Un tribunal camerounais a condamné vendredi à six mois de prison ferme un militant anticolonialiste pour avoir décapité une deuxième fois la statue du maréchal français Leclerc sur une place de Douala, la capitale économique du Cameroun.
La justice a ordonné un mandat d’incarcération immédiate contre André Blaise Essama accusé de “dégradation de biens” et d’avoir fait l’apologie de cette destruction. Le condamné, a annoncé immédiatement qu’il ferait appel contre ce jugement qui le condamne également à une amende de 4 millions de francs CFA, soit 6.000 euros.
Interpellé il y a deux mois à la suite d’une décapitation de la statue du maréchal Leclerc, qui trône sur la principale place du quartier administratif de Douala, André Blaise Essama avait déjà été condamné en 2016 à une peine de prison après avoir décapité la statue de Leclerc au même lieu.
Le militant a demandé au juge qu’il reconnaisse que “Leclerc n’a rien à faire là”. Pour M. Essama, la décision du tribunal ne sera pas “applaudie par les générations futures”. Selon lui, il s’agit d’un refus de “reconnaître la place des héros camerounais” au profit de personnalités étrangères.
Envoyé par le général Charles de Gaulle, après l’appel du 18 juin, pour rallier les colonies africaines à la France libre contre le régime de Vichy et l’occupant nazi, Leclerc était arrivé en août 1940 à Douala. Le lendemain, le Cameroun optait pour la France libre.
L’opposant s’est indigné que la ville de Douala, partie civile, réclame des dommages et intérêts alors que ceux qui ont détruit une stèle en chantier de Ruben Um Nyobe, un héros national, sont “tranquilles”. Il se référait à une action de chefs locaux opposés à l’édification d’une stèle à la mémoire d’Um Nyobe, leader indépendantiste assassiné par l’armée coloniale française en septembre 1958. Pour ces chefs locaux, qui ne sont pas poursuivis pour cette destruction, l’un des héros de la défense de Douala, Rudolf Duala Manga Bell, pendu par les colons allemands en 1914, devait être honoré avant Um Nyobe.
Douala est le théâtre de différends sur la place des personnalités historiques dans l’espace public.
Pour un Camerounais venu soutenir l’accusé au tribunal, le militant anticolonialiste est l’une des figures de la contestation de l’occupation “prépondérante des lieux symboliques par des étrangers, alors que ceux qui se sont sacrifiés pour le pays sont ignorés”.
© 2019 AFP