris!!!!! Wandafut (désolé mais c’est plus fort que moi!! A Paris …??? Je veux rire).
…D’avoir développé l’hostilité à la patrie. En temps de paix.
Nooonn mon Dieu! Ne me dis pas que toutes ces années de Droit ne m’ont servi à rien et que désormais je ne sais plus lire la loi.
Lorsqu’un médecin perd un patient, il a l’impression de n’avoir pas été assez bon ; de même qu’un entraîneur qui perd un match ; il a l’impression de n’avoir pas été préparé.
…d’un parent dont l’enfant a essuyé un échec, il a le sentiment de n’avoir pas fait son travail.
Mais pour moi ce n’est pas le cas! Tout ce qui devait être fait a été fait de manière professionnelle et je ne me reproche rien.
La hiérarchie s’est posée entre mes clients et moi mais disons simplement que cette expression hiérarchie qui est l’expression la plus poussée de la compétence négative (ou du rejet systématique de la responsabilité sur l’autre) n’est plus ni moins qu’un signe de lâcheté et même de faiblesse avouée de la part des autorités en charge de l’enquête dans cette procédure fort simple.
Couper les gardés à vue du contact de leurs conseils c’est dire à l’État du Cameroun qu’il n’aurait jamais du abandonner le code d’instruction criminelle pour le code de procédure pénale.
Quel gâchis !
Quelle perte?
Quelle honte!
Le sentiment d’échec ne m’a jamais habité; à plus forte raison lorsqu’en face on utilise les moyens de l’État pour violer sa propre loi !
Je suis simplement triste du recul des droits civils et politiques de l’homme et de la démocratie au Cameroun.
L’Avocat n’est pas le parent pauvre de la démocratie et les jours à venir nous en édifieront davantage.
Enfin à vous messieurs et mesdames les hiérarchies… Il y a aujourd’hui là où vous avez envoyez mes clients, beaucoup d’anciennes hiérarchies qui à un moment ont eu besoin des médecins de la justice, c’est à dire les Avocats.
Je vous dis simplement à bientôt… Soit dedans, soit dehors ; je serai encore Avocat et toi es tu sûr d’être encore la hiérarchie ??? Tu ne le sais pas. C’est normal. Nul ne sait ni le jour ni l’heure… de sa déchéance. »