Faits Alternatifs et Pouvoir du Faux: Notes sur Achille Mbembe et Agbor Balla
Par Olivier J. Tchoauffe, Porte-parole du CL2P
Le CL2P, en tant qu’organisation des droits humains, ne peut être indifférent au spectacle du lynchage de deux universitaires et militants des droits humains de renom, Achille Mbembe et Agbor Balla, le premier en Allemagne et le second au Cameroun. Cela ne nous laisse pas indiffèrent, d’autant plus, que nous comptons des membres en notre sein qui sont régulièrement soumis à des sentences inquisitoriales et lynchés, en particulier par le régime de Yaoundé et ses “créatures zombifiées.”
La théorie post-moderne est un outil utile pour comprendre notre paysage d’enfer et de post-vérité contemporain dans lequel nous sommes coincés dans des logiques d’exclusion implacable et de régression démocratique, sous le vernis cosmétique du libéralisme démocratique et de délibération dite “objective” pour délégitimer tous les activistes de droit humains sous les accusations fallacieuses de “politique identitaire” , puis leur appliquer la sentence inquisitoriale de racisme, d’antisémitisme ou de l’ethno-fascisme à l’envers.
À ce sujet, l’idée incongrue véhiculée par les différentes logiques d’exclusion, selon laquelle il faut être partisan d’une autre, donc, l’idée d’extrême droite selon laquelle nous serions tous des combattants du suprémacisme racial, tribal, ethnique ou réligieux, puisque aucune forme d’universalité ne peut exister parceque nous sommes tous censés être des esclaves volontaires de notre propre essentialisme.
Le CL2P ne peut tomber dans ce genre de piège condescendant qui ne sert qu’à dépolitiser le débat politique pour renforcer le statu quo totalitaire et transformer toutes les inégalités en tabous sociaux.
En effet, dans ce paysage d’enfer, les faits n’ont pas d’importance, la connaissance partagée est une illusion et seule la perspective idéologique semble faire l’affaire. Dans, cette optique, Kellyane Conway, en tant que conseiller du premier président postmoderne des États-Unis, Donald Trump, a inventé la notion de «faits alternatifs» dans notre discours public.
Il va sans dire que cette «mort des faits» a créé notre univers post-vérité parce qu’elle prétend qu’il n’y a rien de tel qu’une connaissance objective et ouvre la voie à notre dystopie et à notre nihilisme actuels.
Le cas d’Achille Mbembe en Allemagne et d’Agbor Balla au Cameroun (tous les deux des cibles de choix des réactionnaires des deux pays) est la dernière itération de ce nihilisme et de cette dystopie.
Le but est de museler des voix crédibles qui réflechissent sur les questions de ségregation palestinienne (en Israël) et anglophone (au Cameroun). Au-delà du tollé mondial suscité par l’accusation grotesque d’antisémitisme brandie contre l’écrivain et historien Achille Mbembe, le véritable objectif poursuivi ici par ses censeurs d’extrême droite allemands consiste à semer le doute dans l’esprit des gens, à créer puis à propager un début de suspicion dans l’opinion publique internationale (notamment à travers le débat suscité par lcette accusation infondée dans les milieux intellectuels) … qui finirait de la sorte par paralyser littéralement le célèbre auteur camerounais, l’obligeant désormais à s’autocensurer systématiquement sur toutes les questions relatives au régime d’apartheid appliqué par la politique israélienne dans les territoires occupés.
Cette cause pourrait donc définitivement perdre une des voix les plus respectées et les plus crédibles du monde académique et littéraire, à qui les réactionnaires allemands tiennent à assigner ou restreindre les réflexions « autorisées » (par eux bien évidemment) uniquement à son Afrique noire d’origine. C’est pourquoi ce processus ignoble doit être définitivement exposé, en particulier son fond raciste et fondamentalement négrophobe.
Dans la même veine, au Cameroun, le licenciement abusif de l’avocat et défenseur des droits humains Agbor BALLA par le régime de Yaoundé parce qu’il a proposé un sujet portant sur la crise anglophone à ses étudiants, est aggravé par la réaction officielle délirante et honteuse du ministre de l’enseignement supérieur à ce flagrant abus d’autorité, marqué du sceau de la bassesse puis de la petitiesse qui prévaut dans les cercles du pouvoir à Yaoundé, même lorsqu’il est revêtu du costume de ministre d’État dans une république devenue malheureusement bananière.
Au fond ces attaques brutales contre Achille Mbembe et Agbor Balla sont faites au nom de la défense de la «vérité canonique» et contre une culture du «politiquement correct» qui prospère avec les politiques dites identitaires. Mais vouloir imposer une culture dite de gauche dominée par l’idéologie identitaire au détriment de la recherche d’une vérité objective et partagée sonne en réalité l’impossibilité d’une connaissance objective, en fait le refus délibéré des officines d’extrême droite d’autoriser l’accès des milliards de personnes à des analyses objectives et fouillées.
