L’atelier de lancement au Cameroun de la campagne internationale « Tournons la Page », qui se déroulait les 14 et 15 septembre au Palais des Congrès de Yaoundé sur le thème “Gouvernance électorale et alternance démocratique”, a été brutalement interrompu mardi par la police [1]. Six personnes (dont un journaliste) ont été arrêtées, et se sont vues notifier ce mercredi une « garde à vue administrative » de 15 jours renouvelables, au motif de « défi de la loi sur la mobilisation publique en réunissant une soixantaine de trublions acquis à leur cause ». L’atelier, organisé par le réseau d’ONG national Dynamique Citoyenne, avait lieu dans une salle louée pour l’occasion et n’était donc pas une mobilisation publique ; quant à la « garde à vue administrative », celle-ci est normalement prévue dans le cadre de la lutte contre le grand banditisme, mais déjà utilisée de façon extensive par les autorités camerounaises par le passé pour museler les critiques vis-à-vis des autorités [2].
Ce mercredi 16 septembre, la police a interpellé 3 autres militants de Dynamique Citoyenne, qui sont également toujours retenus. Les autorités n’entendent donc pas reculer dans ce bâillonnement de contre-pouvoirs citoyens et non-violents. Cette vague d’arrestations intervient juste après la libération et le retour en France de Claude Linjuom Mbowu. Ce ressortissant camerounais en doctorat à l’université Paris 1 avait été arrêté le 6 septembre à son retour de l’Extrême-Nord, au prétexte de mesures sécuritaires contre Boko Haram ; mais son passé militant dans un syndicat étudiant camerounais fait de cette arrestation une affaire très politique [3].
Pour Thomas Noirot, de l’association Survie, « ces arrestations politiques interviennent à peine plus de deux mois après la visite au Cameroun de François Hollande, lors de laquelle la situation de certains prisonniers politiques a été évoquée. Mais la défense des droits humains ne peut pas avoir deux poids deux mesures, sous prétexte de ne pas heurter un dictateur en place depuis presque 33 ans, une longévité au pouvoir qu’il doit justement à la France ! » [4].
L’association Survie attend que la diplomatie française condamne publiquement ces arrestations politiques, et cesse enfin de tolérer des violations des droits élémentaires au prétexte de préserver ses intérêts.
[2] [2] Le magistrat Edouard Kitio écrivait ainsi en 1997 : “la garde à vue administrative a toujours constitué pour les autorités administratives une arme redoutable pour punir tous ceux qui tentent d’enfreindre leurs règlements. Le motif de garde à vue est souvent loin de cadrer avec les préoccupations du législateur. Ainsi l’outrage à l’autorité administrative entraîne la garde à vue administrative. L’outrage au chef de l’État, les manifestations collectives de mécontentement, même non accompagnées d’actes de violence ainsi que le refus d’exécuter un ordre verbal d’une autorité administrative (…) sont susceptibles d’entraîner la garde a vue administrative”, « La garde à vue administrative pour grand banditisme et respect des droits de l’homme au Cameroun », Juridis Info n°30, Avril-mai-juin 1997, pp. 47-56
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« Tournons la Page » demande la libération immédiate et sans condition de ses militants
La coalition internationale Tournons la page dénonce l’arrestation de ses membres camerounais réunis en atelier de travail les 14 et 15 septembre 2015
Le 15 septembre 2015, journée internationale de la démocratie, des membres de la coalition Tournons la Page au Cameroun ont été brutalement arrêtés lors d’un atelier de travail.
Cette arrestation est intervenue alors que le réseau Dynamique Citoyenne (coordinateur national de Tournons la Page) était réuni au Palais des sports de Yaoundé dans le cadre d’un atelier de réflexion sur la gouvernance électorale et l’alternance démocratique. Sur l’ordre du sous-préfet de Yaoundé 2ème, les membres présents de la campagne Tournons la Page au Cameroun ont été séquestrés puis évacués violemment, par une quarantaine d’éléments des forces de l’ordre. Les T-shirts des participants ont été arrachés, le matériel des journalistes présents à l’événement et les téléphones de certains participants ont été confisqués. Six personnes ont été arrêtées ce 15 septembre 2015, journée internationale de la démocratie. Il s’agit de : M. Jean-Marc BIKOKO (le point focal national de Dynamique Citoyenne, Président de la Centrale Syndicale du Secteur Public),Agnès Adélaïde METOUGOU, BIKOKO Le juste, Jessie BIKOKO, NDJALLA EPANGUE Yves et FOGNO FOTSO François.Ils sont actuellement toujours en détention.
De plus, le 16 septembre dans la matinée, la police a fait irruption au siège de Dynamique Citoyenne, arrêtant notamment son coordinateur, Léon Ngaba, ainsi que Jean-Baptiste Sipa, coordinateur national de Article 55 alors que le réseau tenait sa coordination nationale.
La coalition internationale Tournons la Page dénonce avec la plus grande véhémence ces atteintes graves et flagrantes à la liberté d’expression et interpelle l’opinion publique internationale sur ces actes de répression et d’intimidation à l’encontre de la société civile camerounaise, en particulier les membres de la campagne Tournons la page, qui exerce sa fonction d’observation, de réflexion et d’analyse citoyennes de la société.
L’ensemble de la coalition internationale Tournons la Page, qui réunit une cinquantaine d’organisations en Afrique et en Europe ainsi qu’un bon millier de soutiens, demande la libération immédiate et sans condition de ses membres arbitrairement détenus.
La Campagne en appelle au sens de responsabilité des pouvoirs publics et leur devoir de garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique nécessaire à la société civile afin qu’elle mène librement son action citoyenne.
Tournons la Page demande aux Nations Unies, à l’Union Européenne, ainsi qu’à l’Union Africaine de tout mettre en œuvre en vue d’obtenir la libération des personnes détenues.