Abidjan – Le chef de l’Etat ivoirien Alassane Ouattara a décidé de gracier 3.100 détenus politiques issus de la crise postélectorale de 2010.
Annonce faite dans son traditionnel discours à la nation à la veille du Nouvel An 2016.
“J’ai décidé d’user de mon droit de grâce en procédant à des remises totales et partielles de peines. Cette décision permettra à des milliers de détenus de recouvrer immédiatement la liberté et à d’autres de voir leur peine réduite. Il s’agit au total de 3.100 personnes”, a déclaré le président, réélu dès le premier tour (avec 83,66% des suffrages) en octobre pour un nouveau mandat de 5 ans.
“J’invite donc tous mes concitoyens à saisir cette nouvelle opportunité en vue d’un rassemblement de la nation et de la consolidation de la paix”, a ajouté M. Ouattara qui a une nouvelle fois réitéré sa volonté d’organiser un référendum constitutionnel pour 2016 et promis de lutter contre la pauvreté et le chômage des jeunes.
Alassane Ouattara a toujours été accusé par l’opposition de diviser les ivoiriens en les catégorisant, de pratiquer le rattrapage ethnique et tribal qui fait la part belle aux ressortissant du Nord, et pratiquer une justice à sens unique ou justice des vainqueurs où seuls les partisans du Président Laurent Gbagbo sont mis en prison.
Plusieurs analystes politiques et les ONG des droits de l’homme comme Amnesty international abondent dans le même sens et tirent constamment la sonnette d’alarme sur une justice à sens unique dans laquelle les partisans d’Alassane Ouattara, coupables de crimes de sang, ne sont jamais inquiétés.
Une présidentielle controversée et non crédible émaillée de fraudes dans ce pays, premier producteur mondial de cacao et poids lourd économique d’Afrique de l’Ouest, n’a malheureusement pas permis de tourner définitivement la page des violences meurtrières qui ont fait 3000 morts après le refus d’Alassane Ouattara de reconnaître la victoire de son rival Laurent Gbagbo à l’élection présidentielle de 2010.
Laurent Gbagbo lui-même dira : « C’est celui qui a perdu qui crée des troubles ».
Quelque 70 prisonniers politiques ont été libérés en 2015 selon un décompte de la presse locale.
Jeudi, Sébastien Dano Djedjé, un ancien ministre proche de Laurent Gbagbo, a bénéficié d’une mesure de liberté provisoire après sept mois de détention pour avoir affiché son soutien à l’ex-président ivoirien poursuivi par la Cour pénale internationale (CPI).
Danon Djdjé “discrédit sur une décision de justice, violence et voies de faits sur les forces de l’ordre, rébellion et atteinte à l’ordre public”.
En réalité, Dano Djedjé est poursuivi pour avoir organisé le Congrès du Front populaire ivoirien en 2015 à Mama, village natal du Président Laurent Gbagbo, lequel a été élu à la tête du parti alors qu’Affi N’guessan, accusé de collusion avec le régime Ouattara, en a été exclu. Ce dernier dirige une frange du front populaire ivoirien jugée très minoritaire eu égard à son score de 9% avec un très faible taux de participation de 11% à la dernière élection présidentielle.
Alassane Ouattara a été déclaré élu président dès le premier tour avec un score à la soviétique de 83,66%, avec le même taux de participation.
Laurent Gbagbo est écroué depuis fin 2011 à La Haye, où il doit être jugé par la CPI pour des “crimes contre l’humanité” présumés commis lors de la crise postélectorale de 2010-2011.
La crise post-électorale de 2010 a fait plus de 3.000 morts en cinq mois de violences, 15000 morts selon d’autres sources.
“Le plus important c’est que ce qu’il a annoncé soit effectif”, a réagi Désirée Douati, la présidente des femmes et famille de détenus d’opinion de Côte d’Ivoire (AFFDO-CI), auprès de l’AFP.
Séri Gouagnon, membre du parti de Gbagbo a dit sa déception après la grâce présidentielle : “On est particulièrement déçus, en utilisant l’article 45 (droit de grâce), ce sont les prisonniers de droit commun qui vont être graciés mais quant aux prisonniers politiques, cette grâce ne résout pas le problème”.
Eric Lassale – IvoireBusiness