C’est un nouveau rebondissement judiciaire qui, à un an de la présidentielle d’octobre 2020, ne manquera pas de faire polémique et d’alimenter les soupçons d’instrumentalisation politique de la justice. Charles Blé Goudé sera jugé ce mercredi 23 octobre devant la cour d’Appel d’Abidjan pour « crimes contre des populations civiles » et « crimes contre des prisonniers de guerre », a appris Jeune Afrique auprès de ses avocats. L’audience est prévue à 15 h GMT, en l’absence du prévenu toujours en résidence surveillée à La Haye, aux Pays-Bas.
Pour en comprendre les raisons, il faut revenir en 2013. En cavale depuis la chute du régime de Laurent Gbagbo en avril 2011, l’ancien chef des Jeunes Patriotes a été arrêté au Ghana le 17 janvier 2013, puis extradé vers son pays. La justice ivoirienne se saisi immédiatement de son cas. Blé Goudé est poursuivi pour douze chefs d’accusation de crimes de guerre.
Transféré à La Haye
L’affaire prend un nouveau tournant, quelques mois plus tard, quand la Cour pénale internationale (CPI) lance un mandat d’arrêt formulant quatre chefs d’accusation de crimes contre l’humanité à son encontre : meurtre, viol, persécution et autres actes inhumains, qu’il aurait commis entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril 2011, lors de la crise post-électorale. Après une longue hésitation, les autorités ivoiriennes décident finalement de l’y transférer.
Détenu jusque-là dans un lieu tenu secret – une cellule de la DST (Direction de la surveillance du territoire) selon les dires de l’intéressé -, Charles Blé Goudé rejoint Laurent Gbagbo à La Haye le 23 mars 2014. On connaît la suite : Gbagbo et Blé Goudé sont acquittés de toutes les charges retenues contre eux en janvier 2019. Une décision contestée par la procureur de la CPI qui a fait appel le 19 septembre dernier.
Poursuivi à Abidjan
À Abidjan, si beaucoup ont cru le dossier ivoirien définitivement mis entre parenthèses, il n’en est rien. Le 16 septembre, le juge en charge de l’affaire notifie officiellement la fin de son instruction, puis remet quelques semaines plus tard son ordonnance de clôture. C’est un non-lieu partiel. Charles Blé Goudé est reconnu coupable de deux des douze chefs d’accusations initialement retenus contre lui.
Si Charles Blé Goudé a affirmé ne pas vouloir être candidat en 2020, il n’a pas fait mystère de ses ambitions politiques
Comme c’est le cas en matière criminelle, le dossier a ensuite été transmis au parquet général qui a fixé l’audience ce mardi. La défense de Blé Goudé devrait demander un renvoi. « L’avis d’audience a été signé le 21 septembre mais nous ne l’avons reçu que le 21 octobre. Les délais prévus par la loi n’ont pas été respectés », explique Me Félix Bobré.
Charles Blé Goudé (47 ans) risque une peine de prison à vie. En cas de condamnation, ses avocats pourront faire appel devant la Cour de cassation. Depuis son acquittement, l’ancien ministre de la Jeunesse s’est plusieurs fois exprimé. Si le président du Congrès panafricain pour la justice et l’égalité des peuples (Cojep) a affirmé ne pas vouloir être candidat en 2020, il n’a pas fait mystère de ses ambitions politiques.
Par Vincent Duhem – à Abidjan