Samedi 14 décembre dernier, nous étions ainsi quelques uns pour ne pas dire une poignée de courageuses et de courageux à sensibiliser devant le Ministère de l’Économie et des Finances à Paris Bercy, sur l’urgence du renouvellement (pour certain-e-s), du non-renouvellement (pour d’autres), en tous cas la fin souhaitée en l’état des accords monétaires entre la France et les États africains de la zone Franc CFA.
Nous y sommes à moitié, puisque le Président Macron et son homologue ivoirien Alassane Dramane Ouattara ont annoncé ce jour le remplacement du franc CFA par l’ÉCO en Afrique de l’Ouest, consacrant définitivement le décrochage économique et monétaire avec les pays de la Zone Cémac, puis le retrait momentané des pays d’Afrique anglophone (dont le géant Nigérian et la dynamique économie Ghanéenne).
Je note pour ma part quelques avancées comme:
– la fin de la cogestion avec la France, notamment son retrait des instances de gestion du CFA. Jusqu’à présent, Paris avait en effet un représentant à la BCEAO, la Banque centrale des états d’Afrique de l’Ouest, un autre à la commission bancaire, et un dernier au conseil de politique monétaire.
Cependant la France garde un rôle de garant en cas de crise. Si jamais les pays de la zone ÉCO n’ont plus de quoi payer leurs importations, la France dit qu’elle le fera. Reste que d’ici qu’on en arrive là, Paris se réserve tout de même le droit de revenir dans une instance de décision, en l’occurrence le conseil de politique monétaire.
– la fin du fameux compte d’opérations logé jusqu’ici à Bercy, qui centralisait en France la moitiè des réserves de change des pays africains concernés
Pour autant demeure l’épineuse question de la parité fixe avec l’EURO qui a visiblement fait hésiter voire repousser des pays comme le Nigéria et le Ghana. Ils préfèrent une parité flexible assise sur plusieurs monnaies de référence. C’est ce qui fait encore dire à de nombreux sceptiques que l’ÉCO n’est qu’un CFA BIS.
Pas complètement au regard des petites avancées énumérées plus haut, même si je continue de penser que le projet de monnaie commune de la CEDEAO et plus largement de l’Afrique est inéluctable. Il se fera notamment sous la pression conjuguée des sociétés civiles, des institutions régionales, des dirigeants légitimes, et des économistes africains, qui pour les derniers mesurent toute la complexité et la technicité requises pour une œuvre comme celle-ci, qui doit se faire de manière dépassionnée, décomplexée et maîtrisée.
Bravo à toutes celles et à tous ceux qui se sont mobilisés.
La lutte continue!!
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La France acte officiellement la fin du franc CFA en Afrique de l’Ouest
La France a entériné officiellement, mercredi 20 mai, la fin du franc CFA, qui devrait dorénavant s’appeler l’éco, mais sans renoncer pour autant à son engagement financier en Afrique, à un moment où le continent est frappé par la crise du coronavirus.
« Le rôle de la France évolue pour devenir celui d’un strict garant financier de la zone », a expliqué le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. « Les engagements sont tenus et nous sommes au rendez-vous », a-t-il affirmé lors d’une audition, mercredi après-midi, devant la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale.
« Cette fin symbolique devait s’inscrire dans un renouvellement de la relation entre la France et l’Afrique et écrire une nouvelle page de notre histoire », a affirmé la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, après l’approbation par le conseil des ministres d’un projet de loi qui donne le feu vert à la transformation du franc CFA.
« Il s’agit de la mise en œuvre concrète de l’accord du 21 décembre dernier », annoncé par le président ivoirien Alassane Ouattara en présence de son homologue français Emmanuel Macron, qui avait lancé cette réforme du franc CFA, a expliqué à l’AFP une source française.
« Vestige de la Françafrique »
Le projet de loi apporte ainsi la ratification en droit français de la transformation de cette monnaie, souvent dénoncée par ses opposants comme « colonialiste » et dont le président français a reconnu qu’elle était « perçue comme l’un des vestiges de la Françafrique ».
Concrètement, les huit pays d’Afrique de l’Ouest devront désormais décider si cette nouvelle monnaie s’appelle éco, comme prévu initialement.
Grâce à cet accord, la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) ne devra plus déposer la moitié de ses réserves de change auprès du Trésor français, obligation qui était perçue comme une dépendance humiliante vis-à-vis de la France par les détracteurs du franc CFA.
Autre différence importante : Paris se retire des instances de gouvernance dans lesquelles elle était présente. Jusqu’à présent, le ministre des finances et le gouverneur de la Banque de France participaient aux deux réunions annuelles, dont l’une se déroulait à Paris.
En revanche, la France continuera de jouer son rôle de garant pour cette monnaie qui maintiendra également une parité fixe avec l’euro (1 euro = 655,96 francs CFA). Ce point est appelé à évoluer lorsque la monnaie commune ouest-africaine verra le jour.
Ce changement se produit à un moment où la France plaide à l’échelon international pour un soutien aux pays africains, qui subissent de plein fouet la crise économique provoquée par le coronavirus.
En plus de la chute des prix du pétrole et de ceux des matières, l’Afrique est aussi confrontée à la défiance des investisseurs qui se replient sur des marchés plus sûrs.
« L’Afrique reste l’une de nos préoccupations constantes », a affirmé mardi le ministre des finances, Bruno le Maire, lors d’une audition à l’Assemblée nationale, précisant qu’il prévoyait de soutenir les pays du continent « à travers le Fonds monétaire international ».
Depuis le début de la crise, Paris a également été très actif au sein du G20 et a notamment obtenu il y a un mois un moratoire sur le paiement du service de la dette cette année pour les 77 pays les plus pauvres.
Monnaie commune
Le Mali a été le premier pays africain à bénéficier mardi de cette mesure auprès des créanciers du Club de Paris. D’autres devraient suivre comme l’Ethiopie, la République démocratique du Congo (RDC), le Congo-Brazzaville, le Cameroun et la Mauritanie.
Concernant le nouvel éco, il reste à savoir si cette monnaie s’étendra par la suite à l’ensemble des quinze pays membres de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao).
Avant l’annonce de la fin du franc CFA, ces Etats s’étaient mis d’accord pour lancer une monnaie commune cette année qui se serait appelée également éco.
La réforme du franc CFA a été négociée tout au long du second semestre 2019 entre la France et les huit pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) : Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo.
Mais le franc CFA ne disparaît pas complètement : les six pays d’Afrique centrale (Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée Equatoriale et Tchad), qui forment une zone monétaire distincte, continueront à l’utiliser.
Le Monde avec AFP