NUIT CARNIVORE
Il est 3h du matin et je suis éveillé.
Je m’étais pourtant endormi plus tôt qu’à l’accoutumée, mais rien n’y fait : ces images me hantent. Celles d’une femme éventrée à même le sol dans un hôpital d’Afrique, du Cameroun mon pays natal, devant une porte de maternité. J’ai beaucoup de mal à comprendre et mon subconscient ressasse encore et toujours le drame d’une femme éventrée au seuil d’une porte d’hôpital.
Comment est-ce possible en 2016 au Cameroun ? Comment imaginer qu’après 34 ans de pouvoir un homme, le président Paul Biya eut failli à octroyer le minimum vital en matière de santé à son peuple ? Comment admettre qu’il n’y ait aucune sécurité sociale dans mon pays dont l’indice de développement humain plafonne à 0,4 plus de 30 ans après qu’il nous ait vendu le rêve du renouveau ?
Dans cette nuit noire, j’entends dans le silence assourdissant les cris des nos morts ; j’entends l’horreur effrayée de 2 fœtus qui se battent pour leur survie dans un univers sombre et glauque, au bout de 7 mois d’espérances et j’imagine l’effroi mêlé d’impuissance qu’ils ont dû éprouver face à cette enveloppe protectrice qui s’est transformée en tombe ; cette enveloppe censée les protéger et les nourrir jusqu’à ce qu’ils voient la lumière du jour et qui les a étouffés. Cette lumière du jour, ils ne la verront définitivement pas, même si l’un des deux jumeaux , a cru entr’apercevoir quelques filets de lumière au milieu d’un brouhaha et de gesticulations effrénées à la fois d’une âme charitable muée en chirurgien d’un jour et de badauds aux téléphones qui s’épouvantaient en se délectant d’un voyeurisme dont seuls sont capables les possesseurs stupides de ces nouvelles technologies qui se transforment en complices involontaires d’une hideuse réalité. Et je m’interroge…
COMMENT EN SOMMES-NOUS ARRIVES LA ?
Je me demande comment nous en sommes arrivés là. Je peine à comprendre ce que le peuple kamerunais a fait pour mériter des dirigeants aussi froids, implacables et autistes , un régime aussi bien impitoyable qu’incompétent, une élite politique à la gestion calamiteuse, un ballet successoral de gouvernements d’imposteurs. Des incompétents disais-je ? Oui, mais pas que.
Car à l’absence de propositions structurelles bénéfiques aux populations, j’entends des hurluberlus affamés qui scandent des hymnes à la candidature, des appels au tortionnaire en chef qui leur dénie tout avenir depuis plus de 3 décennies.
De la part des zélateurs du régime qui en attendent les prébendes par le biais de marchés publics, de collusions de circonstances, je n’en attends pas moins. Venant même des élites égoïstes qui préfèrent le statu quo délétère à des lendemains potentiellement désenchantés à cause des troubles supposés à leur tranquillité, je puis comprendre : Il est vrai que leurs intérêts sont saufs et l’immobilisme est la garantie même du contrôle social et qui dispose de cet atout peut prospérer en paix. Le sociologue Jean Baudrillard pensait que la télé était le «contrôle social à domicile» ? Eh bien moi, je pense que c’est plutôt l’illusion de paix qui contrôle socialement le peuple. Les dictatures l’ont bien compris qui vous brandissent constamment les conséquences de l’insécurité pour mieux peser sur nos consciences. Rien de tel que le spectre de la guerre pour calmer le peuple belliqueux et susciter sa résilience qui n’est ni plus ni moins qu’un renoncement à sa liberté et son épanouissement.
