Quatorze experts indépendants des droits de l’homme des Nations Unies ont appelé, lundi, le Cameroun à libérer le principal dirigeant d’opposition et les autres personnes arrêtées lors de manifestations pacifiques à travers le pays, et de cesser les intimidations à l’encontre des militants politiques.
Ces experts ont également demandé au Cameroun d’enquêter de manière impartiale sur toutes les violations des droits de l’homme, y compris les allégations de disparitions forcées, de détention arbitraire et de mauvais traitements infligés aux manifestants, et de traduire les auteurs de ces actes en justice.
« Nous sommes extrêmement préoccupés par les arrestations massives de manifestants pacifiques et de militants politiques qui expriment leur dissidence », ont déclaré les experts dans un communiqué conjoint.
Plus de 500 personnes auraient été arrêtées à la suite des manifestations organisées par l’opposition camerounaise le 22 septembre, et quelque 200 seraient toujours en détention. Elles risquent d’être accusées de terrorisme et d’atteinte à la sécurité nationale et d’être jugées par un tribunal militaire pour avoir exercé leurs libertés fondamentales.
La violence contre les manifestants a été disproportionnée, avec utilisation de gaz lacrymogènes et de canons à eau pour les disperser violemment
Les experts de l’ONU se sont également dits préoccupés par l’usage excessif de la force contre des manifestants pacifiques par les forces de sécurité camerounaises. « La violence contre les manifestants a été disproportionnée, avec utilisation de gaz lacrymogènes et de canons à eau pour les disperser violemment », ont-ils déclaré.
Les manifestants se sont mobilisés dans tout le pays en réponse à l’appel lancé par le parti d’opposition Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) pour réclamer un dialogue national, des réformes du système électoral et le retour de la paix dans les régions anglophones du pays. Les autorités camerounaises ont interdit les manifestations dans certaines régions du pays et ont qualifié d’illégale toute tentative de rassemblement. Le gouvernement a également déployé un dispositif de forces de sécurité important pour empêcher les manifestations pacifiques.
Les experts ont également exprimé leur inquiétude face aux informations faisant état de torture de manifestants pacifiques et de journalistes en détention. « C’est vraiment inacceptable », ont-ils déclaré. « L’interdiction de la torture et de toute forme de traitement cruel, inhumain ou dégradant est absolue en vertu du droit international des droits de l’homme, et ne peut être justifiée », ont-ils souligné.
Demande de libération du leader de l’opposition Maurice Kamto
Ils ont appelé le Cameroun à libérer le président du MRC, Maurice Kamto, qui est assigné à résidence avec sa famille depuis la nuit du 22 septembre. Les forces de sécurité l’ont empêché de communiquer avec les membres de son parti et ses avocats, et de prendre part aux manifestations.
« L’assignation à résidence de M. Kamto pourrait constituer une privation de liberté, en violation de ses droits à la liberté de réunion pacifique et d’association, ainsi que de la liberté et à la sécurité de sa personne », ont déclaré les experts.
Le Cameroun devrait célébrer et accepter la dissidence, car une véritable démocratie prend en compte les demandes de la population au lieu de les réprime
« Nous avons déjà fait part de nos préoccupations à l’État et nous rappelons au Cameroun qu’en vertu du droit international, tout individu a le droit d’organiser et de participer à des réunions pacifiques, de s’associer avec d’autres et de prendre part à la conduite de la vie publique. Aucun de ces actes n’est un crime, et le Cameroun devrait célébrer et accepter la dissidence, car une véritable démocratie prend en compte les demandes de la population au lieu de les réprimer », ont-ils ajouté.
Des élections régionales devant avoir lieu dans tout le pays dans le courant de l’année, les experts ont appelé les autorités camerounaises à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir un environnement propice à des élections pacifiques et transparentes.
« Toute action susceptible d’alimenter de nouvelles tensions sociales doit être évitée, et les voix du peuple et de ses représentants doivent être pleinement prises en compte », ont-ils déclaré.
Les experts :
Clément Nyaletsossi Voule, Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association ; Irene Khan, Rapporteure spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression ; Agnès Callamard, Rapporteure spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires ; Fionnuala Ní Aoláin, Rapporteure spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste ; Nils Melzer, Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ; Leigh Toomey (Président-Rapporteur), Elina Steinerte (Vice-présidente), José Guevara Bermúdez et Seong-Phil Hong, membres du Groupe de travail sur la détention arbitraire ; Tae-Ung Baik (Président-Rapporteur), Henrikas Mickevičius (Vice-Président-Rapporteur), B
Note :
Les Experts indépendants font partie de ce qu’on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Le terme « procédures spéciales », qui désigne le plus grand corps d’experts indépendants au sein du système onusien des droits de l’homme, est généralement attribué aux mécanismes indépendants d’enquête et de supervision mis en place par le Conseil des droits de l’homme afin de traiter de la situation spécifique d’un pays ou de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent bénévolement ; ils n’appartiennent pas au personnel de l’ONU et ne perçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou de toute organisation et exercent leurs fonctions à titre individuel.