Attendu qu’il plaide coupable et reconnaisse enfin l’implication de l’armée dans cette barbarie, le régime se contente de célébrer la magnanimité et la haute attention du président de la République.
Au lieu de faire amende honorable et demander les excuses au peuple camerounais suite au grossier mensonge proféré relativement aux événements tragiques de Ngarbuh, le ministre de la Communication s’est contenté de servir du réchauffé à tous ceux qui demandaient à ses collègues et à lui-même, un mea culpa.
Normalement,l’humilité précède la gloire.Tout comme une faute avouée,est à moitié pardonnée. Ces deux assertions, bien qu’étant d’une véracité générale et incontestable, semblent ne pas encore être l’apanage de certains membres du gouvernement. Car faut-il le rappeler, au lendemain du massacre des civils –parmi lesquels des femmes enceintes et des enfants- à Ngarbuh, dans la région du Nord-ouest, dans la nuit du 13 au 14 février dernier, les ministres de la Communication, de l’Administration terri- toriale et le chef de la Cellule de communication du ministère de la Défense, sont montés au créneau pour faire croire au peuple que l’armée camerounaise n’était ni de près ni de loin, responsable de ces funestes attaques perpétrées dans cette partie du pays.
Malgré que les Organisations de la société civile de même que celles non gouvernementales et certains médias dénonçaient avec preuve à l’appui, l’implication des forces de sécurité et de défense dans ces malheureux événements qui ont coûté la vie à plusieurs personnes, ces membres du gouvernement sont sortis tour à tour pour apporter un démenti à leurs dénonciations, arguant que c’est suite à une explosion des bidons d’essence que le drame s’est produit.
Mensonges
Le temps étant le véritable juge de l’histoire, le rapport de la commission d’enquête mixte ouvert le 17 février dernier par le président de la République pour faire toute la lumière sur cette affaire donna raison aux Organisations non gouvernementales, aux Organisations de la société civile et aux médias. Entre autre, le rapport confirma qu’il y avait eu 18 civils morts dans le cadre de ces attaques et non 5 comme le prétendait le gouvernement. Bien plus il dévoila que les auteurs de ce massacre étaient des éléments des forces de défense et de sécurité.
Face à la presse le 28 avril dernier, le ministre de la Communication a fait des clarifications au nom du « gouvernement», au sujet des actions de communication sur l’incident de Ngarbuh. « …Des voix se sont élevées ici et là, par médias et réseaux sociaux interposés, pour dénoncer ce qu’elles considèrent comme des mensonges proférés naguère par le gouvernement au sujet desdits événements », a-t-il révélé.
Et d’ajouter « pour ces pourfendeurs d’obédiences diverses et qui sont toujours les mêmes, les résultats de cette enquête viennent confondre le gouvernement, dans une sorte de déni de vérité, eu-égard aux faits, tels qu’ils s’étaient déroulés ».
Bonne information
Reconnaissant qu’à chaque fois que survient un événement d’importance et de portée nationale, c’est au gouvernement qu’il incombe, en premier, et le plus promptement possible, la responsabilité de s’adresser à l’opinion nationale et internationale, pour lui donner l’essentiel des informations qu’elle est en droit d’attendre, le ministre de la Communication a fait exprès ou alors a omis de mentionner qu’en pareille circonstance, le peuple n’a pas seulement droit à l’information, mais il a également droit à la bonne information.
La bonne information étant entendue donc comme la divulgation de la réalité des faits sans déformation aucune. Mais comment comprendre que pour une réaction du gouvernement qui est intervenue quatre jours après les événements tragiques de Ngarbuh, c’est-àdire « le temps nécessaire à la conduite des investigations que commandait la gravité des faits », comme l’a reconnu René Emmanuel Sadi, que le gouvernement n’ait pas pu donner la bonne information au peuple ?
Faisant une étude comparative entre les déclarations du gouvernement et le rapport de la commission d’enquête mixte mise sur pied par le chef de l’Etat, l’ancien ministre chargé des missions à la présidence de la République, avoue luimême que s’agissant des incidents de Ngarbuh, le gouvernement a eu des points de vue de convergence et divergence avec la commission d’enquête. « … Les vues du gouvernement et celles de la commission d’enquête mixte sont convergentes, en ce sens que le village de Ngarbuh était devenu un repère, une véritable base logistique de ravitaillement en armes, en munitions et en combustibles, des bandes armées sécessionnistes », se réjouit-il.
Rétropédalage
Et de reconnaître toutefois que « seuls leur nombre exact et la responsabilité des auteurs de ces pertes en vies humaines ont été dissimulés à dessein par les éléments de nos forces de défense et de sécurité engagés dans l’opération, pris de panique ». Aussi relativise-t-il par la suite en indiquant que « par-delà les différences ou convergences que peut révéler l’analyse des diverses communications, l’important est sans doute que les conclusions de l’enquête établissent plus clairement la responsabilité de certains éléments de l’armée dans l’incident de Ngarbuh et précisent les circonstances dans lesquelles cet incident s’est produit ».
Voulant « sauver » la face du gouvernement, René Emmanuel Sadi a-t-il réussi à convaincre véritablement même les plus sceptiques ? Le gouvernement ne devrait-il pas changer sa manière de communiquer ?
Des questionnements et bien d’autres que l’opinion se pose.
Le Messager : Rostand TCHAMI