Ces derniers jours, de nouvelles arrestations de journalistes ont eu lieu en Égypte. Arrêtée mercredi soir Nora Younis devait comparaitre ce jeudi devant un tribunal du Caire. Nora Younis est la rédactrice en chef d’un média indépendant en ligne, Al Manassa qu’elle a fondé en 2015. Selon l’Observatoire égyptien du journalisme et des médias (EOJM), et Reporters Sans Frontières, Nora Younis a été accusée de tenir un site d’informations sans licence. Au mois de mai, c’est Lina Attallah, rédactrice en chef d’’un autre média en ligne indépendant, Mada Masr qui était brièvement interpellée.
La semaine dernière on apprenait l’arrestation d’un autre journaliste Mohamed Mounir, qui a travaillé pour la chaîne Al Jazeera. Agé de 65 ans il a été placé en détention pour 15 jours renouvelables pour « appartenance à un groupe terroriste, diffusion de fausses nouvelles, utilisation incorrecte des réseaux sociaux », selon un communiqué du Comité pour la Protection des Journalistes publié lundi.
Dans le classement mondial de la Liberté de la Presse de l’ONG Reporters Sans Frontières, l’Égypte est classée 166e sur 180 pays.
Des militants interpellés
Les journalistes ne sont pas les seuls visés par les arrestations. Cette semaine la militante Sanaa Seif a été arrêtée et placée en détention. Sanaa Seif est la sœur d’un opposant emprisonné Alaa Abdel Fattah, figure de la révolution égyptienne de 2011. Sanaa Seif a été arrêtée sur la base d’un mandat délivré le 21 juin pour avoir appelé à des manifestations, et pour avoir disséminé « des fausses nouvelles sur la détérioration de la situation sanitaire du pays et sur la propagation du coronavirus dans les prisons », a indiqué le bureau du procureur dans un communiqué.
On peut citer aussi ces arrestations qui ont visé la famille de Mohammed Soltan. Cet Américain d’origine égyptienne a porté plainte devant la justice des Etats-Unis pour des tortures qu’il dit avoir subies en Égypte ces dernières années. Dans les jours qui ont suivi le dépôt de la plainte, ce sont donc cinq de ses cousins vivant en Égypte qui ont été inquiétés. Plusieurs ONG dénoncent des « représailles ».
Dans la longue liste des cas d’arrestations arbitraires, figure aussi le militant politique Ramy Shaath, arrêté il y a un an et dont la détention préventive a été renouvelée à 16 reprises.
Depuis que le président Morsi a été renversé en 2013 et depuis l’élection Abdel Fattah al-Sissi l’année suivante, l’Egypte a arrêté des milliers d’opposants politiques, défenseurs des droits humains et journalistes.
Un cas a particulièrement ému ces dernières semaines : celui de la militante LGBT Sara Hegazy. Exilée au Canada, elle a mis fin à ses jours en expliquant qu’elle ne pouvait continuer à vivre avec le traumatisme qu’avait causé son incarcération. « Je suis plus faible qu’il ne faut pour résister. Pardonnez-moi », a écrit la jeune femme de 30 ans avant de se suicider. Sara Hegazy avait été arrêtée au Caire après avoir brandi un drapeau arc-en-ciel, symbole des LGBT, lors d’un concert du groupe libanais Mashrou Leila en octobre 2017. Elle a passé trois mois en prison avant d’être relâchée et de s’exiler au Canada en 2018. « Au cas où quelqu’un aurait un doute, le gouvernement d’Égypte l’a tuée », a affirmé La directrice Moyen-Orient et Afrique du Nord de Human Rights Watch, Sarah Leah Whitson.
Une répression sur fond de pandémie
La répression en Égypte semble se durcir sur fond de pandémie de Covid-19. Au moins 5 médecins sont en prison pour avoir critiqué la gestion de la crise du Covid-19 par les autorités. Ils sont accusés de «diffusion de fausses informations », « d’appartenance à un groupe terroriste » et de porter « atteinte à la sécurité de l’Etat ». « Nous n’avons pas de masques pour les médecins ni d’équipements de protection pour les équipes médicales en Égypte mais nous en offrons à la Chine et à l’Italie ?! », s’était indigné l’un d’entre eux, Hani Bakr, sur sa page Facebook début avril, avant d’être arrêté. Des soignants égyptiens ont par ailleurs payé un lourd tribut à la pandémie, près d’une centaine d’entre eux sont décédés ces derniers mois.
Au mois d’avril, l’Égypte a renouvelé l’état d’urgence en vigueur depuis 2017, avec cette fois des dispositions censées permettre de lutter contre le coronavirus. Un amalgame jugé dangereux par plusieurs organisations de défense des droits de l’homme qui constatent que cette loi étend encore les pouvoirs du président Abdel Fattah al-Sissi. HRW dénonce une loi « abusive ».
L’autre inquiétude liée au coronavirus est la situation dans les prisons égyptiennes surpeuplées. Les autorités du Caire sont restées sourdes aux appels à libérer les prisonniers de conscience sur fond d’épidémie.