Marcher, manifester est un droit fondamental pour chaque Camerounais, pour ou contre Paul Biya, son système et le régime!
Il faut le redire ce matin : Paul Biya, ni aucun autre chef d’Etat en Afrique n’est un dieu d’aucun culte, d’aucune religion ; Dieu, paré de vertus absolues ! Ses partisans, dont des journalistes et éditorialistes de la Crtv, ont beau, grisés par sa longévité, lui dresser une stèle de Sphinx, il ne saurait être l’infaillible que les Catholiques voulaient faire du pape. Avant, bien sur, devant l’absurdité d’une telle consécration du souverain pontife, que le Canon de l’Eglise n’en retoque l’esprit. C’est dire…
Cette sacralisation des présidents en Afrique produit des systèmes de pensée, une incarcération mentale telle que le citoyen est réduit à l’habitant, au sujet, agi par la seule volonté et la férule du Prince. Bref, le président est tout, peut tout, sait tout, voit tout…Par conséquent, nul n’a le droit de le critiquer, de le contester, de marcher contre lui. La loi, la Constitution, celle qui, par la traine de l’influence occidentale, s’appuie sur l’esprit de la Bill of Rights anglaise, de la Déclaration française de l’Homme et du Citoyen et de celle onusienne de 1948,, reprend pourtant ce crédo de libertés, de droits fondamentaux, d’égalité : ” le roi n’est pas la loi, ne fait pas la loi, est soumis à la loi”.
C’est pourquoi, au détour de ces principes, l’on peut utiliser les moyens de l’Etat pour assujettir les médias de service public pour la seule gloire du président. Dès l’annonce d’une marche, d’une manifestation par des Camerounais, aussi libres de contester, critiquer et dénoncer que les partisans de Paul Biya le sont pour soutenir leur champion, l’on sort toute l’armada de caméras. Les équipes se déploient à travers le pays pour faire chanter des Ave Biya, des chants de chorale laudateurs, sous prétexte de défense des Institutions.
Où était la CRTV pour interroger Banda Kani, Anicet Ekane, Jean de Dieu Momo, etc quand Mebe Ngo’o était soupçonné de détournements ; quand la presse française a en abondamment parlé ? Où était la CRTV pour tendre son micro aux chefs traditionnels et à Chantal Ayissi, cornaquée sur les antennes de la Tour de Mballa 2, pour régler des comptes privés autour d’une question publique, quand nous menions une investigation et des actions contre le scandale des residences de l’ambassadeur du Cameroun en France ? Où est la CRTV pour faire des vox pop quand la CNPS cède à un proche collaborateur du chef de l’Etat un immeuble, sans s’interroger sur l’origine des fonds?
L’on n’aura raisonnablement pas un pays pacifié, réconcilié de façon sincère tant que perdure cet esprit, ces pratiques, la logique d’un système qui a déifié, sacralisé et statufié le président. Un système qui conduit d’ailleurs les opposants et leurs partisans à adopter des traits de ce culte de la personnalité. Un système qui n’autorise, n’accepte et n’accompagne les marches et manifestations que lorsqu’il s’agit de supporter le président, lui adresser des motions de soutien et défiler avec son effigie.
Les Camerounais qui soutiennent sont aussi libres de marcher, manifester que ceux qui critiquent et s’opposent ! On ne peut plus avoir un pays où dès que l’on annonce une marche pacifique pour dire non, l’on transforme la CRTV et les médias publics en cathédrale de dévotion, en mosquée de prosternation et en synagogue d’adoration du président. Non ! Marcher et manifester de façon pacifique pour dire oui ou non sont des droits reconnus à chaque citoyen et plus personne n’a le monopole du Cameroun.
A. Mounde Njimbam
Citoyen Africain-Camerounais
Journaliste/Consultant- chercheur en géopolitique, relations internationales et histoire globale. Spécialiste des politiques et du droit de l’Espace.