Acteur de la Tripartite qui a fécondé la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996, il témoigne.
La Constitution de 1996 et les amendements qui ont suivi doivent se lire sous le prisme de la source de leur légitimité, à savoir la Déclaration de la Tripartite du 17 novembre 1991.
Dans une République exemplaire, ladite déclaration aurait un statut de compromis républicain dont les effets politiques seraient un pacte entre les protagonistes signataires. Pour nous qui avons été partie prenante de cet épisode crucial de notre vie politique, nous nous devons de faire savoir au peuple camerounais que les écarts qui ressortent tant dans l’esprit, que dans la lettre entre la Déclaration d’une part, la Constitution et les amendements qui ont par la suite été ingénierisés par le président Biya d’autre part, sont une manifestation de la malhonnête en politique, toute chose qui mérite sanction.
Qu’on en juge.
En 1991, le président Biya avait littéralement perdu le pouvoir. Le peuple camerounais lui exprimait sa défiance par les villes mortes, une grève générale qui n’en finissait pas depuis six mois. Ce sont les principes énoncés dans la déclaration de la Tripartite et que le gouvernement recevra mandat d’implémenter par une refonte de la Constitution, qui ont convaincu le peuple d’arrêter un mouvement qui avait démontré l’impuissance du régime.
Ce principe formellement explicité comportait entre autres: l’instauration d’un régime semi-présidentiel avec un Premier ministre chef du gouvernement; l’instauration d’une véritable séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire; la limitation du mandat présidentiel à cinq ans renouvelable une seule fois. Après que le peuple eut baissé sa pression, croyant que le président de la République allait matérialiser ce pacte républicain, ce dernier n’a eu de cesse par des amendements successifs au fil des années, d’en violer systématiquement l’esprit.
En renforçant plutôt la présidentialisation du régime au point où le Cameroun vit désormais une véritable dérive autoritaire aux relents d’un absolutisme présidentiel ; En diluant les pouvoirs législatif et judiciaire dans ceux du président de la République, au point de s’arroger le droit de nommer le tiers des membres de la chambre haute du pouvoir législatif entre autres ; En rallongeant le mandant présidentiel de cinq à sept ans ; Et en levant la limite du nombre de mandats présidentiels, une manière d’assouvir sa soif inextensible d’un pouvoir absolu et à vie.
Ce viol systématique de l’éthique républicaine tire son ressort d’une dimension personnelle et d’un unique agenda : satisfaire un insatiable appétit du pouvoir. Sauf le respect dû à la fonction présidentielle et à l’âge biblique be cujus, qu’importe ce que les limites naturelles des capacités coûtent au Cameroun…
© Mutations : Propos Recueillis Par Yannick YEMGA