Au Cameroun “protéger nos forêts est notre première urgence climatique”…
Une urgence dans ce pays où la déforestation s’apparente à un véritable crime contre l’Humanité, car commis par des personnalités du sérail politique ou des individus qui leur sont proches.
Il fut ainsi plus aisé au Président Paul BIYA de publier une tribune dans le quotidien Le monde le 31 novembre, dans laquelle ils appelait notamment à «un vrai plan de financement des pays industrialisés», que de faire état de la mafia qui règne dans l’exploitation anarchique des forêts de son pays.
Un exemple parmi d’autres du double discours permanent du régime de Yaoundé en matière de lutte contre la corruption endémique au Cameroun .
Nous nous donnons pour mission de relever et dénoncer toutes ces incohérences qui prospèrent précisément grâce et derrière une épuration politique présentée à l’opinion publique comme une campagne de lutte la corruption au Cameroun.
Le Comité de Libération des Prisonniers Politiques au Cameroun (CL2P)
[spacer style="1"]
Cameroun: Une mafia dans le bois
Par Adolarc Lamissia, Le Jour
Le Syndicat national des exploitants de bois du Cameroun (Synabois) a saisi le MINFOF et dénonce la corruption dans les brigades régionales de contrôle des régions de l’Adamaoua et de l’Est. C’est dans un document de 24 pages hautement détaillé sur les péripéties et divers actes de prévarication que vient de livrer le Syndicat national des exploitants de bois du Cameroun (Synabois) au ministre des forêts et de la faune.
Dans ce document, ils dénoncent énergiquement les pratiques de corruption, l’arnaque, les abus de pouvoir. De même que l’exploitation et la vente irrégulière du bois en intelligence avec des chefs de brigade régionaux de contrôle du Minfof de l’Adamaoua et de l’Est, aussi bien aux nationaux qu’aux étrangers opérant dans la filière bois. Selon les auteurs du mémorandum dont le Jour a eu copie, les deux responsables, avec la complicité des chefs de postes de Garoua-Boulaï, Bonis, Mandjou, Batouri et Ngaoundéré ont instauré une véritable entreprise bien huilée d’arnaque dans les deux régions.« Le bois ainsi exploité frauduleusement est déclaré auprès du chef service régional de la brigade de contrôle forestier de l’Est moyennant une somme de 200.000 FCFA.
Cet acte couvre de ce fait l’exploitant pour le transport du bois jusqu’au poste de contrôle de Mandjou à la sortie nord de Bertoua. Une autre somme de 50.000FCFA est perçue par le chef de poste pour la lettre de voiture utilisée et 50.000FCFA, comme frais de martelage et de signature.
En outre, en date du 15 mai 2015, nous avons surpris 03 camions en chargement de bois Ayous dans la zone de Tikondi, département de la Kadey. Cette zone ne disposant pas de forêt communautaire, nous avions saisi le délégué départemental des Forets et de la Faunes. Ayant déjà perçu la somme de 250.000FCFA du chauffeur, ce dernier a refusé de nous rencontrer. Ce camion va déverser son contenu de 130 m3 sur le site de la société Zakaryaou, transformateur de bois à Bertoua », écrivent les membres du Synabois.
En outre, selon le Synabois, la déforestation actuelle est menée par deux exploitants non camerounais bien connus. « Ils mènent une déforestation quasi industrielle en finançant et en disposant d’un nombre important de machines dans cette zone. Ce qui leur permet d’évacuer en moyenne 4 à 5 camions de 60m3 par semaine à destination du Tchad via Ngaoundéré.
Chaque camion payera la somme de 350.000 FCFA auprès du chef de la brigade régional de contrôle de l’Est », poursuivent-ils. Sur le terrain, les informations contenues dans le mémorandum sont confirmées par les acteurs du secteur bois dans la ville de Bertoua.
«Je vous assure que si cela continue, nous allons dans 10 ans nous retrouver sans forêt. Parce que des fonctionnaires véreux piétinant la règlementation en vigueur pillent nos forêts », explique, noir de colère, Wapou Daniel, transformateur de bois à Bertoua.
Approché par le Jour, Stéphane Wappy, le chef de la brigade régionale de contrôle forestier du Minfof à l’Est parle d’une dénonciation fantaisiste. « Je suis le point focal de la lutte contre la corruption à la délégation régionale du Minfof de l’Est. Je ne pourrais être juge et partie. Il s’agit de personnes aigries », nuance le chef de brigade. Il explique vouloir réglementer le secteur englué par des pratiques non conformes. Ce qui est de nature à aiguiser le courroux des exploitants envers sa personne. « Ils ne sont pas originaire de l’Est, voilà pourquoi, ils ne doivent pas couper du bois. Je ne réponds pas aux fraudeurs », a conclu pour sa part le chef de la brigade régionale de contrôle forestier de l’Est. Il se refusera de commenter toutefois la présence des Tchadiens financiers des forêts communautaires.
