Le Tribunal correctionnel de Lyon vient de relaxer les militante et militant « décrocheurs de portrait » du président de la République, action non violente qui vise à alerter sur l’abstention des gouvernants à prendre les mesures pour lutter contre le réchauffement climatique.
Ci-après l’essentiel de la motivation du jugement, un beau moment de justice (et bravo aux consœurs et confrères du SAF Lyon pour ce moment de défense collective) :
” (…) Attendu toutefois que, face au défaut de respect par l’Etat d’objectifs pouvant être perçus comme minimaux dans un domaine vital, le mode d’expression des citoyens en pays démocratique ne peut se réduire aux suffrages exprimés lors des échéances électorales mais doit inventer d’autres formes de participation dans le cadre d’un devoir de vigilance critique; que des messages à l’adresse du gouvernement peuvent ainsi être diffusés au moyen de rassemblements dont les organisateurs et les autorités s’efforcent de limiter le trouble à l’ordre public que pourrait provoquer une affluence soudaine de personnes aux intentions immédiates incertaines; qu’en l’espèce la réunion de dix ou vingt personnes, même non déclarée préalablement en Préfecture investissant pendant quelques minutes un bâtiment affecté à l’administration des citoyens et ses abords, sans bousculade ni dissimulation sur son mobile ou ses déplacements, revêt un caractère manifestement pacifique de nature à constituer un trouble à l’ordre public très modéré;
Attendu, s’agissant du portrait que les manifestants ont cru devoir emporter, la Commune de LYON le destinait, à l’endroit de son installation, à la vue du public, comme symbole de l’Etat en vertu des pouvoirs conférés par la constitution de la Vème République au président de la République; que de tels pouvoirs, conjugués à une élection au suffrage universel direct, introduisent une relation particulière de cette autorité avec les citoyens admis à exercer un contrôle de la politique nationale sans être en mesure d’interroger individuellement cette autorité, eu égard notamment au nombre représenté par les premiers et à la protection due à la personne du second; que dans l’esprit des citoyens profondément investis dans une cause particulière servant l’intérêt général, le décrochage et l’enlèvement sans autorisation de ce portait dans un but voué exclusivement à la défense de cette cause, qui n’a été précédé ou accompagné d’aucune autre forme d’acte répréhensible, loin de se résumer à une simple atteinte à l’objet matériel, doit être interprété comme le substitut nécessaire du dialogue impraticable entre le président de la République et le peuple;
Attendu que la conservation de ce portrait, qui achève de caractériser sa soustraction volontaire, n’était certes pas une suite nécessaire au marquage d’une forme d’appel adressée au président de la République, face au danger grave, actuel et imminent, à prendre les mesures financières et réglementaires adaptées ou à défaut rendre compte de son impuissance; que cette conservation obéit néanmoins à un motif légitime dès lors que l’usage du portrait semble être limité à son exhibition au service de la même cause à l’occasion de manifestations publiques (…)
RELAXE”
(TGI Lyon, 7° Ch cor, 16 septembre 2019)
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Lyon: les deux “décrocheurs” d’un portrait de Macron relaxés, une action jugée “légitime”
Jugés pour vol en réunion, le parquet avait requis une amende de 500 euros contre ces deux militants écologistes.
Les deux militants écologistes, jugés devant le tribunal correctionnel de Lyon, pour avoir décroché et emporté un portrait d’Emmanuel Macron dans la mairie du 2e arrondissement de Lyon ont été relaxé ce lundi. Le juge a ordonné “la relaxe au bénéfice de l’état de nécessité et pour motif légitime”.
Dans sa décision, le juge a reconnu que le vol de “l’objet d’une valeur fortement symbolique” était bien matérialisé. Mais, selon lui, la réalité du dérèglement climatique “affecte gravement l’avenir de l’humanité”, ce qui légitime “d’autres formes de participation” des citoyens, “dans le cadre d’un devoir de vigilance critique”.
Fanny, 35 ans, et Pierre, 33 ans, poursuivis pour vol en réunion, avaient “réquisitionné” ce portrait officiel du président le 21 février dernier. Après cet acte, mené à visage découvert et sans violence, le maire Denis Broliquier avait immédiatement porté plainte.
Le 2 septembre dernier, lors du procès de ces deux militants, le parquet avait requis une amende de 500 euros.
Dénoncer l’inaction climatique
“C’est une première et un très très bon signal pour nous”, a déclaré une porte-parole du mouvement ANV-COP21 qui a salué cette “décision historique” actant “le non-respect des objectifs climatiques de la France et la légitimité des actions de désobéissance civile face à l’urgence climatique”. La militante relaxée a quant à elle affirmé qu’il s’agissait de la “reconnaissance de plusieurs années de militantisme”.
Les deux militants écologistes avaient expliqué avoir agi pour dénoncer l’inaction climatique du gouvernement. “Les portraits officiels ainsi emportés ne seront rendus que lorsque le président Macron mettra enfin en place une politique cohérente avec une trajectoire française compatible avec les +2 °C voire +1,5 °C par rapport à l’ère pré-industrielle”, promettait l’association ANV-COP21 dans un communiqué au mois de février après le décrochage du portrait.
Le premier procès de “décrocheurs” s’était tenu fin mai à Bourg-en-Bresse. Un militant écologiste avait été condamné à une peine d’amende ferme de 250 euros et cinq autres à une amende avec sursis. Deux semaines plus tard, le tribunal correctionnel de Strasbourg avait relaxé trois militants qui avaient brièvement décroché un portrait du chef de l’Etat dans une mairie du Bas-Rhin.