Donner l’impression de dialoguer sans convier aucun des principaux acteurs politiques de l’opposition légitime, ni aborder les fondements des différentes crises…
Tel semble le mot d’ordre partagé par les différents autocrates d’Afrique noire francophone qui, du Cameroun de Paul Biya, au Congo Brazzaville de Dénis Sassou Nguesso, en passant par le Bénin de Patrice Talon n’ont qu’une obsession: éliminer par tous les moyens, y compris physiques, leurs principaux opposants légitimes souvent avec l’accord implicite de Paris.
Les pays peuvent ainsi comme au Cameroun s’enliser dans une guerre civile dans la zone anglophone qui a déjà fait plus de 3000 morts civils et poussé 500 000 autres à s’enfuir sous des soupçons persistants de génocide perpétré par l’armée du dictateur, ce dernier ne l’entend pas, pas plus qu’il le voit, et paraît uniquement déterminé à obtenir l’onction de “fréquentabilité” internationale de la part de la France après avoir organisé une parodie de dialogue national sans les principaux protagonistes.
La suite nous la voyons: émeutes à caractère tribal dans sa propre ville d’origine (Sangmélima), poursuite des villes mortes et de la guerre au Cameroun anglophone, marasme économique généralisé…
“Un seul mot, continuez!”
JDE
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Au Bénin, le président Talon lance son « dialogue politique » sans les leaders de l’opposition
Le président béninois Patrice Talon a lancé jeudi 10 octobre à Cotonou un « dialogue politique » destiné à sortir de la crise qui secoue le petit pays d’Afrique de l’Ouest depuis les législatives d’avril, mais en l’absence des poids lourds de l’opposition.
« Le dialogue politique auquel je vous convie trouve sa justification dans la volonté de notre peuple de voir ses acteurs politiques se hisser à la hauteur des défis qu’impose la construction de l’Etat », a déclaré le chef de l’Etat à l’ouverture de la rencontre censée durer trois jours, à laquelle participent une dizaine de partis. « Il s’inscrit dans mon souci permanent d’associer les acteurs politiques à la recherche des compromis aux questions essentielles, notamment électorales, dont la résolution est indispensable », a-t-il poursuivi.
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« Notre rencontre de ce jour, loin d’être le signe d’un quelconque stress de notre démocratie, s’apparente à une exigence de check-up quand survient une quinte de toux d’une résonance inhabituelle », a affirmé M. Talon.
Les tensions actuelles découlent des élections législatives du 28 avril, auxquelles l’opposition n’a pas participé pour la première fois en trente ans, dans ce pays réputé être un modèle de démocratie, de nombreux partis n’ayant pas rempli les conditions légales adoptées récemment par le Parlement. Les manifestations populaires qui avaient suivi, et leur violente répression, ont fait une dizaine de morts par balle.
« Compromettre notre cohésion »
« Notre charte des partis politiques et notre code électoral nous ont causé du tort, parce que bon nombre d’entre nous, à la mise en œuvre, ne s’y sont pas retrouvés, a reconnu le président. Nous nous sommes déchirés au point de compromettre notre cohésion ». Le dialogue doit ainsi permettre de « réfléchir et échanger sur les adaptations possibles à y apporter en vue d’une meilleure et réaliste organisation (…) de la compétition politique » avant les élections locales prévues en mars 2020.
Mais faute de répondre aux mêmes exigences légales qui les ont empêchés de participer aux législatives, plusieurs grands partis d’opposition n’ont pas été conviés. C’est notamment le cas de l’Union sociale libérale (USL) de l’homme d’affaires Sébastien Ajavon, aujourd’hui exilé en France, et de Restaurer l’espoir, de l’ancien ministre de la défense Candide Azannaï. Parmi les neuf partis qui prennent part à la rencontre, avec près de 300 participants au total, on compte beaucoup de satellites de la majorité présidentielle.
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Seule exception notable : la présence de Forces cauris pour un Bénin émergent (FCBE), le parti du principal adversaire politique de Patrice Talon et ancien chef d’Etat, Thomas Boni Yayi – qui avait quitté Cotonou fin juin après le siège de son domicile par les forces de l’ordre durant les violences post-électorales et n’est pas réapparu en public depuis. Mais le parti est divisé entre les partisans d’une certaine normalisation, prêts à faire des compromis avec le pouvoir, et une aile dite « dure » fidèle à Boni Yayi, qui boycotte le dialogue.
Une « logique d’exclusion »
En signe de protestation, l’opposition organise jeudi en parallèle un « contre-dialogue » dans la capitale économique, baptisé « les assises de la résistance » et présidé par l’ancien chef d’Etat Nicéphore Soglo. « Le chef de l’Etat avait annoncé un dialogue franc et direct avec toute la classe politique mais, aujourd’hui, on se rend compte que toute la classe politique n’a pas été invitée, que les sujets ont été imposés », a déclaré à l’AFP un leader de l’opposition et ancien député, Guy Dossou Mitokpè. « Le gouvernement est toujours dans sa logique d’exclusion, a-t-il ajouté. Au lieu de chercher une porte de sortie, le gouvernement continue l’enlisement. »
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L’opposition réclame notamment le retour des exilés politiques, la libération des opposants emprisonnés et la reprise des législatives en présence de l’opposition. De nombreux observateurs dénoncent régulièrement un tournant autoritaire du président Talon, ancien magnat du coton. Depuis son élection en avril 2016, son gouvernement a adopté plusieurs mesures interdisant ou restreignant le droit de grève et de rassemblement public.
La majorité de ses opposants ont fait face à de graves ennuis judiciaires, à commencer par ses principaux rivaux à la dernière présidentielle, aujourd’hui en exil. En octobre 2018, Sébastien Ajavon a ainsi été condamné par un tribunal spécial à 20 ans de prison pour trafic de cocaïne, tandis que Lionel Zinsou, arrivé second, a été condamné début août à cinq ans d’inéligibilité et six mois d’emprisonnement avec sursis pour usage de faux documents.
Le Monde avec AFP Publié le 10 octobre 2019