Beaucoup la présentent comme une militante «obstinée» des droits des femmes saoudiennes. Loujain al-Hathloul a été condamnée ce lundi à cinq ans et huit mois de prison par un tribunal antiterroriste saoudien. Agée de 31 ans, elle avait été arrêtée en mai 2018, en même temps que d’autres activistes féministes. Elle a été reconnue coupable de «diverses activités prohibées par la loi antiterroriste», a précisé le média en ligne pro-pouvoir Sabq, qui a eu accès à l’audience. «Nous souhaitons la libération rapide de Mme Loujain al-Hathloul», a déclaré quelques heures plus tard le ministère des affaires étrangères français lors de son point presse. «Ma sœur n’est pas une terroriste, c’est une activiste», a réagi dans un communiqué sa petite sœur, Lina al-Hathloul, qui la défend corps et âme depuis Bruxelles, où elle s’est établie.
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«L’hypocrisie ultime»
Son aînée s’était rendue célèbre pour avoir posté des vidéos d’elle au volant d’une voiture, allant contre l’interdiction faite aux Saoudiennes de conduire. Quelques mois après son interpellation, le jeune prince héritier, Mohammed ben Salmane (MBS), a levé cette prohibition. «Etre condamné pour […] les réformes mêmes que MBS et le royaume saoudien vantent si fièrement est l’hypocrisie ultime», a ajouté Lina al-Hathloul. Selon des médias saoudiens, la peine est assortie d’un sursis de deux ans et de dix mois «à condition qu’elle ne commette pas de nouveau crime dans les trois ans». La période passée en détention provisoire est également prise en compte dans la peine de prison, ce qui rend Loujain al-Hathloul libérable dans «deux mois», a expliqué sa sœur Lina sur Twitter. Le tribunal a également interdit à la militante de quitter le royaume pendant cinq ans, a ajouté Lina al-Hathloul, en précisant que sa sœur et le parquet avaient la possibilité de faire appel du jugement dans les trente jours.
Pour le gouvernement saoudien, ce jugement est une «stratégie de sortie tout en gardant la face» devant les fortes pressions internationales pour la libération de la jeune femme, a déclaré une source proche de sa famille. Loujain avait entamé une grève de la faim le 26 octobre, avant de l’interrompre deux semaines plus tard, selon sa famille et Amnesty International. Ses sœurs, Lina et Alia, ont largement contribué à la mise en lumière de son combat, obtenant ainsi un large soutien international. En 2018, elle avait obtenu le prix pour la liberté d’expression du PEN Club America, une association d’écrivains. L’année d’après, la ville de Paris l’a consacrée citoyenne d’honneur. Une députée canadienne avait même soufflé son nom pour le prix Nobel de la paix 2019.
Prisonniers politiques jugés pour terrorisme
La famille de Loujain al-Hathloul avait annoncé en novembre que son cas avait été transféré à une cour chargée des affaires de terrorisme. Cette juridiction pénale spécialisée, créée en 2008 a largement servi à juger des prisonniers politiques, selon des organisations de défense des droits humains. Elle a entre autres condamné à six ans de prison un éminent médecin américano-saoudien, Walid Fitaihi, accusé d’avoir obtenu la nationalité américaine sans autorisation et de sympathie envers une organisation terroriste non identifiée, avait indiqué à l’AFP une source proche de sa famille. L’Arabie Saoudite est très critiquée par les ONG pour son bilan en matière de droits humains qui embarrasse régulièrement les partenaires occidentaux.
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Pendant sa détention, Loujain al-Hathloul aurait été victime de harcèlement sexuel et de torture, selon sa famille. Ce n’était pas la première que la Saoudienne était en prison. Elle avait été arrêtée fin 2014 et placée en détention pour avoir tenté d’entrer en Arabie Saoudite au volant d’une voiture en provenance des Emirats arabes unis. Elle en était sortie soixante-treize jours plus tard, à la suite d’une campagne internationale.