Ce qui doit nous inquiéter ici, c’est ce que Jean Baudrillard a mis en garde contre la puissance du simulacrum et des simulacres, et la puissance du faux que les régimes dystopiques savent manier avec expertise pour détruire notre notion de réalité partagée.
L’extrême droite a compris le pouvoir des médias et la notion d’hégémonie d’Antonio Gramsci et la nécessité de gagner la guerre des médias par tous les moyens nécessaires dans un monde où la ou les représentations sont elle(s)-même(s) devenue(s) des réalités à part entiere. Et cela explique comment un régime ethnofaciste de renommé mondial peut renvoyer sans ménagement un militant de droit humain d’une chaire universitaire au nom voulu de la défense de sa conception ethnofasciste de l’«éthique et la déontologie» de la pédagogie académique.
Suivez mon regard
Pr. Olivier J. Tchoauffe, Porte-parole du CL2P
[spacer style="1"]
English version
Alternative Facts and the Power of the False: The Case of Achille Mbembe and Agbor Balla
By Olivier J. Tchouaffe, PhD, Spokesman of the CL2P
The CL2P, as a human rights organization, cannot be indifferent to the spectacle of the lynching of two renowned academics and human rights activists, Achille Mbembe and Agbor Balla. This does not leave us indifferent, especially since we have members within us who are regularly submitted to inquisitorial sentences and lynched, in particular, by the regime of Yaoundé and its “zombified creatures.”
Postmodern theory is a useful tool for understanding our landscape of hell and contemporary post-truth in which we are stuck in logics of implacable exclusion and democratic regression under the cosmetic varnish of democratic liberalism and so-called “objective” deliberation to delegitimize all human rights activists under the false accusations of “identity politics” and the inquisitorial sentences of upside down racism or ethno-fascism.
On this subject, the incongruous idea that to expose a logic of exclusion, one must be in favor of another, therefore, the idea of the extreme right that we are all fighters of racial or ethnic supremacism, since no form of universality cannot exist because we are all supposed to be voluntary slaves of our own essentialism. The CL2P cannot fall into this kind of condescending trap which only serves to depoliticize the political debate to reinforce the status quo and transform all inequalities into social taboos.
Having say that, in this landscape of hell, the facts do not matter, shared knowledge is an illusion and only the ideological perspective seems to do the trick. In this light, Kellyane Conway, as counselor to the first postmodern president of the United States, Donald Trump, coined the notion of “alternative facts” in our public discourse.It goes without saying that this “death of facts” created our post-truth universe because it claims that there is nothing like objective knowledge and opens the way to our current dystopia and nihilism.
The case of Achille Mbembe and Agbor Balla is the last iteration of this nihilism and this dystopia. The objective is to muzzle credible voices operating on Palestinian and English-speaking issues in Cameroon.
Beyond the global outcry aroused by the accusation of anti-Semitism brandished against the writer and historian Achille Mbembe, the real objective pursued here by his German far-right killers is to sow doubt in the minds of people, to create then propagate a beginning of suspicion in international public opinion (in particular through the debate aroused by their accusation in intellectual circles) … which ends up literally paralyzing the famous Cameroonian author, henceforth obliging him to censor himself systematically on all questions relating to the apartheid regime applied by Israeli policy in the occupied territories. This cause could therefore definitely be a loss for the most respected and credible voices in the academic and literary world. This is why this despicable process must be definitively exposed, in particular its racist and fundamentally negrophobic approach.
In the same vein, in Cameroon, the unfair dismissal of the lawyer and human rights defender Agbor BALLA by the regime of Yaoundé is aggravated by the deliberate and shameful official reaction of the regime to a blatant dismissal, of the stupidity tinged with baseness insists always, even when he puts on his costume as Minister of State for a republic that has unfortunately become banana-like.
These brutal attacks against Achille Mbembe and Agbor Balla are made in the name of defending “canonical truth” and against a culture of “politically correctness” which flourishes with so-called identity politics. Thus, to impose a culture of the left dominated by identity politics over the search for an objective and shared truth therefore the impossibility of an objective knowledge.
What should worry us here is what Jean Baudrillard warned against the power of simulacrum and simulacra and the power of the false that dystopian regimes know how to handle with expertise to destroy our notion of shared reality.
The far right has understood the power of the media and the notion of hegemony of Antonio Gramsci and the need to win the media war by any means necessary in a world where representations have themselves become reality apart. This explains why a world-renowned ethnofacist regime can dismiss a human rights activist in the name of defending the “ethics and professional conduct” of academic pedagogy.
Follow my gaze
Olivier J. Tchouaffe, PhD, Spokesman of the CL2P