C’est l’occasion d’essayer de mettre un terme à cette culture du dénigrement systématique des opposants, dissidents et activistes véhiculée par la propagande de la dictature de Paul Biya depuis 40 ans.
Il faut avec ce type d’actions œuvrer petit à petit à ce que les Camerounais ré-apprennent à respecter les opinions contradictoires (y compris quand ils ne les partagent pas, comme celles de Patrice Nganang), à redonner une noblesse au combat en faveur des libertés mené par certains de leurs compatriotes courageux de la diaspora… que les médias locaux assimilent généralement à des mendiants, des “sans-papiers”, et autres terroristes ne jouissant d’aucune respectabilité à l’étranger.
Cette désinformation soigneusement entretenue puis répandue au Cameroun doit cesser, parallèlement à la fausse perception d’une terreur répressive sans frontière du régime en place, à laquelle ne peut résister aucune autorité ou institution internationale.
L’action judiciaire de M. Nganang arrive au bon moment et mérite ainsi d’être soutenue par tous les défenseurs du respect de la dignité humaine.
Car fondamentalement rien ne peut justifier qu’un client solvable initialement admis par un hôtel de luxe, en soit expulsé quelques minutes après sans aucune explication, sans aucun retrait de la clé de sa chambre, et même sans remboursement de ses frais. Par contre il retrouve les images de son expulsion dans les journaux télévisés du Cameroun, sous des titres et commentaires les plus fallacieux et injurieux.
Cela n’est autre que la confirmation d’une forme de complicité entre l’hôtel intercontinental de Genève et le pouvoir en place au Cameroun, à laquelle peuvent désormais être associés les mauvais traitements infligés aux Camerounais contestataires.
Rarement des personnes non répertoriées comme des délinquants ou des terroristes notoires ont ainsi subi une véritable discrimination au faciès, sur la base des opinions qu’ils auraient émises contre la persistance d’une dictature dans leur pays d’origine.
Ce n’est simplement plus acceptable!
JDE
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L’écrivain Patrice Nganang explique pourquoi il était à l’hôtel Intercontinental de Genève
JE N’AI PAS ACCOMPLI MA MISSION, MAIS C’EST PARTIE REMISE
La question que les gens m’ont le plus posee ici, est pourquoi je suis alle a l’hotel Intercontinental. Cela veut dire que les gens ne savent pas encore ce que c’est qu’un ecrivain. C’est comme les gens me demandaient en 2017, pourquoi je suis alle au Noso, alors que Biya avait declare la guerre. What were you thinking?
La reponse est simple: je suis alle a l’hotel Intercontinental, pour faire mon travail d’ecrivain. C’est-a-dire m’asseoir dans ma chambre, ouvrir mon ordinateur, et ecrire. Descendre, parler avec les gens, decrire. Ecouter les gens, y compris les gardes de Biya, loin de la menace du pays, et ecrire ce qu’ils disent. Il y’a des choses qui sont ecrites, et d’autres qui demeurent en off. Je le sais, et c’est un genre d’ecrire que j’ai pratiquee au Mali, au Burkina Faso, au Rwanda, a La Haye, pour le proces de Charles Taylor, et evidemment au Noso, durant la guerre, ce qui a pousse a mon incarceration.
Quel Camerounais n’a pas encore souhaite savoir ce qui se passe a l’hotel Intercontinental, ce qui y attire Biya, ce qui fait que ce soit l’hotel le plus connu de notre pays, l’hotel pour lequel notre pays est si connu, et est devenu la honte de l’Afrique? Quel Camerounais ne veut pas comprendre? Eh bien, j’avais decide de raconter, de faire mon travail d’ecrivain. Et quel meilleur moment que celui ou, justement dehors, mes compatriotes sont en train de protester, quel meilleur moment pour faire ce travail! Ecrire.
C’est donc partie remise.
Le prix d’une chambre n’est pas cher, en realite – $445, donc notre peuple peut bel et bien se permettre ce prix, pour savoir, pour comprendre, pour voir le coeur de ce qui nous arrive. Comprendre est un enjeu essentiel, et sans comprehension, il n’y a que le noir, l’obscurite.
L’ecriture jete la lumiere sur les choses obscures. La Suisse, avec ses trois langues officielles, le francais, l’anglais et l’allemand, est le genre de confederation pour laquelle les Anglophones chez nous meurent, et sont tues, par Biya qui vient pourtant y passer ses vacances, alors que ce que les Anglophones demandent, c’est exactement ce qu’il apprecie en Suisse.
Voila le noeud. Je vais donc revenir a Geneve, a la prochaine occasion, et c’est a l’hotel Intercontinental que je vais etre, grace a vous, avec notre effort collectif. Pour vous. Pour nous.
Concierge de la république