Construire une communauté de confiance: le cas Kamto et Marafa
Les cas de détentions arbitraires du Pr. Maurice Kamto et le ministre d’état Hamidou Marafa Yaya ont de nombreuses similitudes.
Les deux personnalités sont le produit de la méritocratie républicaine camerounaise et non des «créatures» de Paul Biya. Ils étaient tous deux membres du gouvernement et connus pour être des technocrates compétents. Ils sont tous les deux en prison à cause de la politique électorale du régime, pour ne pas dire de la fraude électorale. Pr. Kamto conteste une autre élection présidentielle volée, alors que le ministre d’état Marafa est en prison pour avoir demandé au président de respecter la constitution, et donc de ne pas être candidat à l’élection présidentielle de 2011.
Leurs cas démontrent que les régimes autoritaires, comme les alcooliques et les toxicomanes, ont beaucoup de la difficulté à se défaire d’une mauvaise habitude. En ce qui concerne la nature de ces prisonniers politiques reconnus par le CL2P, la question à soulever est celle de la confiance et de la responsabilité. Avec le genre de justice sous influence du pouvoir exécutif rendue actuellement sous le régime de Biya, nous remarquons une lente mise en place d’une forme de justice émotionnelle dans laquelle des individus sont délibérément pris pour cibles parce qu’il leur reproché de ne pas être assez fidèles au régime. Ce faisant, l’État a l’habitude d’essayer de résoudre des problèmes politiques aux dépens de certaines personnes en les jetant en pâture aux loups pour faire diversion.
Jeter des gens en prison ne résout pourtant pas les problèmes réels du pays, qui culminent dans un statu quo politiquement convenu mais intenable. Justement, nous ne réfléchissons pas assez sur le mode de fonctionnement des institutions, nous ne parvenons pas à nous engager effectivement dans des questions de pouvoir, à la reproduction de ces pouvoirs , et à mettre en place des processus d’actions collectives. Plus important encore, nous constatons chaque jour comment les prisons et les cachots privés du régime ne sont pas le lieu idéal pour réfléchir à ces problèmes et ne sont pas non plus des lieux appropriés pour s’engager dans une auto-réalisation productive et une désaliénation de soi.
Par conséquent, ces processus d’action de recouvrement soulèvent la question de la confiance et de la manière dont la confiance permet la coopération sociale en réduisant notamment ce que les économistes appellent des coûts de transaction. Car plus la confiance est grande, plus les coûts de transaction sont bas. En effet, les sociétés de grande confiance fonctionnent beaucoup mieux que les sociétés corrompues.
Il s’avère donc que l’honnêteté est la meilleure politique.
Aussi, si vous avez une société corrompue, la dernière chose que vous voulez est de concentrer le pouvoir au sein du gouvernement. C’est ainsi que vous obtenez l’état autoritaire. Un état autoritaire qui vous trompe et vous appauvri, quand vous n’êtes pas arrêté ou emprisonné. Dans cette situation, il est évidemment impossible d’avoir confiance en nous et aux autres. Une impossibilité plus ou moins réelle d’établir des vraies amitiés civique ou personnelle.
Le CL2P estime que «l’arc de l’univers moral est long, mais il se penche vers la justice», comme l’a déclaré le réverend Martin Luther King Jr. Et cette justice est lentement atteinte, non pas en dépit, mais à cause de notre lutte acharnée pour la solidité fondamentale des institutions de notre démocratie: séparation des pouvoirs, indépendance du pouvoir judiciaire, et surtout décentralisation, grace à laquelle les régions peuvent s’attaquer de front à certaines des questions les plus importantes, telles que l’éducation, la santé, et la justice pénale.
De plus, le fait de savoir que la démocratie nous oblige tous à limiter notre narcissisme et à adopter la réciprocité est un argument qui plaide largement en sa faveur au Cameroun.
Le Comité de Libération des Prisonniers Politiques – CL2P
English version
Building a Community of Trust: The Kamto and Marafa’s case
The case of Pr. Maurice Kamto and senior minister Hamidou Marafa Yaya share many similarities.
Both are the product of Cameroonian republican meritocracy and not “creatures” of Paul Biya. They were both members of the government and known to be technocrats. They are both in prison because of the regime’s electoral policies, not to say fraud. Pr. Kamto is contesting another stolen presidential election while senior minister Marafa is in prison for having asked the president not to contest the 2011 presidential election.
Their cases demonstrate that authoritarian regimes, like alcoholics and drug addicts, find bad habit hard to break. Regarding, the nature of these political prisoners recognized by the CL2P, the question to be raised is one of trust and accountability. As the justice is performed currently under the Biya’s regime, we notice a form of emotional justice where individuals are deliberately targeted for not be loyal enough to the regime. In doing so, the state habit to attempt to solve problems at the expense of some people by throwing them to the wolves for bread and circuses.
Throwing people in prison does not solve the problems at hand, which remain in plain sight, and constituting agreed upon untenable status quo. Precisely, how we fail to think carefully about the ways institutions work, how we fail to engage questions of power and the reproduction of that power and putting together processes of collective actions. Most importantly, how prisons and the regime’s private dungeons are not the place to think about these issues and neither appropriate places to engage in productive self-realization and de-alienation.
These processes of collection actions, consequently, bring up the question of trust and how trust enables social cooperation in part by lowering what economists call transaction costs. The more trust, the lower the transaction costs. Indeed, high trust societies work a lot better than corrupt societies.
Turns out that honesty is the best policy.
So, if you have a corrupt society, the last thing you want is to concentrate power in government. That is how you get the authoritarian state. You get cheated, or impoverished. You get arrested and imprisoned. In that situation, it is impossible to have trust, obviously, but we can see that this meant an intolerable level of anxiety and the more or less complete impossibility of civic or personal friendship.
The CL2P believes that the “arc of the moral universe is long, but it bends toward justice,” as Martin Luther King Jr. said. And this justice is slowly being achieved not in spite of, but because of, our relentless fight for the basic soundness of the institutions of our democracy: separation of powers, the independent judiciary, and especially decentralization, which gives regions and local communities control over some of the most important issues, such as education and criminal justice.
More, the knowledge that democracy requires all of us to limit our narcissism and embrace reciprocity.
The Committee For The Release of Political Prisoners – CL2P