“Les gens du parti du dictateur ne connaissent qu’un langage, les coups. Coups de matraque distribués toujours généralement à tort et à travers, bien sûr coups de fusil ou de pistolet tirés de préférence à bout portant ou dans le tas, coups de Jarnac divers, spécialité coutumière aux groupes humains que le courage n’étouffe pas.
Quant aux chefs de l’opposition, ce sont des maîtres de la rhétorique de l’indignation et de la dénonciation, de vraies virtuoses pour qui aucune figure de style n’a de secret. Coups de gueule contre coups de canon, fleurs de rhétorique contre fleurs de cimetière et autres pissenlits, c’est en somme l’éternel conflit du pot de terre contre le pot de fer”.
Ces mots sont de Mongo Beti dans son avant-dernière œuvre, “Trop de soleil tue l’amour”, publiée dans les derniers mois du siècle dernier, en 1999 donc. Vingt ans plus tard, qui pourrait dire qu’ils ne sont pas d’une brûlante actualité ? Alors que nous observons, avec un mélange de tristesse et d’envie qui n’empêche pas la joie sincère pour ce peuple frère, les algériens et les soudanais qui réécrivent leur histoire, la question nous taraude, nous torture : Qu’avons-nous donc manqué ?
Dieu et ceux qui nous connaissent un tant soit peu savent que nous autres leaders ne sommes pas parfaits : nous avons l’ego surdimensionné et trop souvent le doute et l’orgueil nous aveuglent. Il reste que les pas qui nous ont mené ici ainsi que bien malgré nous presque 147 innocents (amis, fidèles, partisans, mais aussi passants, surtout passants), ces pas étaient guidés par un désir sincère de mieux, de plus pour cette Terre bénie que nous aimons tant. Nous l’aimons d’un amour qui embrasse les plus humbles de ses enfants, notre chair, notre sang. Il reste que c’est plus fort que nous, il faut le marteler : nous continuons de dire que ces pas doivent nous mener au Cameroun que nous méritons : Yen Ekombo’a mwaye, wa ndutu e titi no, ce pays de Lumière, où la souffrance n’existe pas. Notre présence ici, notre futur retour parmi vous, ont un sens : celui de justifier Roger électricien, venu changer des ampoules chez Albert Dzongang ce 28 janvier 2019, qui n’a pas pu rentrer chez lui après avoir rempli son office parce que la maison de son client était encerclée.
Roger n’est plus le même depuis ; il est passé d’électricien, mari et père essayant d’avancer sans trop de mal dans la vie, à suspect, puis inculpé d’hostilité contre la patrie, insurrection, rébellion, etc. Lui qui avait réussi à devenir un homme respectable, gagnant honnêtement sa vie et celle des personnes à sa charge, doit maintenant compter sur la générosité d’inconnus pour se nourrir. Il est détenu à Kondengui à plusieurs centaines de kilomètres de sa famille.
Roger n’a pas choisi, Roger n’a rien fait. Nos 147 compatriotes enfermés depuis plus de deux mois à la prison centrale de Kondengui n’ont rien fait. Pas plus que les 20 autres qui ont été arrêtés à Yaoundé IV alors qu’ils faisaient le travail de la commune : curer les caniveaux. Ce sont des victimes, non pas du dictateur et de ses serviteurs, mais de notre passivité. Il faut bien que ça s’arrête.
Avant que la folie, la paranoïa et la lâcheté nous aient tous plongés dans les affres de la guerre, laissez entrer la lumière. Bien sûr que la nuit finit toujours par laisser la place au soleil, mais comment en profiter, si, Enfants de ma Terre, vous laissez obstinément vos fenêtres fermées ? Dehors il y a peut-être du danger, mais dehors c’est là où on trouve la vie. Dehors, il y a des Roger, des Mme Tchuenkam, militante à Douala III, de toutes les manifestations du parti et qui n’a jamais brigué aucun mandat, dont la seule ambition est de voir ses enfants trouver un bon emploi et lui donner des petits-enfants qui aimeront Dieu plus que tout et leur prochain comme eux-mêmes. Mme Tchuenkam est aussi incarcérée à Kondengui depuis le 28 janvier. Elle était au mauvais endroit au mauvais moment. La question à se poser quand on pense à elle et à ses 147 compagnons d’infortune est : le bon endroit c’est où, le bon moment c’est quand ?