Et alors, les conflits d’intérêts rencontrent aisément les égoïsmes primaires d’une caste d’affairistes qui représentent moins de 1% de la population Camerounaise toutes régions confondues et là, j’entends insister sur CE POINT ESSENTIEL que les partisans du « SUR PLACE » ne viennent pas d’une seule région du Cameroun, mais toutes les régions disposent de potentats locaux qui se battent pour la pérennité de ce régime au sein duquel ils ont réussi à se saisir des zones d’incertitudes pour en faire des opportunités de profit ; ces marges de liberté leur permettent aisément de concilier leur besoin de reconnaissance avec un dépouillement des finances (le plus souvent publiques), garant de leur rayonnement régional.
Ce que je comprends moins, c’est le silence, le mutisme de la classe politique non directement apparentée au régime de Yaoundé, dite de l’opposition. Comment imaginer le silence des intellectuels, des partis politiques, et de fait le manque d’engagement de la population ? « C’est dans le vide de la pensée que s’inscrit le mal » disait Hannah Arendt ? Eh bien, absence de sens il y a, depuis des années au Kamerun.
Pour beaucoup moins que ça, à savoir le drame de l’assassinat d’une mère et de ses enfants (car c’est bien de cela qu’il s’agit et ceci quels que soient les arguments de défense avancés par les autorités), des révolutions ont vu le jour, ailleurs dans le monde, en Russie impériale, en France, en Tunisie, au Burkina Faso…au nom de la liberté des peuples.
Chaque génération doit saisir des opportunités de changer son destin. Pour emprunter à Frantz Fanon dans les damnés de la terre, « Chaque génération doit, dans une relative opacité découvrir sa mission, la remplir ou la trahir ».
Et laisser un régime aussi inconséquent continuer à piétiner la dignité des hommes et femmes à qui ils doivent leur légitimité est INACCEPTABLE ! Ce régime doit rendre des comptes et de manière exemplaire et radicale.
L’autre supercherie de cette équipe clientéliste tient au fait que ce gouvernement de criminels a exclu de la communauté nationale 1/5 de sa diaspora en utilisant des artifices à la juridicité apocryphe par le biais des textes sur la double nationalité qui empêchent des millions de Kamerunais d’exprimer légalement leur droit à la représentation et à la représentativité. Ainsi, ils s’assurent que les nationaux ne peuvent se soulever et les diasporés ne peuvent être éligibles.
Dans ces conditions, ils peuvent dormir en paix. Il leur suffit dès lors de pacifier le pays intérieur et recevoir les investissements des seconds qui ne leur disputeront jamais leur place. Comme le dit si bien Hannah Arendt dans « les origines du totalitarisme»: « Les mouvements totalitaires avaient moins besoin de l’absence de structure d’une société de masse que des conditions spécifiques d’une masse atomisée ».
IL EST TEMPS POUR LE PEUPLE KAMERUNAIS DE PRENDRE SON DESTIN EN MAINS !!!
Ma longue réflexion m’a amené à la conclusion qu’il n’y aura pas de transition démocratique chez nous avant longtemps. Il y aura pérennité d’un système car ne nous voilons pas la face, Paul Biya n’est dorénavant qu’un vieillard sénile dont la présence ne sert qu’à maintenir intactes les forces en présence, en situation de veille permanente. Il est impotent mais sa présence permet aux véritables maîtres d’œuvre d’effectuer leurs basses besognes d’enrichissement insolent et de perpétuation de leur position dominante.
Cependant, ils étendent leurs emprises sur les populations qui leur reconnaissent désormais une notabilité et une respectabilité à la hauteur de leurs immenses fortunes. Ainsi règnent les dictatures. A la fois par une prescience sur les esprits et une domination matérielle qui empêche toute contestation légale du bienfondé de leur légitimité.
Cette dernière devient contraignante puisqu’elle trouve désormais son fondement dans l’esprit de ceux qui subissent le joug de la domination.
Or ces dominants sont des êtres craintifs qui ne redoutent qu’une chose : le réveil des opprimés, la conscience de leurs serviteurs. De fait, la conscience de l’oppressé est la terreur subconsciente de l’oppresseur !