Idem pour son collègue de l’Adamaoua qui explique pour sa part n’avoir pas de compte à rendre à un exploitant encore moins à un journaliste. «Je travaille selon la volonté de ma hiérarchie. Je n’ai pas autorisation à parler aux journalistes », a affirmé Yves Kendam, le chef de la brigade régionale de contrôle du Minfof pour l’Adamaoua. Joint au téléphone par le Jour, Denis Koulagna Koutou, le Sg du Minfof, a confirmé l’existence du mémorandum écrit par les syndicalistes du secteur bois au Cameroun. Selon lui, une enquête est dirigée par la brigade nationale du contrôle du Minfof ainsi que par l’inspection générale des services et le président de l’initiative à résultat rapide (Irr) du Minfof.
Argument soutenu par le délégué régional du Minfof pour l’Est. «Je ne l’ai pas reçu donc je ne ferai pas de commentaire. Je crois que les signataires de ce document sont de mauvaise foi. J’ai toujours répondu à leur dénonciation et j’ai toujours conseillé aux acteurs de la filière bois de faire la dénonciation au moment des faits.
Après, ça devient difficile pour nous d’établir la vérité entre les déclarations des accusés et des accusateurs », affirme Djogo Toumouksala, le délégué régional du Minfof de l’Est.
Omerta
La dénonciation du Syndicat national des exploitants de bois du Cameroun (Synabois) porte également sur la déforestation à outrance des forêts de l’Est par les Tchadiens avec la complicité de la brigade régionale de contrôle du Minfof à l’Est. Aujourd’hui, près d’une cinquantaine de tronçonneuse ont été inventoriées par les responsables du syndicat dans les villages de la région de l’Est. Avis que partagent les responsables des structures de transformation de bois installé à Bertoua. « Notre combat aujourd’hui est de mettre fin au quitus de coupe qu’octroie le label des forêts communautaire et des massifs forestiers. Au pire, de le règlementer, avec des règles plus contraignantes.
Parce que c’est avec cette étiquette que les Tchadiens viennent s’accaparer de notre bois. Ils n’achètent pas seulement. Ils coupent et de manière anarchique. Et nous autres, nous sommes inquiets de la manière dont ils coupent nos bois dans les forêts », s’indigne Alhadji Hassan Adamou, responsable d’une unité de transformation de bois à Bertoua. Pour lui, le combat du Synabois doit intégrer ce volet. « Nous payons les impôts et taxes, mais eux, rien du tout !», s’indigne-t-il.
Dans les villages de la Kadey, l’exploitation clandestine a été officialisée selon le Synabois par le chef de la brigade régionale de contrôle du Minfof à l’Est et le délégué départemental des forêts et de la faune de la Kadey à Batouri.
Dans cette déforestation, les villages Kamba Mairy, Koba, Gemion et Bandangoué sont les plus touchés par cette coupe illégale. « Des camions sont évacués grâce à la perception par le chef de brigade de contrôle et les chefs de postes forestiers des localités citées des sommes allant de 250.000 à 350.000 FCFA. Une fois cette somme versée, les trafiquants de bois peuvent alors obtenir auprès des transformateurs locaux une lettre de voiture pour blanchir le bois », peut-on lire dans le pamphlet.
Selon les explications des membres du Synabois, dans une lettre antérieure adressée à Stéphane Wappy, chef de la brigade régionale de contrôle forestière de l’Est. Ce dernier avait promis au cours d’une réunion qu’il changerait les habitudes. Malheureusement, la corruption va s’installer à la délégation régionale des Forets et de la Faunes une fois après avoir pris fonction en qualité de chef de la brigade régionale de contrôle forestier de l’Est. « Nous sommes surpris que le mémorandum envoyé par nos soins au ministre et au président de la cellule Irr du Minfof se retrouve entre les mains du chef de la brigade qui les distribue dans la ville et tance les signataires de cette dénonciation.
En tout cas, le Synabois fait confiance au ministre et à sa cellule Irr qui a d’ailleurs fait ses preuves par le passé », pense Abba Alim, le président national du Synabois. Et de conclure que : « Notre objectif ne vise pas un individu mais d’éradiquer la corruption dans le secteur du bois.
Comme vous avez lu dans le mémorandum, la dénonciation était de façon élargie et précise ce qui veut dire tout simplement que les opérateurs du secteur bois dans notre pays veulent en finir avec la corruption et accompagner le gouvernement dans la professionnalisation du secteur forestier et bois au Cameroun ». Pour répondre à ses détracteurs, il se targue d’avoir le soutien de l’Inspecteur général des services du Minfof, ainsi que du chef de la brigade nationale de contrôle. « Il y a eu contrôle ici il y a quelques jours et nos patrons sont fiers du travail fait par moi. J’ai les meilleurs statistiques de saisie et de vente aux enchères de bois », dit-il.
En tout cas, la campagne actuelle lancée par les membres du Syndicat national des exploitants du bois du Cameroun visant à dénoncer tout acte de corruption dans la filière commence à porter ses fruits. Jeudi dernier,le procureur de la république près les tribunaux de Ngaoundéré, a auditionné dans son cabinet Yves Kendam, le chef de la brigade régional de contrôle forestier de l’Adamaoua pour trafic de bois, corruption et arnaque.
Les prochains jours s’annoncent fort en rebondissements dans ce feuilleton qui ne fait que commencer.
Adolarc Lamissia, Le Jour