Deux ans de travail, plusieurs témoins et activistes entendus, et une conclusion : les Ouïghours sont victimes d’un génocide, orchestré par le gouvernement chinois. Rien de bien nouveau pourrait-on penser, Libération sortait déjà en juillet une série d’articles documentant le virage génocidaire du Parti communiste dans l’est de la Chine. Mais jamais une commission parlementaire d’un pays démocratique n’avait retenu le terme de «génocide» pour qualifier ces faits, jusqu’au communiqué publié mercredi par le sous-comité en charge des droits internationaux de la personne pour la Chambre des communes du Canada.
Dans leurs conclusions, ce groupe d’élus de tous bords politiques dénonce la «variété de stratégies» employées par le régime chinois pour «persécuter les groupes musulmans qui vivent au Xinjiang». Ils relèvent notamment une «détention de masse et des traitements cruels», un recours au «travail forcé», une «surveillance d’Etat généralisée», et enfin des «moyens inhumains contre les femmes ouïghoures» pour «réduire le taux de natalité».
Stérilisation massive
C’est cette entrave aux naissances qui est retenue par le comité comme principal critère de génocide, comme inscrit dans la convention de l’ONU sur la prévention et la répression du crime de génocide. En effet, 80 % des stérilets posés en Chine le sont dans le Xinjiang, alors que la région représente moins de 2 % de la population chinoise. Et, évidemment, ces interventions chirurgicales ne se font pas avec le consentement des femmes ouïghoures.
«Nous remercions le sous-comité canadien de reconnaître que les atrocités commises contre les Ouïghours constituent un génocide, et d’avoir proposé des actions significatives et concrètes au gouvernement canadien», a déclaré le président du World Uyghur Congress, une organisation internationale militant pour les droits des Ouïghours. Désormais, la balle est dans le camp du gouvernement social-libéral de Justin Trudeau, sommé de réagir par les députés.
Une réaction gouvernementale attendue
Comme le rapporte le quotidien canadien The Globe and Mail, seul le ministre des Affaires étrangères, François-Philippe Champagne, s’est exprimé suite à ce rapport en affirmant que le Canada prenait «très au sérieux les allégations de génocide». Il n’a en revanche pas annoncé de sanction, précisant seulement avoir été «profondément perturbé par ces violations de droits humains», et que le pays allait «continuer de travailler en collaboration avec [ses] alliés» ainsi que des «institutions indépendantes».
Que le gouvernement canadien reconnaisse ou non le terme de génocide, le rapport parlementaire ne devrait pas améliorer ses relations avec la Chine. Depuis 2018, et l’arrestation à la demande des Etats-Unis de Meng Wanzhou, la numéro 2 du géant des télécoms Huawei, Pékin et Ottawa sont en froid. La semaine dernière encore, l’ambassadeur de Chine au Canada menaçait ouvertement les exilés canadiens à Hongkong, pendant que Justin Trudeau laissait entendre que les Hongkongais prodémocratie étaient les bienvenus au Canada.
Par Julien Lecot — Libération