Les autorités chinoises ont-elles voulu faire de lui un exemple ? Le « journaliste citoyen » Chen Qiushi, qui s’était rendu dans l’épicentre de l’épidémie de coronavirus avant la quarantaine, n’a pas donné de nouvelles depuis 24 heures, a déclaré sa mère. Elle a diffusé un appel à l’aide sur les réseaux sociaux, comme vous pouvez le voir dans notre vidéo ci-dessous :
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Cet ancien avocat des droits humains avait fait parler de lui à l’été 2019 en chroniquant les manifestations de Hong Kong. Il avait notamment expliqué à ses milliers d’abonnés sur Weibo que « tous les [manifestants hongkongais] n’étaient pas émeutiers ». Il avait alors été rappelé en Chine par les autorités, qui menaçait de lui retirer sa licence d’avocat, comme le racontait cet article du « Monde ».
« Journaliste citoyen »
Ce « journaliste citoyen » est arrivé à Wuhan la veille de la mise en quarantaine de la ville. Il poste régulièrement des vidéos et des informations sur YouTube et Twitter, bloqués en Chine mais accessibles via un VPN.
« Ce que je vais essayer de faire, c’est d’utiliser ma caméra pour témoigner et rendre compte en personne de ce qui se passe à Wuhan au sujet de la lutte contre l’épidémie. Et c’est aussi ma volonté de transmettre au monde extérieur les messages des citoyens de Wuhan », expliquait-t-il dans une vidéo postée le 24 janvier.
Une démarche risquée, puisqu’il ne dispose pas du certificat officiel nécessaire en Chine pour faire du journalisme, rappelle le média en ligne Quartz, qui l’a interviewé peu après son arrivée. Certaines vidéos de Chen Qiushi montrent la vie quotidienne à Wuhan, dans le calme, des gens au supermarché par exemple. D’autres sont prises dans des hôpitaux, avec un ton plus alarmiste. On voit des couloirs remplis de personnes en attente d’une consultation.
Critique de la gestion de l’épidémie
Dans une autre vidéo, publiée sur YouTube le 30 janvier, il est visiblement ému, presque au bord des larmes. Dans son reportage, une femme se tient à côté d’un homme décédé assis sur un fauteuil roulant, dans le couloir d’un hôpital. Elle passe désespérément des coups de fils pour que son corps soit pris en charge. Une vidéo qui a provoqué l’émoi sur les réseaux sociaux chinois, malgré le fait que YouTube y soit inaccessible sans VPN, relate Quartz.
« J’ai vu des corps pas mal de fois ces derniers jours, et ça m’a rendu triste. J’ai vu deux corps à l’hôpital. L’un était allongé dans le couloir et l’autre aux urgences, en train d’être mis dans un sac par les infirmières. »
Le 4 février, il visite le parc des expositions de Wuhan transformé en hôpital. Des milliers de lits, peu espacés, dans ce qui ressemble à grand hall séparé par des cloisons. « J’ai montré ces images à un médecin local. Selon lui, ces espaces semi-fermés ne sont pas appropriés, car s’y côtoient des patients pour qui l’infection est confirmée et d’autres pour qui elle est seulement suspectée », relate-t-il.
Visite de la police chez ses parents
Chen Qiushi avait également alerté sur le sort d’un autre « journaliste citoyen », Fang Bin. Ce dernier a été brièvement arrêté pour avoir filmé des sacs mortuaires devant un hôpital, rapporte Bloomberg. Quelques jours auparavant, il avait reçu chez lui la visite des autorités. Un épisode qu’il raconte dans un des reportages postés par Chen Qiushi.
Comme Fang Bin, Chen Qiushi se sentait harcelé. « La police de ma ville natale a rendu visite à mes parents car ils n’arrivaient pas à me retrouver. Mais ils n’ont pas osé venir à Wuhan. En revanche, il ont “éduqué” mes parents pour qu’ils me demandent de ne pas trop critiquer le gouvernement. Si je révèle où je suis, il y a un risque d’arrestation », a-t-il dit à Quartz. Et dans une vidéo face caméra enregistrée le 30 janvier, il ajoutait, ému et déterminé : « Tu ne me fais pas peur, putain de parti communiste chinois ! »
« Le gouvernement chinois s’en prend aux personnes qui tentent de partager sur les réseaux sociaux des informations sur le coronavirus », écrit Amnesty International dans un communiqué avant d’évoquer les inquiétudes dont avait fait part Chen Qiushi.