En plus des 800 millions de Fcfa déboursés par l’État du Cameroun, l’Union européenne (Ue) avait elle aussi, débloqué à l’époque, un appui d’environ de 6 milliards de Fcfa, pour l’amélioration des conditions de détention carcérale. On pense aujourd’hui que l’alors garde des Sceaux est appelé à s’expliquer sur la destination de ces fonds.
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Beaucoup a été dit autour de l’incendie survenu le 12 septembre à la prison centrale de New-Bell, à Douala. Sauf que, ce pénitencier construit à l’époque coloniale avec une capacité d’accueil de 500 places, devait longtemps connaître une cure de jouvence. Sous le magistère d’Amadou Ali au ministère de la Justice, et face à l’obsolescence dans laquelle croulaient les prisons dans l’ensemble du pays, l’Union européenne avait débloqué d’importants fonds en faveur du Cameroun. On parle de 8 millions d’euros (plus de 5 milliards de Fcfa) sortis pour pallier la dégradation des établissements pénitenciers camerounais. Plusieurs années après, on peine toujours à voir ce à quoi aura servi cet important pactole. Du coup, l’on pense dans les chaumières que, Amadou Ali devrait logiquement satisfaire la curiosité des enquêteurs quant à la destination empruntée par lesdits financements.
L’ouverture d’une information judiciaire n’étonnerait plus personne, ou presque. Comme quoi, tout porte à penser que les 10 ans du fils de Kolofata au ministère de la Justice n’auront pas permis de faire bouger les lignes au sein de l’administration pénitentiaire. Plutôt, l’on pense que son séjour, à l’image de l’opération baptisée Épervier, aura été des plus désastreux. Pour bon nombre d’observateurs, cette opération judiciaire pilotée alors par Ali n’aura finalement été qu’une pompe à fric, mieux une arme de destruction massive pour régler des comptes à ses adversaires politiques. Dans tous les cas, il n’est pas exclu que cet autre incendie observé à la prison de Douala ouvre un dossier que le vice-Pm croyait déjà enterré. Et si l’on rassemble les précédentes affaires sulfureuses le concernant qui pourrissent dans les tiroirs de la justice, ceux qui parlent sous le manteau pensent que l’ancien secrétaire d’état à la Défense en charge de la gendarmerie pourrait bien se retrouver derrière les barreaux.
À en croire nos sources, le violent incendie qui s’est produit, le week-end dernier en début de soirée à la prison centrale de New-Bell à Douala, a été causé par une défaillance électriques, elle même favorisée par la vétusté criarde des installations. Amadou Ali ayant passé l’essentiel de son temps à détourner les subventions allouées aux prisons. D’après des témoins, les dégâts matériels sont importants et de la première évaluation, 3 cellules et le bureau du Receveur ont été entièrement consumés. Il a fallu des heures entières aux sapeurs pompiers du port et de l’aéroport de la ville de Douala pour circonscrire les flammes en furie. Des mesures de sécurité ont été rapidement prises pour éviter des débordements. Les autorités administratives et militaires se sont rapidement rendues sur les lieux pour apprécier l´ampleur des dégâts causés par les flammes. Pour le bilan, on dénombre de nombreux brûlés parmi les prisonniers, dont certains au troisième degré. Des cas de tentatives d’évasion ont été maitrisés, apprend-on.
