Par Caroline Meva, Écrivaine
L’opération Épervier est une vaste opération judiciaire initiée dans les années 2000, dans le cadre de la lutte anti-irruption engagée par le Gouvernement, en application de la politique de ” Rigueur et Moralisation ” prônée par le Chef de l’État. Mais, force est de constater que cette opération pleine de promesses et salvatrice pour notre pays, s’est peu à peu éloignée de son objectif premier. Elle a été récupérée et dévoyée par certains membres de l’establishment en guise de ” rouleau compresseur ” , destiné à broyer et à éliminer tous ceux qui se mettent en travers de leurs ambitions économiques et politiques.
Le rouleau compresseur est un mécanisme qui consiste, dans un premier temps, à discréditer et à diaboliser la victime aux yeux de l’opinion publique, par un lynchage médiatique bien orchestré ; ensuite l’on procède à l’arrestation spectaculaire de la victime afin de marquer les esprits, pour des motifs souvent fallacieux, la plupart montés de toutes pièces et ce, en violation des lois, règlements et procédures ; suivie d’une parodie de procès dans lequel l’instrumentalisation de l’institution judiciaire est flagrante. Enfin vient la phase de l’éradication sociale de la victime, parfois de sa mort en détention préventive. Le traumatisme subi par les victimes et leurs proches est profond et laisse des blessures indélébiles.
Je me permets de rappeler ici le cas de Monsieur Nkolo Fanga, de regretée mémoire, un haut responsable l’administration des Postes et Télécommunications, qui avait été la première victime du rouleau compresseur, peu de temps avant le déclenchement de l’opération Épervier proprement dite. On lui doit la fondation de la défunte Caisse d’Epargne Postale et la mise sur pied de la Poste Automobile Rurale qui sillona jadis nos campagnes pour transmettre le courrier et payer leur pension aux retraités, en leur évitant de se déplacer vers la ville à cet effet. Que l’âme de ce grand homme repose en paix.
LA CRÉDIBILITÉ DE L’OPÉRATION ÉPERVIER REMISE EN CAUSE
L’on observe des disparités et des injustices flagrantes dans le traitement réservé à ceux que l’on présente comme des ” voleurs de la République “, des “braqueurs des caisses de l’Etat ” ou des détourneurs de fonds publics :
– Certains sont mis aux arrêts, jugés, condamnés, diabolisés, calomniés, humiliés en permanence, tandis que d’autres, dûment cités dans des affaires de détournement de deniers publics qui défraient la chronique sont laissés en liberté, en toute impunité.
– Certains, appréhendés ou non, bénéficient de complicités évidentes, sont exfiltrés hors du pays, quand ils ne sont pas purement et simplement libérés pour des raisons politiques. Pendant ce temps, d’autres purgent de lourdes peines en prison, parfois pour des faits de moindre importance.
– Certains sont autorisés à comparaître libres alors que cette faveur est refusée à d’autres.
– Certains sont autorisés à rembourser le corps du délit pour leur éviter la prison, d’autres non, bien qu’étant incriminés pour des montants moins élevés
Les exemples de ces abus et des dysfonctionnements de l’appareil judiciaire sont foison. Résultat des courses, toute cette opacité, toutes ces manigances portent préjudice à la crédibilité de l’institution judiciaire et à l’Opération Épervier, tout en renforçant la thèse des procès politiques.
POUR UNE JUSTICE ÉQUITABLE POUR TOUS
L’équité consiste à rendre la justice en respectant scrupuleusement les lois, les règlements et les procédures ; à réserver le même traitement à tous ceux qui sont incriminés pour des crimes et délits semblables ; en finir avec une justice à deux vitesses, à tête chercheuse ou du ” deux poids, deux mesures ” qui consacre l’impunité de certains. Afin de restaurer la crédibilité de la Justice, mise à mal dans l’Opération Épervier, il n’y a qu’une alternative :
1) – Soit l’on procède à l’incarcération de TOUS les prévaricateurs de la fortune publique, sans exception et sans favoritisme ; on mettrait ainsi fin à l’injustice qui consacre l’impunité de quelques uns ;
2) – Soit on libère tous les présumés détourneurs de fonds publics, ainsi que les victimes innocentes du rouleau compresseur de l’Opération Épervier. A cet effet, l’on pourrait organiser des révisions de procès dans lesquels une justice authentique, respectueuse des lois, des règlements et des procédures serait rendue.
A défaut de cela, l’histoire retiendra que l’Opération Épervier n’aura été qu’une mascarade, une parodie de justice, un instrument de destructions et de mort utilisé par quelques membres de l’establishment pour éliminer ceux qui leur font de l’ombre sur le plan politique et économique.
Caroline Meva, Écrivaine