Partout ailleurs éclosent des nations purifiées et enceintes d’espoirs et d’ambitions louables. La perfection n’est pas de ce monde, mais le Bien et le Beau, oui. Ils passent par le retour dans leurs familles des 147 victimes du dictateur dont les noms suivent :
Ahmed Abdourahmane
Anoumedem Pierre
Assolefack Cyrille Momo
Atso Julienne Christelle
Chomssem Foadjo Felicien
Dafem Roger
Dasi Kamsu Valdez
Djiekou Mouaffi Jean Paul
Djimeli Yili Eric
Djiotig Fomekong Franck Xavier
Djoko Jean Claude
Djoko Talo Bertrand Nagor
Djomou Kuate Marcelle
Djouazing Jules Noel
Djoumessi Kenfack Cedric
Djoumessi Leon Thomas
Dongue Rodrigue Eric
Ebohi Parfait
Emga Pierre
Enow Tambi Francis
Eyengue Nzima David Fidel
Fautier Souop Alain Josue
Fezeu Pierre
Foaling Fotso Georges
Fopoussi Tocfjeu Evariste Constantin
Fotsin Kuekoudoum Talla
Foudjin Kamdem Guy Merlin
Fouelefack Tsamo Denis Christian
Foulifack Ngadang Eugene
Gatchuessi Dieudonne
Gbetnkom Mohamed Nadin
Guiadem Epse Tchuinkam Nziko Florence
Guiakam Jean Raymond
Homsi Jean Baptiste
Ifubeh Andreas Tangang
Jouonmegne Emmanuel
Kadjiekamte Aubin Raoul
Kalassi Alain Plycarpe
Kamdem Dibel
Kamdoum Takam Maxime
Kamegne Epse Noutchang Georgette Laure
Kameni Mathias
Kamgaing Jacques
Kamto Thierry
Kegne Ambroise
Kengne Vo Umbi Andre
Kengnegne Kauche Epse Fondjo Elise
Kom Fotso
Kondjang Kondjang Charles
Konga Rigobert
Kouam Kamguia Franck
Kouam Guy Laurent
Kouokap Gilles
Kouyoue Pele Henri
Kuebatcha Jean Salvador
Kuimo Marie Colette
Leugoud Taboue Verlaine
Longmene Mfogha Armand Blaise
Magatsing
Magne Marthe
Mbuenga Manga Herve Romeo
Mefo Lucienne
Megaptche Poumda Ghislain
Mekoulou Eric
Membot Isabele
Metago Olga
Momo Brice Bienvenu
Momo Kevin Steve
Mongang Kangang Patrie
Mouaffi Jean Claude
Moumeni Christian Marcel
Moyo Kengne Lionel
Muthaga Sylvanus Thuh
Nadjo
Nana Paul
Nana Roger
Nana Serge Branko
Ndefo Gache
Ndiagnda Eric Bertrand
Ndongla Jaures
Ngadeu Raphael
Ngahana Yokam Eugene
Ngaketcha Franck Judiciaire
Ngaleu Annick
Ngandjui Jean
Ngangue Duhamel
Ngankam Fozing Romaric Landry
Ngankam Pierre Gaetan
Ngondjeu Roland
Ngono Modeste
Ngueyap Epse Pone Anne
Nguiekom Kuitche Blandine Carme
Nguimetsop Adele
Nintidem Cresence
Nitcheu Victor
Njufack Stephane
Nkakapen Tagne Charly Steve
Nofouhio Tchio Jose Junior
Nonkam Kamga Epse Tumamo Anne Marguerite
Noukeu Kwedji Achille
Nsiyip Mete Leatare
Nyamsi Jean
Nyayo Ngueutmen Michael Ulrich
Nzega Serge Kevin
Nzokou Desire
Ombanolil Charles
Pemha Nina
Puengue Neuyim Pierre
Pufong Victor
Sah Marius
Samiratou Matcheundem
Seugoua Ekeu Franck Roland
Siewe Eric
Sighomnwe Joseph
Simo Maxime Boris
Soh Joseph
Tajiogue Demanou Aubin Romeale
Takafo Dongmo Antoine Arnaud
Takam Eric Michel
Tallah Emmanuel
Tamo Bonhtchueng
Tanetsing Takamgo Um Idrice
Tatsinkou Lonkeng Narcisse Valerie
Tchakui Tchatchoua Valery
Tchamago Clement
Tchapock Raoul
Tchokomani Raphael
Tchokote Leopold
Tchopa Theodore
Tchouaffa Nouka Jean Bonheur
Tchuiya Njiowou Agnes Flore
Tefouet Thouangang Clement
Tene Andre
Tiayo Tenkeu Roger
Tiogning Littbarski
Tiomo Michel
Toukam Pascal
Touko Thomas
Tsanang Kuete Medard Florien
Tsiedwo Felix
Twengoue Ghislain Herriot
Wafo Jasmin
Wapi Roger
Yangoua Armand
Yemga Serge
Yimeli Sylvain
Youmbi Serges
Zonkeu Yannick
Vous pouvez rendre ce retour possible. Vous ferez la différence pour eux, pour nous, pour vous. Il suffit d’unir vos voix à celles de ceux qui réclament leur libération. Demandons leur libération au dictateur et à ses serviteurs, aux juges devant lesquels ils doivent comparaitre, au Ministère Public qui doit trouver des motifs de poursuite. Faisons entrer la lumière, renvoyons les chez eux.
Love you all,