Jusqu’où ira la répression de l’opposition au Cameroun? L’annonce de l’arrestation, mardi, de l’avocate Michèle Ndoki semble confirmer les pires craintes. Celles d’une volonté de faire taire toutes les voix contestataires. Depuis fin janvier, plus de 150 opposants, dont Maurice Kamto, le leader du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), croupissent déjà à Kondengui, la sinistre prison centrale de Yaoundé, capitale du pays.
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Lors du dernier scrutin présidentiel, le 7 octobre, Kamto avait été le principal challenger du président Paul Biya, au pouvoir depuis trente-six ans. La victoire de ce dernier n’avait jamais été reconnue par l’opposition et c’est justement Michèle Ndoki, également vice-présidente du MRC, qui avait dénoncé, mi-octobre, les irrégularités du scrutin devant le Conseil constitutionnel. Sans rien changer: sous leurs perruques blanches, les «sages», tous nommés par le pouvoir en place, avaient confirmé la victoire de Biya, officiellement crédité de 71% des voix.
Mais au cours de cette séance, la brillante plaidoirie de cette avocate de 47 ans n’était pas passée inaperçue et les partisans de Kamto ont poursuivi leur mobilisation. Et c’est précisément à la suite d’une manifestation contre ce qu’ils considèrent comme un «hold-up électoral», le 26 janvier à Douala, la capitale économique, que Kamto sera arrêté.
Les blessures préoccupantes de Michèle Ndoki
Ce jour-là, Michèle Ndoki, elle, se trouve dans le cortège qui défile pacifiquement quand les forces de l’ordre commencent à tirer. Poursuivie par un policier qui l’a reconnue, elle trouve refuge dans un restaurant de rue où «il a braqué son fusil directement sur moi», racontera-t-elle plus tard. Atteinte par trois balles à la cuisse, elle décide de se cacher dès sa sortie de l’hôpital le lendemain, en apprenant les arrestations de Maurice Kamto et de nombreux sympathisants de l’opposition.
C’est dans cette cachette que les policiers sont venus la dénicher mardi. De quoi est-elle accusée? Rien n’a filtré pour l’instant. On sait simplement qu’elle a été immédiatement transférée à Yaoundé avec son compagnon, Philippe, un Camerounais de nationalité canadienne. «Cette arrestation, elle s’y attendait hélas. Mais ce qui est préoccupant ce sont ses blessures, de quatre centimètres de profondeur, qui ne sont pas cicatrisées. Or vu l’état de délabrement des commissariats et des prisons du Cameroun, sa santé peut se détériorer rapidement», s’inquiète un proche.
Femme énergique et courageuse, «sincèrement heurtée par les souffrances et les injustices qui s’accumulent», soulignent ceux qui la connaissent, Michèle Ndoki est née en France de parents camerounais qui sont rentrés dans leur pays natal quand leur fille avait un an et demi. Michèle retournera dans l’Hexagone pour ses études, mais refusera toujours de prendre la nationalité française, convaincue d’être plus utile au Cameroun. Cette mère de deux enfants connaîtra-t-elle le même sort que Maurice Kamto et ses partisans emprisonnés? Présentés mi février devant un tribunal militaire, accusés entre autres d’«hostilité contre la patrie», et d’«incitation à l’insurrection», ils risquent en principe la peine de mort.
Silence occidental
Mardi, lors de la première audience devant ce tribunal militaire, les avocats de Kamto avaient contesté sa légitimité à juger des opposants politiques, en faisant référence à toute une série de lois nationales et internationales. «Apportez-moi donc ces documents», a répondu en substance le juge en ajournant la séance. Une réaction ubuesque qui ne peut faire oublier «le climat de terreur que le pouvoir tente d’instaurer dans le pays», fait valoir un Camerounais de la diaspora à Paris.
Et face à cette dérive, les chancelleries occidentales se murent dans un silence assourdissant. Certaines d’entre elles, approchées par des proches de Michèle Ndoki lorsque celle-ci était encore cachée, se sont ainsi retranchées derrière «le refus de toute action qui pourrait faire croire à une ingérence». Dans ses tweets les plus récents, l’ambassadeur de France à Yaoundé vante pour sa part le succès du «business France-Cameroun».
Libération
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