En Tanzanie, il est désormais impossible de porter directement plainte contre le gouvernement devant la Cour africaine des droits de l’homme. Les autorités ont en effet annoncé au début de ce mois de décembre vouloir se retirer d’un protocole autorisant ces plaintes. Le prétexte avancé : celui-ci avait été mis en œuvre « contrairement aux réserves » émises par la Tanzanie. En ce jour anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, les militants des droits de l’homme dans le pays ont crié pour dénoncer cette décision. « Il y a eu des informations négatives sur la situation des droits de l’homme en Tanzanie et cette décision peut être interprétée comme un moyen d’éviter de rectifier la situation », a déclaré à l’AFP Onesmo Ole-Ngurumwa, coordonnateur de la Coalition tanzanienne des défenseurs des droits de l’homme, au cours d’une conférence de presse. La décision du gouvernement « empêche les Tanzaniens d’accéder à la justice devant le tribunal basé à Arusha », a déploré, pour sa part, Anna Henga, du Centre juridique et des droits de l’homme, durant la même conférence.
De la légitimité de la Cour africaine des droits de l’homme
Pour les organisations de défense des droits de l’homme, cette décision du gouvernement illustre surtout le tournant liberticide pris par le régime du président John Magufuli, qui érode les libertés et réprime les défenseurs des droits, la presse et l’opposition. Selon Amnesty International, la Tanzanie compte le plus grand nombre d’affaires portées devant la Cour africaine par des particuliers et des ONG. Sur les 70 jugements rendus jusqu’à septembre 2019, 28
La communauté internationale « très préoccupée »
Cette situation a déjà privé la Tanzanie de millions de dollars de dons ou de crédits. Il y a un an, l’Union européenne (UE) avait annoncé qu’elle allait réexaminer son aide financière à ce pays d’Afrique de l’Est, se disant « très préoccupée par la détérioration de la situation des personnes LGBT », et de manière plus générale par le « rétrécissement de l’espace public en Tanzanie ». Quelques jours plus tôt, l’UE avait déjà rappelé son ambassadeur en Tanzanie, un incident que le gouvernement Magufuli avait tenté en vain de minimiser.
La décision européenne avait coïncidé avec celle de la Banque mondiale de geler un prêt de 300 millions de dollars, soit 265 millions d’euros pour l’éducation des filles, en guise de protestation contre une mesure visant à expulser des écoles les jeunes femmes enceintes et leur interdisant de poursuivre leur scolarité après l’accouchement. Une dégradation de ses relations avec la communauté internationale qui pourrait compromettre le développement économique du pays. Début 2019, l’agence de notation américaine Fitch Ratings a prévenu les autorités dans un rapport : « les politiques autoritaires et les critiques des observateurs internationaux pourraient entraîner la perte de prêts à des conditions plus favorables à l’avenir ».