Maurice Kamto est libre. La présidente du tribunal militaire de Yaoundé a prononcé ce samedi 5 octobre l’abandon des charges retenues contre le leader du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), ses alliés politiques ainsi que ses militants, incarcérés pour avoir participé aux marches blanches contestant le résultat de la présidentielle de 2018, à l’issue de laquelle Paul Biya a été réélu pour un septième mandat.
La décision de Paul Biya
Au total, 90 personnes ont été relaxées ce samedi. « J’ai décidé de l’arrêt des poursuites judiciaires contre certains responsables et militants de partis politiques, notamment du MRC, arrêtés et détenus pour des faits commis dans le cadre de la contestation des résultats de la récente élection présidentielle », avait écrit la veille le chef de l’État camerounais, dans un court communiqué.
Parmi les prisonniers qui ont recouvré la liberté, Michèle Ndoki, Alain Fogué, Christian Penda Ekoka, Paul Eric Kingue ou encore Albert Dzongang, des cadres du MRC proches de Maurice Kamto. Ils ont été accueillis par une foule impressionnante, massée à l’entrée du tribunal militaire de Yaoundé depuis le début de matinée.
Intenses négociations
Cette remise en liberté de l’opposant camerounais est le fruit de plusieurs jours de négociations en coulisses. Tout a commencé mi-septembre, à l’initiative du palais d’Étoudi.
Deux émissaires ont pris contact avec Maurice Kamto, arrêté le 26 janvier dernier à la suite d’une manifestation organisée à Douala, et détenu depuis à la prison principale de Yaoundé.
Les deux personnalités étaient porteuses d’une proposition de sortie de crise comportant l’élargissement de l’opposant en échange de l’engagement de ce dernier à renoncer à contester la réélection de Paul Biya lors de la présidentielle du 7 octobre 2018.
Maurice Kamto accepte de les recevoir, mais pose tout de suite un préalable à l’entame d’un dialogue avec les émissaires de Biya. Il exclut de poursuivre la discussion si l’arrêt des poursuites ne devait profiter qu’à lui, et pas à ses compagnons de la coalition constituée autour de sa candidature.
Après plusieurs va-et-vient entre la prison de Kondengui et le palais présidentiel, les émissaires transmettent la bonne nouvelle. Paul Biya consent à libérer Michèle Ndoki, Alain Fogué, Christian Penda Ekoka et Albert Dzongang.
Le cas Paul Eric Kingué
Les discussions ont été plus compliquées s’agissant de Paul Eric Kingué. Le pouvoir a essayé de maintenir en détention le bouillant ancien directeur de campagne du candidat du MRC lors de la dernière présidentielle.
Certains caciques n’ont pas digéré les menaces de cet ancien maire de Njombé-Pendja, qui fut – déjà – condamné à perpétuité à la suite de sa participation présumée aux émeutes de 2008, avant d’être acquitté au bout sept ans de détention par la Cour suprême. Finalement c’est bien tout l’état-major du MRC qui a été libéré.
Maurice Kamto a également tenté d’obtenir la libération de leaders anglophones, dont Sisiku Ayuk Tabe, le président autoproclamé de l’« Ambazonie », mais aussi les ex-secrétaires généraux de la présidence, Jean-Marie Atangana Mebara et Marafa Hamidou Yaya, afin de « faire baisser les tensions et ramener l’apaisement », selon l’un de ses proches.
ILS N’ONT PAS LE CHOIX, ILS VONT DEVOIR NOUS LIBÉRER BIENTÔT
Actuellement à l’étranger, l’épouse de Maurice Kamto a pour sa part fait le choix, ces derniers jours, de respecter un strict silence médiatique. On sait cependant que, depuis vendredi soir, une armée de cuisiniers s’activent à la résidence de Maurice Kamto pour préparer les célébrations de sa remise en liberté.
La « Brigade anti-sardinards »
Lors de leurs arrestations en janvier, la police avait tiré des « balles non létales » sur les militants du MRC, dont l’avocate Michelle Ndoki. » À la suite de ces évènements, des activistes de la diaspora, regroupés au sein d’une organisation dénommée « Brigade anti-sardinards », en référence aux boîtes de sardines distribuées lors des meetings du parti au pouvoir, avaient saccagé les représentations diplomatiques camerounaises à Paris et Berlin. Maurice Kamto, accusé d’avoir provoqué ces troubles, a toujours nié toutes implications dans les activités de cette organisation
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