Plusieurs représentants d’associations ayant en commun la défense des droits de l’homme se sont retrouvés ce jour samedi 23 janvier 2016 à Bruxelles, la capitale belge au sujet de l’affaire de Monsieur Marafa Hamidou Yaya.
L’objectif de la rencontre était de coordonner leurs efforts en faveur de la libération de l’ancien ministre d’Etat camerounais chargé de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, injustement détenu au Secrétariat d’État à la Défense de Yaoundé depuis plus de trois ans.
Ont pris part à cette rencontre:
Des membres de l’Action solidaire pour Marafa (ASMA), basée à Bruxelles
Des membres Cercle Belgo Africain pour la Promotion Humaine (CEBAPH) basée à Bruxelles
Des membres de l’Association pour la Promotion de la Justice et de l’éducation (APJE) basée à Bruxelles
Des membres du Cercle des amis de Marafa (CERAM) basé à Paris
Des membres du Comité de Libération Des Prisonniers Politiques (CL2P) basé à Paris
D’autres sympathisants de la cause de l’ancien ministre d’État basés aux États-Unis ont pris part à cette rencontre, par visioconférence.
Les participants ont débattu sur les ponts suivants:
– Le rappel de la situation judiciaire de Monsieur Marafa Hamidou Yaya
– Le point sur son statut de prisonnier politique
– Les actions communes à mener en faveur de sa libération
Sur le premier point à l’ordre du jour
Après un exposé succinct de l’affaire, les participants ont retenu que Monsieur Marafa Hamidou Yaya est victime d’une cabale politico-judiciaire, dont le seul but est de l’éliminer de la course à la succession du président Paul Biya.
Il a ainsi rappelé que le 23 septembre 2012, l’ancien ministre d’Etat qui jouit d’une grande popularité au Cameroun a été condamné à 25 ans de prison, officiellement pour «complicité intellectuelle de détournement de fonds» alloués à l’achat d’un avion pour le président Paul Biya.
Or, ont constaté les participants, ce motif n’existe pas et n’a jamais existé en droit camerounais. Le juge avait d’ailleurs lui-même reconnu que l’ancien ministre n’avait pas eu à gérer un seul centime des fonds alloués à l’achat de l’avion cité et qui auraient prétendument été détournés.
Un participant a relevé que le successeur de Monsieur Marafa au Secrétariat général de la Présidence camerounaise, Monsieur Jean-Marie Atangana Mebara, a été à son tour poursuivi et condamné pour les mêmes faits, condamnation que vient de confirmer la Cours Suprême. Or si le successeur du Monsieur Marafa Hamidou Yaya a été en mesure de détourner ces fonds, c’est bien la preuve que l’argent étaient disponibles et n’avaient pas été détourné par Marafa Hamidou Yaya.
Un autre a rappelé qu’en réalité, au moment de l’arrestation de Monsieur Marafa, tout le contentieux relatif à l’achat de cet avion avait été définitivement soldé depuis fort longtemps. Le tribunal de l’Oregon aux États-Unis, saisi par le Cameroun, avait en effet rendu une sentence arbitrale en 2006, c’est à dire six ans avant l’arrestation de l’ancien ministre, condamnant la société GIA Internationale qui avait servi d’intermédiaire entre l’État du Cameroun et Boeing dans les transactions pour l’achat de l’avion, et qui avait reçu les fonds, à remettre à l’Etat du Cameroun, pour solde de tous compte un Boeing 767-300 et 800 000 dollars. Cette sentence arbitrale précisait qu’aucune des parties impliquées dans le dossier ne ferait plus de poursuites. Lors d’une conférence de presse qu’il avait donnée à Yaoundé en 2014, l’avocat du Cameroun devant le tribunal de l’Oregon, le Bâtonnier Akere Muna, avait reconnu que le gouvernement camerounais avait bel et bien réceptionné l’avion et perçu l’argent.
