La présidence comme arme de domination de masse en Afrique
Par Olivier J. Tchouaffe, PhD, Porte-parole du CL2P
Le Débat Diaf-TV du 14 novembre 2019 a clairement permis d’établir que le déficit d’intérêt général plombe la démocratie en Afrique francophone, et fut surtout très informatif sur la généalogie culturelle de la tyrannie sur le continent, en particulier en Afrique centrale.
En effet cela commence par une culture de manque de leadership organique, mais une tradition de leadership choisie par les anciens colonisateurs et une tradition d’aliénation, de traumatisme et de mimique qui perdure aujourd’hui. Car depuis le début, la fracture dans la politique africaine a été créée entre la colonie et la métropole, compliquée par de nombreux facteurs: pendant la période coloniale, les colonies ont constitué des ressources financières et extractives et les colonisés n’ont pas de représentation politique et sont simplement une ressource de travail et d’exploitation.
Maintenant, ce bras de fer politique et économique autour de la présidence est la grande compétition tribale africaine sous sa forme la plus concentrée. En tant que remplaçants du maître colonial, les élites néocoloniales voient et conçoivent la tribu opposée comme arriérée, sans éducation, superstitieuse, captivée par la religion et la haine tribale. La question n’est plus de savoir si le président est légitime, mais si sa tribu est légitime. Lorsque la tribu rivale est considérée comme fondamentalement illégitime, aucun gouvernement issu de cette tribu ne peut être compris comme légitime, pas plus que les processus politiques qui renforcent cette tribu par rapport à ses rivaux.
Ainsi, la question de la légitimité reste au centre de cette question présidentielle qui continue d’accumuler du pouvoir de jour en jour. Cela devient encore plus problématique lorsque les chefs de l’opposition se précipitent pour se présenter aux élections municipales et législatives avec les codes électoraux et les listes qui ont permis à un parti-état RDPC de rester au pouvoir sans changement au cours des 37 dernières années. Joel Didier Engo, président du CL2P, a raison d’affirmer que la direction de l’opposition est aussi imparfaite que le pouvoir contre lequel elle prétend lutter.
Le CL2P et d’autres défenseurs des droits de l’Homme puis de groupes de la société civile comprennent que le musellement de la sphère publique au Cameroun a soulevé le spectre d’un retour aux jours sombres de l’état d’exception. Abdelaziz Mounde et Augusta Epanya font le constat pertinent que la répression du MRC et celle du SDF avant, rappellent la répression brutale de l’UPC pendant la guerre d’indépendance au Cameroun. Ces incidents suggèrent qu’une tendance inquiétante à la répression des libertés publiques crée un climat de peur qui étouffe les pratiques démocratiques et envoie un message effrayant aux journalistes, aux militants, et aux citoyens.
Comme le souligne Félicite Zeifman, bâillonner la sphère publique est un détournement de pouvoir par des administrateurs civils qui agissent comme s’ils étaient au-dessus de la constitution. Il est ironique que des régimes qui se sont déclarés démocratiques et qui ont prétendu avoir accédé au pouvoir par le biais de scrutins dit légitimes ne puissent soudainement plus tolérer aucune dissidence. Joel Didier Engo, président du CL2P, suivi par Augusta Epanya, commentant la « bantoustanisation » de la politique camerounaise, arguent que les hommes politiques doivent s’en tenir à la constitution et cesser d’instrumentaliser la population pour obtenir des gains politiques cyniques.
Globalement, à quel point la maturité politique est-elle capable d’échapper à l’essentialisme et aux formes simples de catégorisation? Car la maturité politique signifie le pouvoir de transcender les définitions standards, la capacité de défier les attentes conventionnelles des autres et le refus d’être catalogué, classé et se voir attribué une place sans notre approbation.
En résumé, nous n’avons pas besoin du culte du chef et n’avons d’autre choix que de lutter pour l’égalité et la justice sociale avec une nouvelle classe politique qui va balayer la classe politique officielle comme le dit si bien Augusta Epanya.
Olivier J. Tchouaffe, PhD, Porte-parole du CL2P
Débat Diaf-tv : le déficit du sens de l’intérêt général, plombe la démocratie en Afrique francophone
Première partie:
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Deuxième partie:
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Les panelistes:
– Abdelaziz Moundé, journaliste indépendant,
– Félicité Esther Zeifman, avocat au barreau de Paris,
– Augusta Epanya, membre du bureau directoire de l’ UPC Manidem,
– Joel Didier Engo, Président du CL2P (comité de libération des prisonniers politiques).
English version
Presidency as Weapon of mass domination in Africa
By Olivier J. Tchouaffe, PhD, Spokesman of the CL2P
The Diaf-TV Debate: The General Interest Deficit Leads Democracy in Francophone Africa, November 14, 2019 is very informative on the cultural genealogy of tyranny in the continent, particularly, in Central Africa. It begins with a culture of a lack of organic leadership but a tradition of leadership handpicked by the former colonizers and a tradition of alienation, trauma and mimicry that continue to these days.
From the very beginning, the fault line in African politics has run between the colony and the metropole complicated by many factors: During the colonial era, the colonies presented financial and extractive resources and the colonized had no political representation and constitute simply a resource of labor and exploitation.
Now, that political and economic tug-o’-war over the presidency is the great African tribal competition in its most concentrated form. The neo-colonial elites, as the colonial master, see the opposite tribe as backward, uneducated, superstitious, addled by religion and tribal hatred. The question is no longer whether the president is legitimate but whether his tribe is legitimate. When the rival tribe is understood as being fundamentally illegitimate, then no government arising from that tribe can be understood as legitimate, either, and neither can the political processes that empower that tribe over its rivals.
Thus, the question of legitimacy remains central to this question of a presidential office who keeps accruing power by the day. This becomes even more problematic when the leaders of the opposition are rushing to run on municipal and legislative elections with the electoral codes and lists which have allowed to one party-state CPDM to remain in power for the past 37 years unchanged. Joel Didier Engo, president of the CL2P, is right to claim that the leadership of the opposition is as flawed as the power they pretend to fight against.
The CL2P and others human rights activists and civil society groups understand that the muzzling of the public sphere in Cameroon has raised the specter of a return to the dark days of overt state of exception and Abdelaziz Mounde and Augusta Epanya to conclude that the repression of the MRC and the SDF is reminiscent of the brutal repression of the UPC during the war of independence in Cameroon.
These incidents suggest a disturbing trend towards repression of public liberties create a climate of fear which stifle democratic practices and send a chilling message to journalists, activists and citizens.
As Felicite Zeifman argues, gagging the public sphere is a misuse of power by civil administrators who act as if above the constitution. It is an irony that regimes that claimed to be democratic and who claimed to have ascended to power via the legitimate polls can suddenly not tolerate dissent. As Joel Didier Engo, president of the CL2P, then followed by Augusta Epanya, commenting on the “Bantustanization” of Cameroonian politics, argue that politicians must stick to the constitution and stop instrumentalizing the population for cynical political gains.
In aggregate, how political maturity is having the ability to escape essentialism and simple forms of categorization. Thus, political maturity means the power to transcend standard definitions and the capacity to challenge others’ conventional expectations and a refusal to be pigeonholed, classified and assigned a place without our approval. I
n sum, we have no other choice but to fight against the cult of power and for equality and social justice with a new political class that will sweep the official political class as Augusta Epanya so aptly puts it.
By Olivier J. Tchouaffe, PhD, Spokesman of the CL2P