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A Montpellier, Emmanuel Macron annonce la création d’un fonds pour le développement de la démocratie en Afrique
Lors du sommet Afrique-France, le président a par ailleurs affirmé que la France devait assumer « sa part d’africanité » et a annoncé la restitution au Bénin, à la fin d’octobre, de 26 œuvres d’art pillées au palais d’Abomey.
« On ne peut pas avoir un projet d’avenir pour la France si elle n’assume pas sa part d’africanité », a lancé Emmanuel Macron lors du sommet Afrique-France qui s’est tenu vendredi 8 octobre à Montpellier. Soulignant que « près de sept millions de Français sont intimement, familialement liés à l’Afrique », le président a évoqué une « dette » envers « un continent qui fascine le monde entier, qui parfois en effraie d’autres ».
A l’issue de la journée, Emmanuel Macron a fait plusieurs annonces, suivant des recommandations du rapport élaboré par l’intellectuel camerounais Achille Mbembe, chargé de préparer le sommet. D’abord, un « fonds d’innovation pour la démocratie en Afrique », avec une « gouvernance indépendante », doit être créé. Doté de 30 millions d’euros sur trois ans, ce fonds doit aider les « acteurs du changement » notamment sur les questions de gouvernance et de démocratie.
Autre annonce du président : la mise à l’étude d’une « maison des mondes africains et des diasporas », future institution consacrée à l’Afrique, une des autres propositions du rapport Mbembe. Une mission d’étude devra rendre ses propositions dans les six mois. Un fonds d’amorçage doté de 10 millions d’euros sera également créé pour aider des entreprises africaines innovantes du secteur du numérique, dans le cadre de l’initiative Digital Africa de soutien aux start-up africaines. Enfin, la France va aussi mettre en place un fonds pour aider les musées africains à accueillir des œuvres internationales et un programme de soutien aux académies sportives africaines.
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Seul chef d’Etat présent, puisque les dirigeants africains, prévus dans une version initiale du sommet en 2020, n’ont finalement pas été invités, M. Macron s’exprimait devant 3 000 personnes, dont environ 700 jeunes représentants de la société civile africaine.
« Travail de vérité » plutôt que de « honte de soi »
Parmi ces derniers, certains ont bousculé les usages en interpellant le président français plus tôt dans la journée. « La rupture a été voulue par les Africains, il ne faut pas croire qu’elle se décide à Montpellier », s’est d’abord exclamée une jeune Malienne, Adam Dicko. « L’Afrique n’est pas un continent de misère ou de chômage, mais un continent jeune, optimiste, enthousiaste », a-t-elle poursuivi. Sur scène, M. Macron écoutait attentivement, prenant des notes, avant une séance de réponses.
Le blogueur sénégalais Cheikh Fall a ensuite demandé à la France de « demander pardon au continent africain » pour les crimes de la colonisation. « Et cessez de coopérer et collaborer avec ces présidents dictateurs. Et programmez un retrait progressif et définitif de vos bases militaires en Afrique ! », a-t-il lancé au président. Une autre jeune ressortissante du Kenya a quant à elle sommé le président de s’engager à mettre « fin à la Françafrique » et ses pratiques opaques. La France « est elle-même enlisée dans des questions de racisme, et elle vient nous donner des leçons de démocratie ? Nous trouvons ça un peu arrogant », a tancé Adelle Onyango.
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Prenant la parole, le président Macron a reconnu « la responsabilité immense de la France car elle a organisé le commerce triangulaire et la colonisation », mais s’est refusé à demander pardon, privilégiant « un travail de vérité » et non de « honte de soi et de repentance ».
Dans la matinée, il avait déjà été interpellé par une artiste africaine à propos du passé colonial : « L’Afrique est mariée avec la France, un mariage forcé depuis plus de cinq cents ans », lui a-t-elle fait remarquer. Ce à quoi le chef de l’Etat a répondu : « si on reste dans le face-à-face ou le dos à dos, on n’avancera jamais ».
Vingt-six œuvres restituées au Bénin
A Montpellier, Emmanuel Macron a par ailleurs annoncé restituer fin octobre au Bénin vingt-six œuvres d’art pillées au palais d’Abomey à la fin du XIXe siècle, comme la France s’y était engagée en 2018. « On va le faire aussi avec la Côte d’Ivoire », a-t-il ajouté.
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Cette annonce s’inscrit dans le cadre d’un engagement pris en novembre 2018 de restitution de vingt-six œuvres d’art réclamées par le Bénin, provenant du « Trésor de Béhanzin » pillé au palais d’Abomey en 1892 pendant les guerres coloniales. Cette décision faisait suite au rapport des universitaires Bénédicte Savoy, du Collège de France, et Felwine Sarr, de l’université de Saint-Louis au Sénégal.
Les deux spécialistes y avaient posé les jalons pour une restitution à l’Afrique subsaharienne d’œuvres d’arts premiers transférées pendant la colonisation, recensant des dizaines de milliers d’œuvres potentiellement concernées. En décembre 2020, le Parlement français a approuvé la restitution avec transfert de propriété de ces vingt-six pièces au Bénin, aujourd’hui conservées au Musée du Quai Branly-Jacques-Chirac à Paris.
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« Elles seront la fierté du Bénin. Et parce que restituer des œuvres à l’Afrique, c’est rendre accessible à la jeunesse africaine sa culture, ces restitutions seront aussi la fierté de la France », a ajouté M. Macron dans un tweet. Les restitutions d’œuvres d’art pillées à l’Afrique sont un des points saillants de la « nouvelle relation » que le chef de l’Etat français entend nouer avec le continent.
Le Monde avec AFP