23 octobre 2018-23 octobre 2019. Que le temps passe vite ! Une date à laquelle tout a failli basculer vers le pire pour le modeste journaliste camerounais que je suis. C’est à cette date que j’ai pu me rendre compte du degré d’ensauvagement atteint par cette république en épave appelée République du Cameroun, mon pays d’origine. Une République où un individu sorti des tréfonds malodorants de la pègre de nos forces de sécurité et bombardé colonel a cru bon de me pourrir la vie en accédant en toute violation du secret de la correspondance à un message privé adressé à mes sources d’information. C’est ce 23 octobre 2018 que je me suis rendu compte que le Cameroun est ce drôle de monde à l’envers où un bandit de grand chemin, un voyou, un délinquant multirécidiviste qui devait être confortablement assis au quartier 7 (celui des condamnés à mort) à la prison centrale de Yaoundé pour ses faits d’armes en terme d’assassinat, s’est érigé en justicier en estimant que j’avais fait dans de « l’apologie de terrorisme ».
C’est à se demander si ce digne représentant des analphabètes juridiques du Cameroun sait de quoi il en retourne. En guise de rappel à cette crapule de la pire espèce, on ne parle d’apologie de terrorisme selon l’article 8 de la loi anti-terroriste du Cameroun que quand ladite apologie est faite publiquement ou par tout moyen vivant à atteindre le public. Or non seulement ce message aux populations anglophones (et non aux Amba Boys) n’a été rendu public dans aucune plate-forme virtuelle (Facebook, Twitter, YouTube), mais à aucun moment je n’ai promu ni encouragé encore moins félicité quelque meurtre, kidnapping ou acte de destruction que ce soit. Juste un message aux populations anglophones de continuer à lutter et à résister à un régime voyou décidé à les exterminer et de rester unies dans cette lutte (encore que je n’avais rien à cacher dans ce sens puisque je l’avais déjà dit publiquement). Ce fut un moyen de mieux m’immerger dans le milieu, de m’attirer de potentiels informateurs afin d’être régulièrement mis au parfum de ce qui se passe au Southern Cameroons.
Alors que sa machine à torturer et à tuer appelée Division de la Sécurité Militaire (Sémil) n’a aucune compétence en matière de police judiciaire sur les civils au Cameroun, ce démon au galon de colonel m’a fait auditionner par son homme de main, adjudant Tiam, puis a fait établir un soi-disant rapport d’enquête de sécurité contenant ma déposition retranscrite dans un niveau de langue française archi-nul, a ordonné d’abord qu’on me jette dans les cellules de sa Sémil puis qu’on me transfère nuitamment (vers 21H) au secrétariat d’Etat à la défense où je suis enfermé dans une cellule obscure, occupée par une vingtaine de personne et où j’ai passé deux jours couché à même le sol. Pendant que je languis en cellule, pendant que ma famille déprime (surtout ma mère presque sexagénaire qui a failli mourir d’hypertension), ce colonel sauvage distribue la bande sonore à ses amis cyber-activistes pro-Biya (dont un certain Hervé Parfait Mbapou, son ami) qui se mettent à mentir sur le contenu de la bande sonore, manipule ses amis journalistes corrompus qu’il a montés contre moi, utilise la capitaine Nkoa Akouna Josephine (une embrouillée et incompétente qui ne sait pas qualifier les faits en droit pénal), juge d’instruction au Tribunal militaire de Yaoundé, qui m’a jeté à la prison centrale de Yaoundé pour « apologie de terrorisme, déclarations mensongères et outrage à chef d’Etat » le 15 novembre 2018. Je tiens à rappeler que je n’ai fait l’objet d’aucune audition devant un officier de police judiciaire assermenté pour « apologie de terrorisme ».
Pendant que je suis au quartier 4 (cellule de passage) à la prison centrale de Yaoundé, ce chef des « sémilards » prisonnier ambulant donne des instructions au régisseur Medjo Freddy de me balancer au terrible quartier Kosovo (où règne toxicomanie, homosexualité, criminalité, insalubrité et promiscuité). N’eût été les relations du chef de bureau de la discipline des détenus de l’époque avec la famille, je me serais retrouvé dans ce quartier réputé le plus dangereux de la prison centrale de Yaoundé. Pendant que je suis en prison, le colonel-voyou manœuvre pour me faire écrire une lettre d’excuses au ministre de la Défense, Joseph Beti Assomo, s’étant rendu compte que le 5 décembre 2018, jour de l’ouverture de mon procès au Tribunal militaire de Yaoundé, le représentant du parquet militaire a déclaré qu’il n’était pas prêt. La lettre était en réalité cette preuve que le parquet militaire attendait pour requérir ma condamnation pour être passé aux aveux. Deux mois après ma sortie de prison, le colonel-sanguinaire envoie des émissaires m’annoncer un transfert Orange Money de sa part. Comme quoi après avoir torturé un chien, vous prenez un os et le lui jetez dans la gueule pour qu’il croque. Quel mépris ! J’ai simplement dit à ces envoyés spéciaux que je ne prendrai pas de cet argent sale imbibé de sang.
Voilà comment la folie de grandeur (et même la folie tout court !) d’un individu qui se croit tout puissant au Cameroun (alors que Field Marshall le défie tous les jours chez les anglophones au Lebialem) a fait subir à moi-même et à ma famille des humiliations, de la torture psychologique, une saignée financière abondante, m’a fait perdre une opportunité de voyages pour le Sénégal où, à l’invitation d’Amnesty International, je devais prendre part à un atelier de formation des journalistes africains sur les questions des droits humains. Les agissements de ce voyou en tenue militaire m’ont placé dans une insécurité judiciaire et juridique telle que je n’avais pas d’autre choix que de partir en exil. C’est l’occasion pour moi de remercier une fois encore tous ceux et toutes celles (individus comme organismes) qui se sont mobilisés dès ce 23 octobre 2018 jusqu’à ma libération le 14 décembre 2018 pour dénoncer l’ensauvagement judiciaire dont j’étais victime. Merci surtout à ces confrères et amis du Faso qui m’ont conseillé de venir sur cette terre d’asile et surtout de m’y avoir bien accueilli.
Quant au colonel-voyou Emile Joël Bamkoui, qu’il sache qu’il a assassiné des Camerounais par le passé et les ayant-droits des victimes ne lui ont pas demandé des comptes. Mais le jour où il est tombé sur moi, c’était sur la mauvaise personne. Qu’il s’estime heureux d’être dans une République bananière où un individu parce que bardé de galons de colonel peut se permettre de priver de liberté pendant près de 2 mois un citoyen. Autrement, j’aurais dès ma sortie de prison porté plainte contre lui pour « abus d’autorité, séquestration et violation du secret de la correspondance ». Mais puisqu’au Cameroun, la justice est inexistante, je vais me faire justice en le jetant en pâture à chaque fois que l’occasion me sera donnée en le présentant à la face du monde comme un voyou et un délinquant qui conçoit des plans dans sa Sémil pour massacrer et terroriser les populations anglophones. J’ose croire qu’ainsi, sa famille portera ce lourd fardeau psychologique que la mienne a trimbalé pendant près de deux mois, en voyant l’un des leurs traînés dans la gadoue à travers des articles de presse et des publications sur les réseaux sociaux. Et il en sera ainsi aussi longtemps qu’il restera en vie et que le bon Dieu me prêtera longue vie, de la terre d’asile où je me trouve.
Par Michel Biem Tong, journaliste web en exil