Dans une Ordonnance N°72/ORD/CI.MNJB/TMY du 11 juillet 2019, le Lieutenant-colonel Magistrat MISSE NJONE Jacques Baudoin, Juge d’instruction et MENGUE ZEH Clémence, Sous-lieutenant, Greffier d’instruction au Tribunal Militaire de Yaoundé ont après le Réquisitoire Définitif n°286/REQ/CG/TMY du 05 juillet 2019 du Commissaire du Gouvernement près le Tribunal Militaire de Yaoundé « dit les charges suffisantes contre KAMTO Maurice, DZONGANG Albert, PENDA EKOKA Christian, DJAMEN Célestin, ABE ABE Gaston alias Valsero, FOGUE TEDOM Alain, KINGUE Paul Eric et NDOCKI Michèle Sonia Martine et 72 autres personnes d’avoir commis les faits d’insurrection, hostilité contre la patrie, rébellion, réunion et manifestation, attroupement à caractère politique, dégradation de bien publics et complicité de dégradation des biens publics ou classés, destruction et complicité de destruction de biens publics ou privés et outrage au Président de la République; plus encore contre NDOCKI Michèle Sonia Martine d’avoir commis les faits de tentative d’émigration clandestine. »
Le Réseau des Défenseurs des Droits Humains en Afrique Centrale (REDHAC) et ses points focaux (Cameroun, Gabon, Congo, Guinée Equatoriale, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Tchad, Sao Tome et Principe)
1) Déclarent l’Ordonnance N°72/ORD/CI.MNJB/TMY du 11 juillet 2019 sans fondement, car lors de ces manifestations pacifiques, nous n’avons assisté à aucune dégradation de biens publics, ni destruction, ni outrage à chef de l’Etat, encore moins une insurrection ou hostilité contre la patrie. Pour le REDHAC, c’est de la pure invention.
2) En passant outre les dispositions des institutions régionales, notamment la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples dont le Cameroun est signataire de la Charte et tous les autres instruments internationaux qui régulent la compétence du tribunal militaire, le Lieutenant-colonel Magistrat MISSE NJONE Jacques Baudoin et le Sous-lieutenant MENGUE ZEH Clémence du Tribunal Militaire de Yaoundé laissent croire que la justice est politisée et instrumentalisée au Cameroun.
Le REDHAC et ses points focaux rappellent à l’Etat du Cameroun et aux magistrats en charge de ce dossier que:
a- les Lignes Directrices et Principes de la Commission Africaine et des Nations Unies sont bel et bien des textes contraignants pour les Etats parties signataires de la Charte et non de « simples vœux qui ne lient pas les Etats et ne sauraient avoir une valeur supra légale » tel qu’écrit par le Lieutenant-colonel Magistrat MISSE NJONE Jacques Baudoin dans son ordonnance de renvoi.
b- par contre, la Résolution 2005/30 du 19 avril 2005 du Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme en son article 8 a simplement un caractère de recommandation et ne pourrait en aucun cas être utilisé comme référence pour justifier le renvoi du Pr Maurice KAMTO et les 89 autres dont 11 femmes devant le Tribunal Militaire de Yaoundé.
Aussi, le REDHAC et ses points focaux informent l’Etat du Cameroun et les magistrats en charge de ce dossier de ce qui suit :
– Les lignes directrices sur la liberté d’association et de réunion en Afrique stipulent au chapitre II : Régime de notification : Art 71 « Le fait de participer à des réunions et d’en organiser est un droit, non un privilège, et il s’ensuit que l’exercice de ce droit n’exige pas d’autorisation de l’État. Un système de notification préalable peut être mis en place pour permettre aux États de faciliter l’exercice de ce droit et de prendre les mesures nécessaires pour garantir la sécurité publique et protéger les droits des autres citoyens.
a) Un régime de notification exige que la présomption en faveur de la tenue de réunions prévale toujours et que les rassemblements ne soient pas automatiquement perturbés, par voie de dispersion ou de sanction, du fait qu’ils n’ont pas été officiellement déclarés au préalable, sous réserve des dispositions spécifiées ci-dessous.
b) La non-déclaration d’un rassemblement ne saurait le rendre illégal. » C’est pourquoi le REDHAC et ses points focaux:
1- tout en réitérant leur soutien au Pr. Maurice KAMTO et à toutes et tous les autres activistes, déclarent le tribunal militaire incompétent à juger les civils ; par conséquent, ils exigent leur libération immédiate et sans conditions avec abandon de toutes charges
2- Condamnent la détention arbitraire spécifique des femmes activistes, à savoir Me Michèle NDOKI, KAMEGNE Georgette Laure épse NOUTCHANG KAMDEM Dibel, KENGNEGNE KAUCHE Elise épse FONDJO, GUIADEM épse TCHUENKAM NZIKO Florence, NINTIIDEM Crescence, NGUIEKOM KUITCHE Blandine Carine, PEMHA Nina, MAINTCHUNGON Florentine, SAMIRATOU MATCHEUNDEM, NGUIMETSOP Adèle, NONKAM KAMGA épse TUMANO Anne Marguerite, des jeunes MOUMENI Christian Marcel, YANGOUA FOTSO Brice et exigent leur libération suivie d’une réparation conséquente
Le REDHAC et ses points focaux demandent à l’Etat du Cameroun:
1- pour le cas spécifique des 11 femmes activistes, de démontrer son engagement politique par la mise en œuvre de leurs obligations et engagements à protéger et à défendre les femmes activistes conformément au Protocole de Maputo et aux recommandations du rapport sur la situation des femmes défenseures en Afrique de la CADHP d’avril 2013
2- de se conformer scrupuleusement aux instruments régionaux et internationaux des Droits humains et Libertés fondamentales suivants :
– Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques ratifié en 1984 ;
– Directives et Principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire (2007)
– Les lignes directrices sur les conditions d’arrestation, de garde à vue et de détention provisoire en Afrique adoptée lors de la 55e session ordinaire de la CADHP à Luanda du 28 avril au 12 mai 2014 ;
– Les principes et directives sur les droits de l’homme et des peuples dans la lutte contre le terrorisme en Afrique adoptée lors de la 56e session ordinaire de la CADHP à Banjul en Gambie (21avril au 7 mai 2015) ;
– Les lignes directrices sur la liberté d’association et de réunion en Afrique adoptées du 8 au 22 mai 2017
Enfin,
3- Le REDHAC urge l’Etat du Cameroun à mettre en place les mécanismes adéquats pour la résolution de la crise sociopolitique et de la crise postélectorale.
Me Bruno GBIEGBA (RCA)
Roch Euloge N’ZOBO (Congo)
Rostin MANKETA (RDC)
Pyrrhus BOGUEL (Tchad)
Santiago M. ESSONO (Guinée équatoriale)
Marc ONA OSSANGUI (Gabon)
Maximilienne Ngo MBE (Cameroun)