Le message publié sur les réseaux sociaux est accompagné d’une photo non datée d’Alexeï Navalny, le crâne rasé, le regard perdu dans le vide : une photo prémonitoire du sort réservé à l’opposant le plus célèbre de Russie.
Dans le message, Alexeï Navalny confirme qu’il se trouve dans la colonie pénitentiaire IK-2 située dans la région de Vladimir. « Le système carcéral russe continue de me surprendre, ironise Alexeï Navalny, je ne pensais pas qu’on pouvait construire un camp de concentration à 100 kilomètres de Moscou. »
L’opposant décrit un univers carcéral très dur, sans violence physique, mais avec une pression de tous les instants : « Il y a des caméras partout, écrit-il, et le moindre écart donne lieu à un rapport. »
Dans ce premier message envoyé par le biais de ses avocats, Alexeï Navalny se veut cependant le plus rassurant possible. « La nuit, on me réveille toutes les heures pour me prendre en photo, écrit-il. Je me rendors en pensant qu’il y a des gens qui ne m’oublient pas et je trouve ça formidable », conclut l’opposant sur un ton qui se veut ironique.
À Moscou, notre correspondant Daniel Vallot a recueilli le témoignage d’un ancien détenu, qui lui a décrit « l’enfer carcéral » où Alexeï Navalny se retrouve plongé à son tour.
Une clôture de tôle surmontée de barbelés entoure les baraquements où sont logés les détenus. La colonie IK-2 est située à la périphérie de Pokrov, à une centaine de kilomètres au nord-est de Moscou. Condamné à plusieurs années de prison pour avoir participé à des manifestations non autorisées, Konstantin Kotov en est sorti il y a quelques mois seulement. « Les conditions y sont très dures. 60 personnes dans la même baraque, et seulement 2 mètres carrés pour toi, avec juste la place pour ton lit. Mais le plus difficile c’est l’isolement. Ils demandent aux autres détenus de ne pas te parler. Ils t’enferment dans le silence. »
Konstantin Kotov n’a pas subi de violences physique durant sa détention. Mais une pression psychologique particulièrement intense. Une surveillance de tous les instants, des humiliations incessantes, et un isolement qui peut conduire à la folie, selon l’avocat Pyotr Kuryanov, de la Fondation russe pour la défense des détenus : « J’espérais qu’ils mettraient Navalny dans une colonie « normale », si l’on peut dire. Mais là où il se trouve c’est l’enfer… Là-bas l’objectifs c’est de « casser » le détenu. De casser sa personnalité, pour qu’il renonce à toutes ses activités une fois libéré… »
Konstantin Kotov, lui, recommence peu à peu à militer, mais il se dit profondément marqué par ce qu’il a vécu : « Je pense que cela va rester longtemps avec moi. Je fais des efforts, mais j’ai encore de l’angoisse, de la peur… Je ne peux pas m’empêcher de penser que je peux me retrouver de nouveau là-bas. »
Mais Konstantin Kotov espère qu’Alexeï Navalny ne sortira pas brisé de sa détention. « En revenant en Russie il a déjà montré que c’était un homme très courageux… Suffisamment, nous-dit-il, pour affronter cette nouvelle épreuve ».
Texte par : RFI