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Tchad : au moins cinq morts lors de manifestations contre la junte militaire
Au moins cinq personnes sont mortes au Tchad, mardi 27 avril, lors de manifestations contre la junte militaire qui a pris le pouvoir après la mort du président Idriss Déby Itno il y a une semaine. « On dénombre au total quatre morts à N’Djamena », dont une femme « tuée par les manifestants », a fait savoir Youssouf Tom, procureur de la capitale. Plus tôt dans la journée, son homologue à Moundou, la deuxième ville du Tchad, à quelque 400 km au sud de N’Djamena, avait aussi confirmé la mort d’un manifestant de 21 ans sur place. « Un élève a jeté une pierre dans une voiture de la police et la police a tiré avec une balle réelle et l’élève est mort sur le coup », a précisé Ahmat Malloum.
Une ONG locale, la Convention tchadienne de défense des droits de l’homme (CTDDH), avance elle le bilan de neuf morts (sept dans la capitale, N’Djamena, et deux à Moundou, la deuxième ville du pays).
Appels à manifester
Des appels à manifester ont été lancés par plusieurs partis politiques de l’opposition et des organisations de la société civile contre le Conseil militaire de transition (CMT) dirigé par le général Mahamat Idriss Déby, fils du défunt président, et 14 autres généraux.
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Le 20 avril, le général de 37 ans a pris le pouvoir à la tête du CMT, au lendemain de la mort de son père, tué, selon l’armée, au combat contre des rebelles dans le nord du pays. Le CMT a depuis abrogé la Constitution et dissous le gouvernement et l’Assemblée nationale, mais le général Mahamat Idriss Déby a promis des « élections libres et démocratiques » dans dix-huit mois. Il a pris le titre de président de la République et chef suprême des armées.
Mais l’opposition considère le CMT comme « un organe illégal et illégitime adoubé par la France qui pense imposer aux Tchadiens une nouvelle dictature militaire ». La Convention tchadienne pour la défense des droits de l’homme a demandé lundi à ses militants « épris de paix et de justice de sortir massivement » mardi.
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« Marre de la dynastie monarchique »
Dans l’est de la capitale, quelques dizaines de manifestants brûlaient des pneus sur des axes secondaires. Les forces de l’ordre, massivement déployées à N’Djamena, les dispersaient à coups de gaz lacrymogènes au moindre début de rassemblement.
« On en a marre, marre, marre de la dynastie monarchique au Tchad », a déclaré à l’AFP Sarah, une manifestante. Derrière elle, des jeunes arrivaient en courant et criaient « police, police ». A l’approche d’un pick-up des forces de sécurité, la vingtaine de manifestants partaient en courant.
En début de matinée, des traces noires de pneus brûlés jonchaient le goudron pendant que d’autres brûlaient encore, et des détonations de grenades de gaz lacrymogène résonnaient ça et là. Dans le quartier Walia, dans le sud de la capitale, un manifestant a été roué de coups par les forces de l’ordre.
« Les militaires ont annoncé la couleur : gouverner dans le sang. Les forces de l’ordre ont tiré à balles réelles sur des jeunes pour réprimer une marche pacifique », a tweeté Saleh Kebzabo, l’opposant historique à Idriss Déby Itno. « Les Tchadiens sont debout, nous n’allons plus jamais reculer (…), nous allons continuer à marcher », a également déclaré Succès Masra, l’un des plus farouches opposants au régime.
Lors d’un discours télévisé mardi, le général Mahamat Idriss Déby a promis d’organiser « un dialogue national inclusif » dans une période de transition de dix-huit mois. « Le Tchad continuera à tenir son rang et à assumer ses responsabilités dans la lutte contre le terrorisme et respectera tous ses engagements internationaux », a-t-il également déclaré.
A Paris, le président français, Emmanuel Macron, a « condamné avec la plus grande fermeté la répression » et appelé à « une transition pacifique, démocratique et inclusive ». Il est le seul chef d’Etat occidental à avoir assisté vendredi à N’Djamena aux obsèques de M. Déby, apportant à son fils le « soutien de la France » et des pays du Sahel au « processus de transition civilo-militaire ». La France considère le Tchad comme son principal allié militaire dans la lutte contre les djihadistes au Sahel.
Dans des événements indépendants des manifestations, au moins 12 militaires et 40 assaillants ont été tués mardi par des djihadistes dans la région du lac Tchad, a fait savoir le gouverneur de la province, Mahamat Fadoul Mackaye. Le lac Tchad est une vaste étendue d’eau et de marécages parsemée d’îlots habités dans l’Ouest, dont certains sont des repaires du groupe nigérian Boko Haram ou de sa branche dissidente, l’Etat islamique en Afrique de l’Ouest (Iswap, selon l’acronyme en anglais). Les autorités tchadiennes appellent indifféremment « Boko Haram » ces deux groupes.
Le Monde avec AFP