Cette absence d’élément matériel doublé du mépris de l’autorité de la chose jugée prouvent à suffire que la justice camerounaise a été instrumentalisée pour mettre hors d’Etat de nuire un homme dont le seul tort est d’avoir manifesté son souhait de porter un projet d’alternance politique ambitieux pour son pays.
Les participants ont noté sur ce point que les malheurs du Ministre Marafa ont en réalité commencé au moins en 2010, c’est à dire deux ans avant son arrestation, et sont liés aux fuites d’informations mondiales connues sous le nom de Wikileaks.
En effet, dans le volet camerounais de ces révélations qui ont secoué beaucoup de pays dans le monde, un câble diplomatique daté de 2008 et envoyé au Département d’Etat américain par Mme Janet Garvey, alors ambassadrice des Etats-Unis au Camerounais, relatait une conversation qu’elle avait eue avec Monsieur Marafa Hamidou Yaya, alors ministre chargé de l’Administration territoriale et de la Décentralisation.
L’ambassadrice lui avait alors demandé s’il n’envisageait pas un jour d’être candidat à la l’élection présidentielle. C’était avant la révision constitutionnelle de 2008, qui a permis à Paul Biya, atteint par la limitation des mandats de se représenter.
Monsieur Marafa lui avait alors indiqué qu’il n’excluait pas cette éventualité, au cas où toutes les conditions seraient réunies.
Dès la publication de cette conversation, le ministre Marafa était devenu un homme à abattre de la part des membres du clan présidentiel, pour avoir confié de la sorte ses ambitions présidentielles.
Monsieur Marafa sera ainsi l’objet d’attaques et vexations diverses de la part des proches de Paul Biya, qui le soumettront à un matraquage systématique dans les médias. C’est dans ce contexte que le ministre de la Justice de l’époque, Monsieur Amadou Ali, prendra à son encontre une mesure d’interdiction de sortir du territoire.
Nul ne fut donc surpris qu’après son départ du gouvernement, et au regard de l’accueil populaire qu’il reçut à Garoua, sa ville natale dans le nord du Cameroun, le gouvernement ne ressorte une affaire d’achat d’un avion présidentielle vieille de dix ans pour le jeter en pâture auprès de l’opinion camerounaise et justifier son arrestation.
Alors que toutes les autres personnalités interpellées dans les mêmes conditions ont attendu des années pour être jugées, le procès de Monsieur Marafa qui s’est ouvert quatre mois après son arrestation, en août 2012, a connu une célérité inédite.
Les participants ont également noté que cette volonté d’écarter Monsieur Marafa de la compétition politique se poursuit dans l’attitude actuelle de la Cour Suprême du Cameroun, caractérisée par un incompréhensible dilatoire.
Dès sa condamnation en septembre 2012, Monsieur Marafa avait en effet déposé un recours en annulation devant la haute juridiction qui siège à Yaoundé.
Après trois ans, la Cour Suprême camerounaise qui doit examiner dans un délai de six (6) mois tous les pourvois qui lui sont soumis n’a toujours par rouvert le dossier de Monsieur Marafa.
Un participant a évoqué l’état de santé très préoccupant de Monsieur Marafa, qui a été hospitalisé plusieurs fois depuis son incarcération, sans obtenir de soins adéquats. Il a rappelé que le gouvernement camerounais avait simplement ignoré sa demande d’évacuation sanitaire, alors que tous les médecins qui l’ont examiné au Cameroun sont unanimes à reconnaître qu’il doit bénéficier d’examens et de soins poussés que n’offrent malheureusement pas les hôpitaux camerounais.
Dans le même contexte a souligné un autre participant, Monsieur Marafa est détenu dans un camp militaire et ses proches sont régulièrement soumis à toutes sortes de tracasseries administratives lorsqu’ils souhaitent le rencontrer.
