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Cameroun : dix ans de prison pour des militaires qui avaient abattu deux femmes et leurs enfants
Selon une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux en juillet 2018, des soldats avaient exécuté sommairement deux femmes, ainsi qu’une fillette et un bébé que l’une d’elles portait sur le dos. Elles étaient suspectées d’être des complices du groupe terroriste Boko Haram.
Quatre militaires camerounais ont été condamnés, lundi 21 septembre, à dix ans de prison ferme et un autre à deux ans pour l’« assassinat », en 2015, de deux femmes et leurs deux enfants, dans le nord du pays.
En juillet 2018, une vidéo montrant des soldats exécutant sommairement ces deux femmes, les yeux bandés, ainsi qu’une fillette et un bébé que l’une d’elles portait sur le dos, dans l’extrême nord du Cameroun où l’armée combat des groupes djihadistes, avait été diffusée sur les réseaux sociaux.
Le gouvernement avait nié l’implication de son armée dans un premier temps, avant de faire arrêter sept suspects. Deux ont été acquittés. Le tribunal militaire de Yaoundé a prononcé son verdict pour « assassinat » et les peines d’emprisonnement après de très nombreux ajournements du procès.
« Fake news », « trucage »
Le drame s’était déroulé en 2015 dans la localité de Zeleved, dans l’extrême-nord du Cameroun, où le groupe djihadiste nigérian Boko Haram et une branche dissidente multiplient les attaques meurtrières ces dernières années contre les civils et l’armée.
Lorsque la vidéo était devenue virale sur les réseaux sociaux trois ans plus tard, le pouvoir du président Paul Biya, à la tête du Cameroun depuis 1982, ainsi que l’armée, avaient fermement nié l’implication de leurs soldats, parlant de « fake news » et d’« horrible trucage ». Mais il s’était rétracté en août 2018, annonçant l’arrestation de sept militaires. Le 21 octobre, après déjà plusieurs ajournements du procès, les sept militaires avaient plaidé non coupables.
Trois militaires, Ciriaque Hilaire Bytlaya, Jean Tchanga et Barnabas Donossou, ont été reconnus « coupables des faits de coaction d’assassinat », avant d’être condamnés chacun à dix ans de prison ferme. La même peine a été infligée au capitaine Etienne Fabassou, chef des accusés au moment des faits, reconnu coupable de « complicité d’assassinat ».
Un cinquième militaire, Ghislain Ntienche, a, pour sa part, écopé de deux ans de prison ferme pour « violation de consignes » dans le cadre de la même affaire. L’avocat du capitaine Fabassou a annoncé qu’il comptait faire appel. Selon lui, la procédure judiciaire n’a pas été suivie, parce que « de l’enquête à la phase de jugement, en passant par l’information judiciaire, les ayants droit des victimes n’ont jamais comparu et n’ont pas été entendus ».
Tollé international
Les attaques dans l’extrême-nord du pays sont le fait de Boko Haram ou de l’Iswap (le groupe Etat islamique en Afrique de l’Ouest, selon son acronyme en anglais), qui multiplient, depuis ces dernières années, les assauts très meurtriers visant les militaires et les civils dans cette région du Cameroun comme dans les régions limitrophes du Nigeria, du Tchad et du Niger, sur le pourtour du lac Tchad.
Mais les organisations internationales de défense des droits humains dénoncent également régulièrement des exactions et crimes commis contre des civils par les forces de sécurité au Cameroun, dans l’Extrême-Nord, mais aussi dans les deux régions du nord-ouest et du sud-ouest du pays.
En juin, trois militaires camerounais ont été inculpés de l’« assassinat », en février, d’au moins vingt-trois civils selon l’ONU, dont dix enfants, dans un village des zones anglophones, Ngarbuh, un massacre qui avait déclenché un tollé international, contraignant le pouvoir à admettre la responsabilité de ses soldats, après l’avoir longtemps niée.
L’insurrection de Boko Haram, elle, est née en 2009 dans le Nord-Est du Nigeria avant de se propager dans les pays voisins, au Cameroun, au Niger et au Tchad. Depuis cette date, plus de 36 000 personnes (principalement au Nigeria) ont été tuées, et 3 millions ont dû fuir leur domicile, selon l’ONU. En 2016, le groupe s’est scindé en deux branches : la faction dirigée par son chef historique, Abubakar Shekau, et l’Iswap, affilié au groupe Etat islamique (EI).
Le Monde avec AFP