Il n’avait que 53 ans. Travailleur, rigoureux, entreprenant, brillant, affable, respectueux. Que d’éloges pour décrire Me Sylvain SOUOP. Ce ténor du barreau du Cameroun décédé de suite de maladie le 16 janvier 2020. Une nouvelle qui a bouleversé la communauté des avocats, des magistrats, la classe politique, et l’opinion publique de manière générale. Comment peut-on mourir d’une fracture du bras? Telle est la question qui taraude les esprits. Deux enquêtes ont été mises sur pieds pour faire la lumière sur cette tragédie. Une enquête de l’Ordre National des Médecins du Cameroun et l’Enquête administrative ordonnée par le ministre de la santé, Manaouda Malachie. Cette commission administrative a à sa tête le Dr Zoa, Inspecteur général des services au ministère de la Santé. Le DAG, Me Boukar également directeur des affaires juridiques au MINSANTE, et comprend deux anesthésistes, le pr Essiene et pr Owono. L’enquête administrative a été bouclée et devrait être rendue publique cette semaine. Cash Investigation a également cherché à savoir ce qui s’est réellement passé et ce que le gouvernement peut vouloir cacher dans ce qui devrait être baptisée: l’Affaire Sylvain SOUOP.
ABSENCE DE FICHE DE TRANSFERT
Le samedi 11 janvier 2020, Me SOUOP revient du deuil d’un ami qui lui est proche lorsqu’il a un accident à l’entrée de la ville de Bafoussam. Pour la circonstance il est accompagné de son épouse, Mme SOUOP, collaboratrice de Haman Mana et son confrère Me Temate.
A la suite de l’accident, il est transporté dans un premier temps à l’hôpital régional de Bafoussam où on lui administre les premiers soins. Il a une fracture au bras droit. Cependant, Me SOUOP est serein, souriant et répond aux coups de fil pour apaiser les craintes de ses amis et les membres de sa famille. Résidant à Yaoundé, il décide en accord avec le médecin traitant d’être transféré sur Yaoundé. Ce sera aux alentours de 17h30 qu’il sera dès lors admis au centre des urgences de l’hôpital central de Yaoundé.
Cependant, parti de Bafoussam pour Yaoundé, il ne lui est pas remis une fiche de transfert. Un document administratif dans le milieu sanitaire permettant d’autoriser le transport d’un patient d’un hôpital à un autre. La fiche de transfert qui devait dresser l’état du malade, ainsi que les premiers constats devait être délivrée à Bafoussam. Ce qui n’a pas été le cas. N’empêche qu’en dépit de sa fracture, Me SOUOP arrive au Centre des Urgences dans un état qui ne paraît ni à ses yeux, ni à ceux de sa famille inquiétant. D’ailleurs, ils croient pouvoir répartir très rapidement pour reprendre avec ses multiples dossiers en cours devant les tribunaux.
MÉDECIN ANESTHÉSISTE FANTÔME
Au centre des urgences, il sera pris en charge par un chirurgien qui l’examine. Les résultats des analyses font état d’une fracture au niveau de l’humérus qui nécessite une opération. Informé de la situation, Me SOUOP n’émet aucune objection pour l’opération ainsi que sa famille. Mais les médecins décèlent également au cours des examens ce samedi, une hypertension artérielle. Selon des médecins, certaines personnes peuvent avoir une tension artérielle élevée et vivre avec sans jamais s’en rendre compte. Heureusement à cet instant pour Me SOUOP, son hypertension vient d’être découverte.
Le médecin va remettre à la famille une ordonnance. L’opération chirurgicale est prévue pour lundi matin 6h. Maître SOUOP doit donc passer encore près de 48h à l’hôpital. C’est le service anesthésie qui prend le relai pour préparer l’opération de lundi. Un service composé du médecin anesthésiste et des infirmières qui se relaient dans la mesure où il s’agit d’un système de garde.
Les prescriptions médicales ayant été faites, le médecin anesthésiste est informé de la situation. Mais elle n’est pas à l’hôpital ce samedi et ne passera pas prendre les nouvelles du patient. Les instructions sont données aux infirmières par téléphone. La journée de dimanche s’achèvera sans que Me SOUOP puisse rencontrer le médecin anesthésiste en personne. Seules les infirmières se relaient pour préparer son opération qui doit avoir lieu lundi matin à 6h. Ce dimanche soir, après les visites habituelles, Me SOUOP s’endort paisiblement. L’opération c’est dans quelques heures.
LES PREMIERS SIGNES
Lundi matin 6h l’équipe des chirurgiens est en place au bloc opératoire et attend le patient. Le médecin anesthésiste n’est toujours pas là. Or, à ce stade, il doit pouvoir évaluer le patient et déterminer s’il y a des examens complémentaires à effectuer. Les infirmières anesthésistes rassurent que l’ordonnance a été respectée. Le médecin anesthésiste toujours par téléphone donne l’ordre de faire descendre le malade sans vérifications. Me Sylvain SOUOP est donc transporté au bloc opératoire.
L’équipe chirurgicale qui comporte près d’une dizaine de personne l’attend. Les infirmières lui administre tout d’abord des médicaments permettant à son corps de relâcher avant le processus d’endormissement. Lorsque les infirmières décident de l’endormir, Me SOUOP éprouve des difficultés à dormir. Les premières inquiétudes apparaissent. Il ne réagit pas favorablement à l’anesthésie. Le médecin anesthésiste est appelé en urgence. Elle n’est pas encore à l’hôpital. Nous sommes à plus de 7h. Elle se pointe aux alentours de 7h20mn.
ARRÊT CARDIAQUE EN PLEINE OPÉRATION
Les différents efforts de l’équipe pour endormir Me SOUOP sont vains. Coup de théâtre: Me SOUOP Sylvain a un arrêt cardiaque. Son cœur arrete de battre. Panique générale au bloc opératoire. La procédure de réanimation est immédiatement enclenchée. Deuxième problème: l’un des appareils du bloc opératoire ne fonctionne. Incroyable mais vrai. Il s’agit d’un scop. Le moniteur des paramètres censé prendre les constantes du malade quand il est endormi. Comment est-ce possible? Il est directement changé. Les médecins injectent à Me SOUOP de l’adrénaline pour que son cœur recommence à battre. Au bout de 8 minutes il revient à la vie. A ce moment l’équipe médicale croit avoir évité le pire.
L’opération chirurgicale est annulée. On fait passer de nouveaux examens au malade. Lorsque l’Etat de Me SOUOP se stabilise, il est envoyé en réanimation. L’objectif c’est de lui permettre de récupérer. Des scanners cérébraux sont effectués. Il est désormais en réanimation et entre les mains des anesthésistes qui lui administrent des soins.
Sous traitement depuis ce lundi matin, après une opération chirurgicale ratée où il avait déjà failli laisser sa vie, il décédera trois jours plus tard. Soit le jeudi 16 janvier 2020. Mais depuis lundi, il a perdu tout contact y compris avec ses proches qui ne parviennent presque plus à l’approcher.
Ainsi s’achève ce numéro de Cash Investigation sur cette tragédie qui rend compte des tares du système sanitaire au Cameroun.
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BORIS BERTOLT