Il a ainsi rappelé qu’en juillet dernier, Aïssatou Marafa, une des filles de l’ancien ministre qui vit et étudie à Paris et qui n’avait pas revu son père depuis son arrestation n’avait pas été autorisée à lui rendre visite, alors qu’elle s’était expressément rendue au Cameroun pour cela.
Les participants ont terminé le premier point de l’ordre du jour par un sujet d’une gravité exceptionnelle : l’assassinat le 26 janvier 2014 de Madame Christiane Soppo, l’assistante de Monsieur Marafa.
Madame Soppo qui a exercé ses fonctions pendant plus de 20 ans auprès du ministre a été torturée puis assassinée avec une extrême cruauté.
Le caractère politique de cet assassinat n’a jamais fait l’ombre d’un doute.
L’interpellation publique du président Paul Biya par Monsieur Marafa dans sa lettre du 24 mars 2014 n’a reçu aucune réponse.
Par ailleurs, l’enquête annoncée par les autorités de Yaoundé est au point mort.
Dans sa recherche du bouc émissaire idéal, la police camerounaise a arrêté arbitrairement un jeune réfugié rwandais qui a été libéré au bout de trois mois de détention sous la pression du HCR.
Sur le deuxième point à l’ordre du jour
Les participants ont noté avec satisfaction que la communauté internationale a reconnu Monsieur Marafa Hamidou Yaya prisonnier politique.
Ils ont noté que les Etats-Unis, pays où toutes les transactions relatives à l’achat de l’avion du président camerounais avaient eu lieu avaient ouvert la voie à cette reconnaissance, en menant leurs propres investigations sur la trajectoire prise par les fonds débloqués par l’Etat camerounais pour l’achat d’un avion présidentiel.
Conduites par le Département d’Etat américain notamment auprès de l’avionneur Boeing chargé de construire l’avion et auprès de la société GIA qui a servi d’intermédiaire pour l’achat, ces investigations avaient totalement blanchi Monsieur Marafa.
D’où la reconnaissance de son statut de prisonnier politique, régulièrement signalé dans les différents rapports sur les droits de l’homme dans le monde, publiés par Département d’Etat américain.
Les participants ont également relevé avec satisfaction l’appel à la libération de Monsieur Marafa lancé par l’Internationale Socialiste, qui a adopté une résolution sans équivoque dans ce sens, lors de son Conseil qui s’est tenu au siège des Nations-Unies à New York, les 6 et 7 juillet 2015.
Les participants ont enfin noté sur ce point que le maintien en prison de Monsieur Marafa, dont l’innocence a été amplement démontrée contribuait à ternir l’image du Cameroun dans le monde, en lui faisant la mauvaise publicité d’un pays qui ne respecte ni ses propres lois ni les droits de l’homme.
Sur le troisième point à l’ordre du jour
Les participants ont manifesté leur volonté d’agir ensemble et vigoureusement en faveur de la libération de Monsieur Marafa Hamidou Yaya.
Pour cela, ils ont décidé:
De mettre sur pied une plateforme commune. Celle-ci permettra de coordonner toutes les actions et manifestations en vue de sensibiliser l’opinion camerounaise et internationale sur les violations des droits de Monsieur Marafa Hamidou Yaya.
De saisir à travers cette plateforme toutes les organisations internationales des droits de l’homme, les organisations régionales et mondiales d’Etats comme l’ONU, l’Union Africaine, l’Union Européenne, au sujet de l’affaire de Monsieur Marafa Hamidou Yaya
D’organiser toutes manifestations de nature à sensibiliser l’opinion publique camerounaise et internationale au sujet des violations répétées des droits de Monsieur Marafa Hamidou Yaya.
D’interpeler directement le président Paul Biya au sujet de cette affaire.
D’appuyer toutes les initiatives en faveur de la libération de Monsieur Marafa.
Pour le CL2P
Joël Didier ENGO
Président du Comité pour la Libération des Prisonniers Politiques (CL2P)