Lorsque le 05 juillet 2012 s’ouvre au tribunal de grande instance de Yaoundé centre administratif le procès de Marafa Hamidou Yaya, une foule immense est présente. Un fait rare depuis le début des procès de l’opération Epervier, supposée poursuivre les auteurs de détournements de deniers publics. Et quand l’ancien ministre de l’Administration territoriale est arrivée au tribunal, il a été accueilli en héros :
« Marafa, président ! Marafa, président ! », criait la foule en extase.
Ce jour-là, plusieurs personnes ont exprimé ce qui se disait déjà quelque temps auparavant : Marafa Hamidou Yaya était le probable successeur de Paul Biya à la tête du Cameroun. Mais comment en est-on arrivé là ? tout est parti, comme souvent au Cameroun, de la rumeur. Elle présentait celui qui, après avoir été secrétaire général de la présidence de la République, avait passé une dizaine d’année à l’administration territoriale comme le dauphin de Paul Biya. Rien de bien nouveau sous le soleil camerounais. D’autres, avant lui, avaient eu droit à la même ambition et aux mêmes honneurs. Seulement, dans le cas de Marafa Hamidou Yaya, il y a eu une particularité. Chose rare dans le contexte camerounais, il a assumé son ambition. Donc, il ne s’agissait plus simplement d’une rumeur.
Marafa Hamidou Yaya avait bel et bien (peut-être l’a-t-il toujours) le projet de remplacer Paul Biya à la tête du Cameroun. Quoi de plus légitime en somme, pour un homme politique?
En février 2007, l’ambassade des États-Unis au Cameroun, alors conduite par Niels Marquardt, a fait un passage en revue des successeurs potentiels de Paul Biya. Le rapport de l’ambassadeur américain, revélé plus tard par Wikileaks, intervenait au milieu du deuxième septennat (le dernier selon la constitution à l’époque) de Paul Biya. Les successeurs potentiels étaient classés en cinq grands groupes de personnalités : le successeur constitutionnel, les propres, compétents et bien placés, les corrompus puissants, les chevaux noirs et les leaders de l’opposition.
Marafa Hamidou Yaya apparaissait en deuxième position dans la catégorie des « propres, compétents et bien placés ». Juste après Inoni Ephraim, le Premier ministre de l’époque. Les deux sont aujourd’hui en prison. Sur Marafa Hamidou Yaya, Niels Marquardt écrivait : « Il a de la personnalité, est dynamique et plein d’énergie. Il entretient d’excellentes relations avec les ambassades des États-Unis, de France, Chine, Japon, Royaume Unis, etc. Son intelligence et son efficacité font de lui le meilleur de tous les candidats possibles à la présidentielle. Il est le seul candidat à avoir confié à l’ambassadeur qu’il nourrit cette ambition. Il est aussi le candidat des ambassadeurs européens au Cameroun ».
Et Paul Biya était au courant de cette ambition qu’il n’a pas forcément appréciée. « Avant la convocation du corps électoral pour l’élection présidentielle du 9 octobre dernier, vous m’avez fait recevoir par le Directeur du cabinet civil. Une première ! Celui-ci m’a dit qu’il me recevait en votre nom et que vous vouliez savoir si j’allais me présenter contre vous à cette élection. J’ai été choqué car ce faisant, vous donniez du crédit à la rumeur qui vous avait été maintes fois rapportée selon laquelle j’aurais créé un parti politique clandestin », écrit l’ex-Minatd dans une lettre ouverte au président de la République.
L’ambition de Marafa Hamidou Yaya et son profil de potentiel successeur de Paul Biya à la tête du Cameroun l’ont-ils conduit en prison ? Lui il le pense et il n’est pas le seul. Il a été considéré comme prisonnier politique en 2012, 2013, 2014 par le bureau de la démocratie, des droits de l’homme et du travail du département d’État américain.
Source: Jules Romuald Nkonlak, Le Jour
Camer.be