L’ancien directeur général de la Cameroun Radio Télévision souffre d’une pathologie neurologique sévère et évolutive selon un diagnostic de l’Hôpital central de Yaoundé confirmé par l’Hôpital américain de Paris. Ses traitants préconisent son évacuation sanitaire pour une prise en charge efficace. Et ses avocats demandent aux autorités de respecter le conseil des médecins.
Amadou Vamoulké n’a finalement pas eu les faveurs du jury pour la désignation des lauréats du prix Reporters sans frontières (RSF) 2019. La saoudienne, Eman Al Nafjan, la Vietnamienne, Pham Doan Trang, et la Maltaise, Caroline Muscat ont été préférées au Camerounais, qui était pourtant l’unique nominé africain de ce concours planétaire cette année. La cérémonie de remise des prix a eu lieu vendredi, 13 septembre 2019 à Berlin, à l’occasion des 25 ans de la section locale de l’ONG internationale, sans M. Vamoulké, qui est embastillé à la prison centrale de Yaoundé – Kondengui. Sensible à l’approche genre, l’ancien Directeur général (DG) de la Crtv se consolera peut-être d’avoir été dominé par trois dames, qui symbolisent, pour le jury, les figures les plus marquantes de la lutte pour la liberté de presse dans le monde pour la période.
La proclamation des prix RSF a quasiment coïncidé avec la publication d’une information assez grave pour M. Vamoulké. Déjà connu pour sa santé relativement fragile, le journaliste souffre d’une affection neurologique sévère qui nécessite une évacuation sanitaire dans un environnement professionnel plus adapté. C’est en tout cas ce que suggère depuis quelques semaines son médecin traitant à l’Hôpital central de Yaoundé sur la base des examens jugés incomplets : «Compte tenu du plateau technique limité et de la sévérité de l’affection neurologique, nous recommandons une évacuation de M. Vamoulké dans un centre spécialisé pour faire le diagnostic étiologique (biopsie nerveuse) et éventuellement envisager un traitement de fond qui pourra être soit la perfusion des immunoglobulines, soit un autre traitement immunomodulateur ».
Tableau déficitaire
Les résultats des examens réalisés à Yaoundé, mais transmis à l’Hôpital américain de Paris, sont à la base d’un avis médical qui corrobore l’option de l’évacuation de M. Vamoulké dans un environnement médical plus adéquat. Le professeur de médecine Hervé Tallia, neurologue en service dans la formation hospitalière parisienne, a en effet émis un certificat jeudi dernier, 12 septembre 2019, qui conclut «[qu’une] hospitalisation pour bilan étiologique et traitement semble de fait souhaitable en France (par exemple)». Dans ce document dont Kalara a pris connaissance, le Pr Tallia dit avoir pris connaissance du «dossier médical de M. Amadou Vamoulké, présentant un tableau déficitaire des deux membres inférieurs, sévère et évolutif pour lequel le bilan réalisé à Yaoundé n’est pas complet ni optimal». En français facile, on dira que M. Vamoulké perd progressivement sa sensibilité au niveau de ses jambes… Un risque de paralysie existe.
Le praticien français préconise dans le langage de sa science «la pratique d’une IRM cérébrale, IRM médullaire complète, nouvel EMG, voire ponction lombaire et biopsie nerveuse et d’un traitement à adapter au diagnostic, mais qui pourrait être des immunoglobulines intraveineux ». Il confirme dans son certificat médical que lesdits examens et médicaments «semblent difficiles à réunir sur place», c’est-à-dire au Cameroun. Le portail des camerounais de Belgique. L’information, portée à la connaissance de Reporters sans frontières, qui suit de près le déroulement du procès intenté contre l’ancien DG de la Crtv de même que ses conditions d’incarcération, a aussitôt appelé les autorités camerounaises pour l’évacuation sanitaire rapide du journaliste. Ce lundi, 16 septembre 2019, M. Vamoulké doit pourtant comparaître aux côtés de ses coaccusés devant le Tribunal criminel spécial, où il est jugé pour des faits supposés de détournement des deniers publics pour une valeur avoisinant 3,9 milliards de francs. Le procès marque le pas, l’accusation, dépourvue de témoins, faisant feu de tout bois pour faire admettre dans le dossier des juges des documents fortement contestés par la défense. Depuis octobre 2018, par exemple, le procureur général près le TCS et les avocats de l’Etat sont revenus à quatre reprises devant les juges pour introduire la copie du procès verbal d’une enquête de la police judiciaire réalisée en 2009. C’est un document que la défense qualifie tantôt de faux, tantôt de ne pas revêtir les formes prévues par la loi pour être accepté comme pièce à conviction.
Droits fondamentaux
Ce 16 septembre, le tribunal aura donc à se prononcer pour la quatrième fois en neuf mois sur l’opposition entre défense et accusation pour l’admission de cette pièce, si le procès se tient finalement. Une grosse hypothèque plane sur la suite des débats, quelle que soit la décision que donneront les juges sur cette bataille procédurale. En effet, l’un des avocats de M. Vamoulké, Me Alice Nkom, a déjà annoncé la couleur en indiquant son intention de demander la suspension du procès, le temps que son client aille se faire soigner à l’étranger. Sur le site de RFI, l’avocate a exprimé sa «hantise». «J’ai bien peur qu’on ne soit obligé de sacrifier sa vie, c’est-à-dire sa santé, ce qui serait une catastrophe», a-telle dit, en appelant au respect des droits fondamentaux (vie et santé) de M. Vamoulké.
Rappelons que M. Amadou Vamoulké en compagnie de M. Polycarpe Abah Abah et Mme Antoinette Essomba sont poursuivis pour des faits supposés de détournement des biens publics au détriment de la Crtv, office public de radio et télévision dont il fut le DG pendant 10 ans. C’est le second volet d’un procès pour lequel son prédécesseur, Gervais Mendo Ze, et M. Abah Abah ont déjà été condamnés. Ce procès a déjà connu vingt-et-un renvois au total. Au départ poursuivi libre, M. Vamoulké avait été jeté en prison au prétexte inexact qu’il ne justifiait plus d’un domicile connu à Yaoundé. De nombreuses organisations de la société civile camerounaises et étrangères du champ de la défense des droits de l’Homme estiment que M. Vamoulké est accusé de façon fantaisiste. De nombreux dirigeants de l’audiovisuel public africain et français mais aussi certains hommes politiques demandent sa remise en liberté.
Du fait de ses ennuis judiciaires et ses faits d’armes de journaliste, M. Vamoulké est considéré par Reporter Sans Frontières (RSF) comme une victime de la répression de la liberté de presse.
Source : Kalara : Christophe Bobiokono