Une épouse de détenu écrit à son époux!
LETTRE A MON HÉROS DE TOUJOURS
Mon héros KAMGAING Jacques
Oui mon héros tu l’es depuis le jour de notre première rencontre.
Je comprends pourquoi tu m’a façonné tel que je suis aujourd’hui:
– Parti du niveau primaire, je suis devenue femme de niveau universitaire
– Quitter de coiffeuse pour une femme de bureau …
– Quitter d’une femme exécutante pour une femme cadre
Mes souvenirs ah oui mes souvenirs!
– Je me souviens que tu me demandais souvent de prendre des décisions malgré les conséquences à subir que tu connaissais à l’avance ; De considérer que tu n’es pas là.
– Je me souviens des petites épreuves que nous faisions face quelque fois en nous coupant des vivres volontairement justifié par le fait qu’il fallait habituer nos enfants à vivre des moments difficiles surtout que la vie est incertaine dans notre pays, que l’on peut perdre du jour au lendemain tout ce que l’on possède comme biens sans que la justice ne vienne en aide.
– Je me souviens du jour que tu m’as confirmé ton engagement en politique.
Vu mon étonnement et connaissant les problèmes que génèrent la politique en Afrique, tu m’as dit” Ma cherie si tu ne la fait pas pour ton pays croyant fuir ces problèmes elle te les amènera” citant les préjudices subit par ton entreprise, causés par des soit disant intouchables de la République qui utilisent certains moyens pour tordre la loi.
Depuis 10 ans pour le dossier de la cour suprême et 08 ans pour celui de la cour d’appel du littoral.
Après cette information plus rien n’était comme avant : le parti est devenu ta nouvelle famille, tes amis politiques sont devenus tes frères, tu ne pouvais plus manquer un débat ou le journal sous aucun prétexte,la multiplication des voyages pour des causes politiques……
– Je me souviens du jour des marches Blanches, tu dressais la liste de tes créanciers ainsi que tes débiteurs en me disant sourire aux lèvres ” il peut arriver un accident d’autant plus que tu connais la barbarie du système en place “et directement ces jours devenaient des journées à ne rien faire parce que connecté aux réseaux sociaux pour attendre la moindre information vous concernant.
Des fois l’attente était interminable parce que arrêté, torturé et détenu dans des cellules et tout ce que tu trouvais à me dire à ton retour c’est d’être forte.
– Je me souviens le soir du fameux 28 février 2019 où mon téléphone a sonné aux environs de 20h10 min après l’avoir décroché tu m’as dit à voix basse “Je suis au domicile de Mr Dzongang, ainsi que le PN , la police et la gendarmerie nous ont encerclés, si je ne rentre pas sache que je suis en cellule surtout reste tranquille et soit forte”. En ce moment là je ne savais pas qu’il était venu le temps de mettre en pratique tout ce que j’avais appris depuis .
– Je me souviens après avoir eu l’information de votre transfert pour Yaoundé, j’ai fais le déplacement deux jours après sans savoir où j’allais débuter , j’ai fait des va et vient dans des services de CCGMI, GSO, DRPJ, SED……pendant trois jours sans avoir une information sur ton lieu de détention. Même le quatrième jour ayant eu l’information de ta présence au SED, j’étais loin de savoir que mon calvaire n’était pas terminé parce que l’accès m’y était interdit ainsi qu’a ta famille durant toute la période de ta garde à vue.
– Je me souviens du 18 Février 2019, une semaine après votre transfèrement à la prison centrale de Yaoundé, où je t’avais finalement rencontré après 21 jours de souffrance.
Lorsque nos regards sont croisés , j’ai été étonnée de voir un homme souriant, physiquement bien portant, gardant son poids comme ci de rien n’était et soucieux plus tôt de mon cas puisque j’avais perdue près de 10% de mon poids en trois semaines.
Subitement contre tout attente tout avait basculé lorsqu’on s’était retrouvé seul tout les deux; visage froissé, un thon inhabituel sortant des phrases telles que: “pourquoi soufre tu autant ?, le fait de pleurnicher ne changera rien, soit forte et courageuse tu as tout pour réussir sans ma présence”. Tous ce que tu peux faire pour m’accompagner dans cette épreuve est que je sois fière de toi:c’est de doubler d’effort, de travailler dur et surtout de reprendre ton poids normal avant la prochaine visite s’il te plait fais le pour moi “. Et je te l’avais promis.
Ce jour là, l’homme qui était face à moi n’était plus celui que j’avais connu auparavant.
Tu étais devenu un homme qu’on ne pouvait plus faire plier. Traversant cette petite période difficile avec la fermeture de ton entreprise après ton incarcération à cause de ton engagement politique, en écoutant tes propos, j’ai compris qu’il revenait à moi de prendre le contrôle de la famille.
J’ai finalement compris ton engagement politique .Rien que le soutien et les encouragements de nombreux Camerounais que je ne connais même pas et qui se multiplient du jour au lendemain me montrent qu’il y a un mal profond et que vous avez eu le courage d’oser.
Je vais aussi te dire que la leçon à été assimilée et mise en pratique. Quelque soit les épreuves je serais prête à affronter . *Tu as fais de moi ce que tu voulais que je sois et je suis fière de l’être* .
Marc, Kiryll et Patricia savent que tu es un prisonnier politique, tu y es pour une bonne cause et que tu te bat pour leurs avenirs. Ils savent que tu es l’un des héros oui leur héros!
Même s’ils entendent sans le comprendre, ils le comprendront un jour et ce jour là ils seront fiers de toi.
Ce 06 Septembre 2019 est un grand jour qui marquera l’histoire du Cameroun ainsi que celle de ta famille.
J’ai effectué le déplacement de Douala pour Yaoundé pour la vivre en direct, te soutenir, entendre et voir !
Ainsi je raconterais à ta descendance l’histoire vécu et non l’histoire racontée.
Courage mon héros mon compagnon de touts les jours .
Mon compagnon de toujours.
Je t’aime !
*JULLIENNE ELODIE*.
Source: Gerard Philippe Kuissu Mephou