L’entêtement répressif de la dictature de Paul Biya pourrait, si on n’y prend garde, mener le Cameroun droit vers l’ouverture d’un deuxième ou troisième front de guerre intérieure (après Boko Haram et le NOSO).
C’est visiblement un paramètre qui échappe à tous les faucons de la dictature qui multiplient les menaces d’arrestation et d’emprisonnement (voulu à vie) contre les leaders du principal parti d’opposition, afin croient-ils, de circonscrire toute velléité de manifestation pacifique contre le pouvoir en place depuis 1982 au Cameroun.
Le risque est davantage que ces leaders soient eux-aussi contraints à la clandestinité et mènent alors avec tous ces camerounais (qui n’ont en réalité plus rien à perdre) une résistance acharnée contre la tyrannie en exil comme sur le territoire, ouvrant ainsi le deuxième ou troisième front d’une guerre contre un pouvoir central illégitime.
C’est peut-être finalement où s’achemine inéluctablement et malheureusement le Cameroun, devant le formatage et l’entêtement répressif des partisans de Paul Biya.
Ils auront une fois de plus été prévenus du pire, comme au moment des prémices de la guerre civile anglophone.
Mais je doute sérieusement qu’ils puissent entendre cette alerte, convaincus qu’ils sont de la toute puissance de leur système de terreur militaire.
Ils se trompent…lourdement.
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Cameroun: appel au soulèvement, Yaoundé sur le pied de guerre
Face à la persistance de Yaoundé d’organiser des élections régionales avant la résolution de la crise séparatiste et sans réforme consensuelle du code électoral, le parti de Maurice Kamto appelle à des manifestations au Cameroun. Cette invitation au soulèvement populaire n’est pas pour plaire au pouvoir en place qui dit être sur le pied de guerre.
Jusqu’où ira Maurice Kamto, président du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), dans son bras de fer avec le chef de l’État Paul Biya? Depuis la convocation du corps électoral en vue des élections régionales prévues le 6 décembre prochain, la tension est montée d’un cran dans l’arène politique au Cameroun.
Le MRC de Maurice Kamto et ses sympathisants appellent à des manifestations publiques le 22 septembre dans toutes les villes du pays avec pour objectif d’exiger le départ de Paul Biya au pouvoir depuis 1982.
En effet, dans une récente déclaration, le principal opposant au pouvoir de Yaoundé avait menacé le chef de l’État de provoquer un soulèvement populaire si celui-ci persistait à organiser de nouvelles élections sans deux préalables: la résolution de la crise séparatiste dans les régions anglophones et une réforme consensuelle du code électoral. Un avertissement frontal devant lequel Paul Biya, qui a convoqué le corps électoral le 7 septembre dernier, n’a du tout pas frémi.
Panique au sérail
Cependant dans un contexte sociopolitique déjà très tendu, Yaoundé préfère se tenir sur ses gardes. La preuve? Au soir de la convocation du corps électoral par le Président de la République, Paul Atanga Nji, ministre de l’Administration territoriale (Minat), est monté au créneau à l’occasion d’un point presse pour mettre en garde toute personne qui oserait troubler «la tranquillité des Camerounais avant, pendant et après les régionales».Martelant avec force qu’«aucun écart de comportement ne sera toléré» de la part de quelques parti politique ou ONG que ce soit, le Minat a également brandi les dispositions légales «qui seront immédiatement prises au cas où des politiciens véreux et irresponsables oseraient entamer la moindre action visant à perturber l’organisation du scrutin du 6 décembre 2020».
Paul Atanga Nji n’a pas manqué de rappeler à Maurice Kamto que lui et certains de ses partisans ont bénéficié, il y a près d’un an, d’un arrêt des poursuites judiciaires, alors qu’ils «avaient gravement violé la légalité républicaine». Cet acte présidentiel, précise-t-il, ne signifie aucunement l’extinction des charges qui avaient motivé leur mise en détention à la prison centrale de Yaoundé, où ils avaient passé neuf mois en 2019.
