Ces dernières années, les emprisonnements politiques se sont multipliés au Cameroun.
Lancée dans les années 1990 et réactivée une décennie plus tard, une opération d’assainissement des mœurs publiques baptisée «Epervier» – qui a conduit en prison de nombreux gestionnaires de la fortune publique – a été déviée de son objectif initial, pour servir d’outil d’épuration politique, destinée à éliminer toute personne soupçonnée de s’interroger sur l’alternance au plus haut niveau de l’État.
Les pressions internationales ont récemment abouti à la libération du français Michel Thierry Atangana et de son compagnon d’infortune camerounais, l’ancien ministre Titus Edzoa, après dix-sept (17) ans de détention et deux (02) condamnations pour les mêmes faits de détournement de deniers publics qu’ils ont toujours niés. Les deux ex-prisonniers étaient connus pour avoir porté un projet présidentiel qui avait fait paniquer le pouvoir camerounais.
Les cellules de haute sécurité du Secrétariat d’État à la Défense de Yaoundé abritent encore aujourd’hui de nombreuses personnalités à qui la communauté internationale a reconnu le statut de prisonniers politiques.
Loin des malversations financières qui reviennent systématiquement comme motif de leur condamnation en dépit de la vacuité des dossiers, ces citoyens sont victimes d’une guerre impitoyable menée par le cercle restreint des fidèles de Paul Biya – âgé de 81 ans et au pouvoir depuis 32 ans- pour lui garantir une Présidence à vie, ou, le cas échéant, s’assurer que c’est un membre de son clan familial qui lui succédera.
On cite parmi les victimes de cette répression politique d’anciens ministres et hommes politiques, issus du même groupe ethnique Fang-Beti que Paul Biya: Pierre Désiré Engo, Jean-Marie Atangana Mebara, Urbain Olanguena Awono, Dieudonné Meyomesse, etc. Mais aussi l’ancien ministre de l’Administration territoriale Marafa Hamidou Yaya, membre de l’ethnie Peulh du nord du pays. Perçu comme le plus fiable parmi les successeurs potentiels de Paul Biya par de nombreuses chancelleries occidentales, cet homme de confession musulmane et marié à Jeannette Marafa, une chrétienne du Sud a été condamné en 2012 à 25 ans de prison pour « complicité intellectuelle», dans une affaire de détournement de fonds alloués à l’achat d’un avion présidentiel qu’il n’avait pas eu à gérer. Sa secrétaire particulière Christiane Soppo depuis 25 ans a été assassinée en début d’année.
Cette situation, dans le contexte d’une tribalisation à outrance de la gouvernance porte en elle les germes d’une déstabilisation du Cameroun, et partant celle de la sous-région, eu égard au poids économique de ce pays et de sa situation de grenier et transit maritime pour des pays enclavés comme le Tchad ou la République Centrafricaine. Une déflagration à laquelle la France – avec sa conscience morale – pourrait être appelée à intervenir.
Pour toutes ces raisons il nous a paru urgent de créer le Comité de Libération des Prisonniers Politiques au Cameroun (CL2P); afin notamment d’accompagner la restauration de l’État de droit dans ce pays, puis d’inscrire la transition politique qui s’annonce, inévitablement, dans une optique d’ouverture démocratique et de paix sociale.
Pour le CL2P
René Dassié, Président,
Joël Didier Engo, Porte-Parole