Le meilleur est à venir. Construite en 1935, donc vieille de 80 ans environ, la prison centrale de Douala prévue pour accueillir à l’origine 500 détenus avait fini par battre tous les records et standards d’inconfort en terme de qualité de construction, d’effectif et de localisation géographique inappropriée. Il est à noter que c’est le troisième incendie que connait cet établissement pénitencier, après ceux de 2008 et 2012. Au terme de quelques travaux d’aménagement engagés il y a quelques temps, elle a désormais une capacité de 960 places. Les autres prisons du Cameroun connaissent les mêmes problèmes. La prison centrale de Kondengui par exemple, a été construite pour une capacité d’accueil de 1.500 personnes. Dans les années 60, cela paraissait suffisant. Mais aujourd’hui, elle contient 4.234 détenus. La prison de Monatélé quant à elle, a été construite avec une capacité d’accueil de 150 places. Aujourd’hui, elle comporte 478 détenus. La prison de Bertoua construite avec une capacité d’accueil de 120 places, en est à 680 détenus. La prison de Maroua construite avec une capacité d’accueil de 350 places, compte 1.360 détenus. Plus loin, à Nkongsamba, la prison du coin qui a été construite avec une capacité d’accueil de 200 places, est à 432 détenus. De même, la prison de Bafoussam, construite avec une capacité d’accueil de 600 places, compte 857 détenus.
Au ministère de la Justice, l’on soutient que le volet infrastructure sera amélioré. Actuellement, rassure-t-on, le gouvernement est en train de réaliser un programme de construction ou d’aménagement de prison, pour décongestionner les existantes. L’on cite volontiers, les travaux de construction de la prison de Ngoma, une localité sur la route de Douala-Bonepoupa dans le Littoral. Les travaux ont déjà commencé et il y est prévu 5000 places sur une superficie de 30 hectares. Bien plus, les travaux de constructions des prisons de Bali-Nyongha, Baham, Ngoumou, Bengbis, Ntui, Banguem, Moundemba, sont en cours, bien que certains d’entre eux soient arrêtés pour un complément de financement. D’autres aménagements sont en ce moment, faits dans certaines prisons en vue du transfert des détenus. C’est le cas de Yoko et de Tcholliré 2. De nouvelles prisons ont récemment été créées à Mbankomo, Touboro, Batibo, Bandjoun, Menji, Tombel, et Limbé. Il reste toutefois à régler les problèmes d’ordre budgétaire en vue du lancement des travaux.
L’appui de l’Ue en question
Le geste de l’Union européenne à la justice camerounaise avait pour objectif global la consolidation de l’État de droit. Il consistait à améliorer le fonctionnement des juridictions, en particulier commerciales et administratives, de renforcer les capacités du personnel judiciaire et à faciliter l’accès à la justice. L’intervention prévue pour un montant indicatif de 14 à 18 millions d’euros s’était fait sous forme d’approche projet sans exclure une approche de type aide budgétaire. Les axes stratégiques de ce programme devraient couvrir les trois points suivants : création d’un environnement propice aux investissements par le renforcement et la modernisation de la justice commerciale et administrative ; le développement des capacités du personnel judiciaire en vue d’améliorer son efficacité et d’offrir au ministère de la justice les moyens et les capacités de remplir sa mission, en termes qualitatif et quantitatif, de gestion et d’administration du service public de la justice ; facilitation de l’accès à la justice soutiendra les actions visant à rendre la justice accessible à toutes les couches de la population avec notamment un accent particulier sur le renforcement du cadre juridique de promotion et de protection des droits de la femme.
Ces actions s’inscrivaient en soutien à la stratégie sectorielle 2007–2012 préparée en 2006 par le ministère de la Justice. En fait, c’est suite à une première phase fructueuse mais limitée à deux prisons centrales, que la délégation de l’Union européenne a financé en collaboration avec le Minjustice et le ministère de l’Économie, de la Planification et l’Amélioration du territoire, une seconde phase (pour 8.000.000 euros – 9ème Fonds européen de développement), du Programme d’amélioration des conditions de détention et respect des droits de l’homme (Pacdet). Un projet qui vise justement l’amélioration des conditions de détention et la modernisation du système judiciaire et pénitentiaire camerounais. Grâce à ce programme, ce sont les conditions de vie et la réinsertion sociale des détenus qui doivent être améliorées, les acteurs du système carcéral mieux formés et équipés, la justice pénale plus performante.
© La Météo : Mamouda Labaran