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Qui est Alpha Condé, le président guinéen que des militaires putschistes affirment avoir capturé ?
La situation est pour le moins confuse, ce dimanche 5 septembre, en Guinée. Des officiers des forces spéciales guinéennes ont en effet affirmé avoir capturé le chef de l’Etat Alpha Condé et « dissoudre » les institutions, mais le ministère de la Défense a pour sa part assuré avoir repoussé l’attaque des forces spéciales contre la présidence, malgré la diffusion d’une vidéo montrant le président Condé entre les mains des putschistes.
Le président guinéen Alpha Condé est un ancien opposant historique qui a fait modifier la Constitution, lui permettant de briguer un troisième mandat controversé, écornant davantage son ancienne image de réformateur et de démocrate.
En 2010, il devient le premier président démocratiquement élu de cette ex-colonie française d’Afrique de l’Ouest, jusqu’alors sous la coupe de régimes autoritaires, voire dictatoriaux.
« C’est extraordinaire que je sois considéré comme un dictateur »
Dix ans après, sa réputation d’opposant intraitable, en exil pendant de longues années, puis embastillé sous le régime du militaire Lansana Conté (1984-2008), est ternie par les accusations d’avoir plongé son pays dans la crise pour s’accrocher au pouvoir.
A 83 ans, cet homme encore svelte qui boîte légèrement, né à Boké (Ouest), issu de l’ethnie malinké, la deuxième du pays, se présente invariablement comme un modernisateur, opposé à l’excision et aux mariages forcés, « candidat des femmes et des jeunes ».
« Je me suis battu pendant 45 ans, j’étais opposant, mes adversaires sont des fonctionnaires qui sont devenus Premiers ministres après avoir mis le pays à terre. C’est extraordinaire que je sois considéré comme un dictateur antidémocrate ! », lançait-il lors de la campagne pour sa réélection en octobre 2020.
Plus de la moitié de la population sous le seuil de pauvreté
Il vante aussi son bilan : réalisation de barrages hydroélectriques, révision des contrats miniers et retour de l’armée dans les casernes, alors que le pays a traversé la pire épidémie d’Ebola de l’Histoire (décembre 2013-2016).
Mais malgré la richesse du sous-sol de la Guinée, plus de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté, avec moins d’un euro par jour, selon l’ONU.
Les ONG comme Human Rights Watch (HRW) dénoncent les conséquences désastreuses qu’a sur l’environnement et les populations la « croissance fulgurante » de l’exploitation de la bauxite, principal minerai permettant la production d’aluminium, dont le pays détient les plus importantes réserves mondiales.
Une contestation réprimée dans le sang
Mais c’est surtout sa volonté intransigeante de faire adopter par référendum une nouvelle Constitution, afin selon ses détracteurs de pouvoir se représenter, qui a divisé le pays.
La répression de la contestation a fait des dizaines de morts. Les défenseurs des droits humains ont accusé de brutalité les forces de sécurité et le régime d’Alpha Condé qui a balayé les « rapports unilatéraux » selon lui d’organisations comme Amnesty International.
Cet orateur habile et érudit qui se réclame de la gauche goûte peu la contradiction.
« Je suis choqué de vous entendre dire que la Guinée n’a pas émergé, je suis choqué, franchement. Je suis choqué ! », a-t-il ainsi pesté tout au long d’une interview en 2018 à des médias français pour le 60e anniversaire de l’indépendance.
En 2017, cet ancien dirigeant de la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France (FEANF) dans les années 1960 retrouvait les accents de sa jeunesse de syndicaliste pour tancer des étudiants qui le chahutaient pour lui réclamer les tablettes informatiques promises pour sa réélection. « Vous êtes comme des cabris : “Tablettes, Tablettes !” », grinçait-il, sautant sur place à pieds joints devant une assistance médusée.
De l’opposition à la répression de l’opposition
Parti en France à 15 ans, Alpha Condé y a obtenu des diplômes en économie, droit et sociologie. Il enseigne ensuite à l’université parisienne de la Sorbonne. Marié trois fois, il est père d’un garçon. Il anime des mouvements d’opposition au régime dictatorial d’Ahmed Sékou Touré, « père de l’indépendance », qui le fait condamner à mort par contumace en 1970.
Il rentre en Guinée en 1991, sept ans après la mort de Sékou Touré, auquel a succédé Lansana Conté. Aux présidentielles de 1993 et 1998, ni libres ni transparentes, Alpha Condé est officiellement crédité de 27 % et de 18 % des voix.
Il inquiète néanmoins Lansana Conté qui le fait arrêter après la présidentielle de 1998 et condamner en 2000 à cinq ans de prison. Sous la pression internationale, il est gracié en 2001. Il reste dans l’opposition après l’avènement de la junte du capitaine Moussa Dadis Camara en 2008.
En 2010, le « Professeur Alpha Condé » est enfin élu, au second tour, après avoir été très nettement distancé au premier par l’ex-Premier ministre Cellou Dalein Diallo.
En 2015, il est réélu au premier tour, loin devant Cellou Dalein Diallo, son principal opposant, qu’il bat à nouveau très largement dès le 1er tour le 18 octobre 2020, selon les résultats officiels contestés par ses adversaires.
En juillet, un élu local de Conakry passé du parti au pouvoir à l’opposition a été condamné à 3 ans et 4 mois de prison ferme pour « offense au chef de l’Etat » après avoir déclaré que seules les armes pourraient le chasser du pouvoir.
Par L’Obs avec AFP