La mutinerie de Kondengui n’est qu’une bataille dans la guerre qui opposera les possédants aux pauvres. Certes les écarts sociaux ne sont pas une exclusivité camerounaise. D’ailleurs, même les pays développés cherchent encore les moyens de mieux redistribuer la richesse nationale. Néanmoins, au Cameroun, les inégalités sociales se sont beaucoup creusées au fil de ces années de gouvernance erratique. Au point que l’essentiel des missions des forces de l’ordre s’est réduit chaque davantage à protéger les riches de l’appétit insatisfait des pauvres. Ces inégalités se sont dupliquées dans la microsociété que constitue le pénitencier. Rien d’étonnant, donc, que les riches pensionnaires des quartiers spéciaux aient été pris pour cible par des émeutiers furieux d’être parqués et nourris comme du bétail avec l’environnement de promiscuité et d’insalubrité qui va avec.
Entendons-nous bien. La haine des riches n’explique pas à elle seule l’explosion de violence d’hier. La violence naît de l’injustice dont ils estiment être les victimes. Eux, les prisonniers arrêtés pour la cause de l’Ambazonie, n’ont pas le sentiment d’avoir enfreint une loi légitime. Leur engagement dans la lutte pour l’autodétermination de leur peuple annihile toute forme de culpabilité envers un État qui fait figure d’oppresseur. Ils ne se prennent pas pour des criminels mais comme des martyrs.
Quant aux détenus du MRC, ils estiment qu’en vertu du droit constitutionnel de manifester, ils ont la règle de droit de leur côté. A leurs yeux, c’est le gouvernement qui agit en violation des normes. Dès lors, on devine en quelle estime ces personnes tiennent les dignitaires déchus, ces « criminel en col blanc » des quartiers spéciaux qui – injustice suprême- vivent, eux, dans des cellules climatisées aménagées à leur goût, peuvent s’offrir des repas cuisinés à l’extérieur et profitent de toutes sortes d’avantages octroyés par un régime dérogatoire non écrit.
Mis à part leurs dirigeants, la majorité des détenus de la prison centrale de Kondengui, qu’ils soient séparatistes « Ambazoniens » ou militants du MRC, sont des pauvres. Selon une étude de l’Institut national de la statistique, en 2014, sur 22 millions de Camerounais, 8 millions, soit 37 % de la population, vivaient avec moins de 931 Fcfa par jour, soit des revenus en-dessous du seuil de pauvreté. A ceux-là, il faut ajouter les insurgés islamistes de la secte Boko Haram. Or ces détenus ont pour la plupart été arrêtés et transférés à Yaoundé à partir de deux des régions concentrant le plus de pauvres selon la même étude, à savoir l’Extrême nord (35,8%) et le Nord-Ouest (13,2%).
Kondengui est, donc, une poudrière sociale. C’est aussi l’allégorie d’un pays déliquescent, qui a renoncé à l’idée de progrès humain. On n’y respecte pas autrui, ni individuellement ni en groupe. Or, « Il n’est pas de république sans vertu » ont théorisé deux philosophes, Jules Romain Barni, l’un des pères fondateurs de la gauche, et Montesquieu. La France, qui est souvent notre modèle, tient sa vertu en l’« Etat-providence » crée après la Seconde Guerre mondiale avec la mise en place de la sécurité sociale et toutes sortes de mécanismes tels que les allocations-chômage et logement. Ne dit-on pas qu’un pays se juge à la façon dont il traite les plus faibles ?
Par Georges Dougueli
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LA PRISON CENTRALE DE KODENGUI À YAOUNDÉ DEVENUE UN MOUROIR CONCENTRATIONNAIRE SOUS LA DICTATURE TRENTENAIRE DE PAUL BIYA
– 1500 c’est la capacité d’accueil de la prison centrale de Kondengui lors de sa mise en service en 1968.
Selon Me Emmanuel SIMH sur 6000 personnes incarcérées à la prison de Kondengui, 5000 sont détenues préventivement.
La cartographie suivant le statut carcéral au Cameroun précisait en 2014 que sur un effectif de 25 908 détenus à cette époque 15 853 étaient des prévenus et le reste présenté comme des condamnés définitifs.
Malgré l’avènement des peines alternatives dans le Code pénal en 2016, les prisons demeurent remplies plus qu’il ne le faut.
De ce fait, en plus de mettre en danger les prisonniers eux-mêmes, cette surpopulation carcérale amène à s’interroger sur la sécurité des geôliers qui travaillent dans des conditions difficiles.
JDE
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AMNESTY INTERNATIONAL DEMANDE UNE ENQUÊTE SUR L’INTERVENTION DES FORCES DE SÉCURITÉ À LA PRISON CENTRALE DE KONDENGUI
23 July 2019. Cameroon: Gunshots amid prison riot must be investigated
Following the security forces’ use of firearms to quell a riot yesterday evening in Cameroon’s largest prison, Kondengui in the capital Yaoundé, Marie-Evelyne Petrus Barry, Amnesty International West and Central Africa Director said:
“Authorities in Cameroon must refrain from using excessive force against prisoners, and independently and effectively investigate the use of firearms and live ammunition reported during yesterday’s riot.
“Prison conditions are absolutely dire in Kondengui, an overcrowded prison where many prisoners are waiting to be brought before a judge. Until this situation is remedied there is a real risk of further violence.
“Authorities should work to improve the grim conditions prisoners are crammed into, release anyone detained only for exercising their right to peaceful protest and ensure all the people detained past the legal period of pre-trial detention are immediately presented to a judge or released.”
Background
Yesterday a riot was reported in Kondengui prison in Yaoundé the Cameroonian capital. According to reports, detained armed separatists from the Anglophone regions and opposition members took possession of the prison yard to denounce overcrowding, judicial delays and deplorable conditions. Security forces later stormed the prison and fired gunshots. Part of the prison was reportedly burnt. It is not yet known if there were injuries or fatalities.
In 2017 Amnesty International highlighted the overcrowded detention facilities following mass arbitrary arrests in the Anglophone regions of Cameroon.