«En cas de nouveau faux pas, notamment l’incitation à la rébellion, le compteur judiciaire de ceux qui avaient bénéficié de l’arrêt des poursuites sera remis à zéro. Le rouleau compresseur du maintien de l’ordre se mettra immédiatement en branle et sans complaisance», a-t-il souligné.
Maurice Kamto continue de mobiliser
Outre les déclarations du Minat, les gouverneurs des régions du littoral et du centre, les deux principales du pays, sont passés à l’offensive. Ils ont pris des arrêtés le 11 septembre dernier interdisant toute manifestation publique sur leur territoire de commandement. Des décisions «liberticides, antidémocratiques et anticonstitutionnelles», selon Jean-Michel Nintcheu, qui trahissent «en réalité l’extrême fébrilité qui s’est irréversiblement emparée du régime de Yaoundé et de ses excroissances régionales à la veille du Grand soir».
«On ne saurait raisonnablement avoir eu 71% à la présidentielle et disposer de la quasi-totalité des communes d’arrondissement du pays ainsi que du Parlement et s’employer paradoxalement à étouffer les manifestations pacifiques», a écrit le député du Social Democratic Front (SDF), parti d’opposition dans un communiqué de presse.
Depuis, les déclarations fusent de toutes parts et chaque camp affûte ses armes. Dans un récent communiqué, René Emmanuel Sadi, ministre de la Communication, relève qu’aucune «manifestation ne peut être considérée comme pacifique lorsque le but affirmé est le lancement d’un mouvement insurrectionnel». Le porte-parole du gouvernement rappelle que tous ceux qui s’associent à ce projet doivent s’attendre à en répondre devant la justice.
Ces multiples déclarations de l’administration démontrent une «peur» du pouvoir, dans un contexte africain où de plus en plus de populations affirment «vouloir prendre leur destin en main», selon Hippolyte Éric Djounguep, chercheur à l’École supérieure des sciences de l’information et de la communication de Yaoundé. Celui-ci se réfère plus particulièrement au Mali où une forte mobilisation populaire avait provoqué, le 18 août, le départ du Président Ibrahim Boubacar Keïta.
Déjà le dimanche 13 septembre, des camions anti-émeutes étaient visibles à des endroits inhabituels à Douala, capitale économique, alors que le leader du MRC était en visite dans la ville. En effet dans son plan de «résistance», Maurice Kamto a entrepris de mobiliser les acteurs politiques de la société civile et de la diaspora. Il a d’ailleurs rencontré à Douala des responsables politiques et de la société civile parmi lesquels Kah Walla, du mouvement Stand for Cameroon, une coalition de leaders d’opinion qui milite pour «une révolution populaire non violente».
Des chances de réussite?
Mais si elle semble nécessaire pour Maurice Kamto et ses partisans, la manifestation en vue ne rencontre pas forcément un écho favorable auprès de tous les opposants. Pour Anicet Ekane, du Mouvement africain pour la nouvelle indépendance et la démocratie (Manidem), c’est un combat perdu d’avance.
«Ce n’est pas la première fois que le MRC envisage des marches tendant à mettre fin au régime de Yaoundé. Pour différentes raisons, nous ne pouvons pas nous associer à ce projet. Le MRC prétend être le principal parti de l’opposition, en excluant les autres partis politiques, ce n’est pas la meilleure manière de donner des chances de succès à un mouvement populaire», observe-t-il au micro de Sputnik.
Commentant les chances de succès de la stratégie du MRC, Louison Essomba, analyste politique et enseignant à l’université de Douala, souligne que «de façon empirique, toutes les marches qui ont fait l’objet d’une programmation par un leader politique ou un membre de la société civile au Cameroun n’ont pas réussi».
«Le peuple camerounais adore la spontanéité. Lors des émeutes de la faim en 2008, on n’a vu aucun leader entraîner des soulèvements», constate-t-il.
Maurice Kamto et ses sympathisants réussiront-ils ce coup de force? En attendant l’issue de ce nouveau pugilat politique, le pays reste déchiré par de multiples crises dont la plus meurtrière demeure le conflit séparatiste dans sa partie anglophone. Dans le même temps, au sommet de l’État, une bataille est ouverte pour la succession de Paul Biya, 87 ans dont 38 au pouvoir.