Hongkong s’enfonce toujours plus dans l’autoritarisme chinois. Déjà bien maigrelet, le camp de l’opposition pro-démocratie au parlement local a décidé de jeter l’éponge et doit présenter sa démission ce jeudi. Les élus protestent contre la disqualification de quatre d’entre eux à la suite d’une décision de Pékin qui les prive de tout pouvoir et met en cause l’existence même d’une opposition politique dans l’ancienne colonie britannique.
«Etouffer et disqualifier l’opposition»
Le plus haut organe législatif chinois a accordé mercredi aux autorités locales le pouvoir de destituer les députés jugés «non patriotiques», sans avoir à passer par les tribunaux hongkongais. Ne peuvent plus siéger, selon l’interprétation des législateurs chinois, les députés qui soutiennent l’indépendance, recherchent l’ingérence de forces extérieures ou mettent en danger la sécurité nationale. Pour ces motifs, quatre élus de l’opposition ont été sur le champ démis de leurs fonctions. C’est le cas de l’avocat et modéré Dennis Kwok pour qui il ne fait aucun doute que «ceux qui sont au pouvoir ne peuvent plus tolérer l’opposition».
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Ces disqualifications sont «extrêmement ridicules», a renchéri le député Wu Chi-wai devant la presse. Elles sont le signe que le parti communiste «a abandonné le principe “Un pays, deux systèmes” censé garantir jusqu’en 2047 un contrôle par les Hongkongais de l’économie, des lois et affaires politiques locales». Le gouvernement central vient de «détruire la séparation des pouvoirs et tout le pouvoir va être centralisé dans le chef de l’exécutif hongkongais – une marionnette du gouvernement central», fustige Wu Chi-wai.
Londres a également critiqué une «décision arbitraire», «un assaut supplémentaire contre le haut degré d’autonomie et les libertés» scellés dans la déclaration sino-britannique de 1984. «Cette campagne pour harceler, étouffer et disqualifier l’opposition démocratique ternit la réputation internationale de la Chine et sape la stabilité à long terme de HongKong», écrit le secrétaire d’Etat britannique aux Affaires étrangères, Dominic Raab, dans un communiqué.
«La société civile incarne la seule force de résistance»
Le gouvernement central s’est déjà immiscé dans les affaires parlementaires hongkongaises. En 2016, il obtenait l’éviction de six députés fraîchement élus, dont de farouches défenseurs du suffrage universel et deux jeunes partisans de l’indépendance. Aujourd’hui, en éliminant quatre députés supplémentaires, Pékin fait passer l’opposition sous la barre des 18 sièges nécessaires pour pouvoir rejeter des motions et projets de loi proposés par la majorité et assurer son «auto-préservation», commente la députée Claudia Mo.
En critiquant une «opposition déloyale», les autorités remettent par ailleurs en cause l’existence même d’une opposition. «Le parti communiste a une conception très restrictive de la démocratie», note Jean-Pierre Cabestan, professeur en sciences politiques à l’université baptiste de HongKong. Selon lui, «il va être de plus en plus difficile d’être opposant car Pékin va délégitimer les partis petit à petit et les faire disparaître».
Dans ce contexte où la rue était déjà le seul contre-pouvoir – en raison d’un système électoral rendant le parlement acquis à la majorité pro-Pékin – «la société civile incarne la seule force de résistance à long terme mais sans pour autant pouvoir modifier un système politique qui est passé d’hybride à autoritaire», constate Cabestan.