Une fois que les premiers se saisissent de leur destin, ils font tomber les royaumes, les empires et redeviennent maîtres de leur destin. Ici interviennent les leaders. Ce sont ceux qui doivent montrer la voie car le peuple bigarré doit pouvoir suivre des êtres éclairés. Ce sont ces derniers qui donnent sens au combat du peuple. En eux, ce dernier s’identifie et est prêt à donner sa vie pour conquérir sa liberté et atteindre l’idéal.
TANT QUE LES LEADERS POLITIQUES KAMERUNAIS SERONT CRAINTIFS ET PUSILLANIMES, TANT QU’ILS SE MONTRERONT LOUVOYANTS, AUCUN COMBAT POUR LA LIBERTÉ N’ABOUTIRA !!!
DE L’IMPÉRIOSITÉ D’UNE FÉDÉRATION DES FORCES ALTERNATIVES
AUCUN PARTI POLITIQUE DE L’OPPOSITION NE RÉUSSIRA SEUL ! ET CERTAINS NE PEUVENT EXIGER D’AUTRES PARTIS QU’ILS SE FONDENT DANS LES LEURS CAR CETTE ATTITUDE D’ARROGANCE REFLÈTE TOUS LES TRAVERS DES PAYS AUTOCRATIQUES. Au Bénin, il y a eu 36 candidatures validées sur les 48 initiales à l’élection présidentielle et 2 seront au prochain tour. Autrement dit, l’approche la plus réaliste consiste d’abord à s’allier aux autres et non s’imposer à eux, forts d’une supériorité de façade qui ne trouve aucun fondement intellectuel, sociologique, ni politique. LCN en mon nom est disposé à participer aux coalitions réfléchies qui auront pour ligne de fond UNE ALTERNANCE SOLIDE ET CONSTRUCTIVE, UN VÉRITABLE PROJET SOCIAL !!! LE PROGRAMME POLITIQUE, NOUS L’AVONS DÉJÀ DEPUIS 2010 ! A condition de nous accorder notre vraie place au fronton de propositions d’idées pour un KAMERUN qui gagne. Jamais aucun pays au monde ne s’est développé sans sa diaspora. La Chine moderne s’est même faite en grande partie depuis sa conversion au capitalisme keynésien dès 1997, date qui coïncide structurellement avec le départ des Anglais de Hong-Kong.
LA FIN DE LA TYRANNIE
Le régime Biya tire vers sa fin, c’est inéluctable. Il y a des signes précurseurs qui ne trompent pas et qui témoignent d’un tournant historique. Déjà, au sein du sérail, des frémissements s’exacerbent, des nervosités apparaissent, des violences internes s’exercent au détriment même de ceux qui en ont écrit les meilleures pages. D’après Hannah Arendt, « si les civilisations naissent et meurent, si de puissants empires et de grandes cultures déclinent et sombres SANS catastrophes extérieures-et bien souvent ces « causes » extérieures sont précédées d’un pourrissement interne moins visible qui appelle le désastre -, c’est en raison de cette particularité du domaine public qui, reposant finalement sur l’action et la parole, ne perd jamais complètement son caractère potentiel »
Il incombe donc aux intellectuels du Kamerun, aux hommes politiques, aux leaders de montrer la voie, de monter en première ligne pour montrer au peuple que c’est possible. La politique est un combat et si ce rapport de forces devait s’exprimer, c’est dans ce moment charnière de notre destin qu’il faut saisir l’opportunité de changer le cours des choses : VOUS ATTENDEZ QUI ??? VOUS ATTENDEZ QUOI ???
Sinon, alors, oui, je ferai le constat qu’il n’y a plus aucun espoir, le peuple est devenu lâche et le régime, même après Biya aura encore de longues années de vaches grasses et d’auto glorification ; la reproduction sociale pourra se perpétuer sans encombres…et d’y penser…m’empêche de dormir.
Prof. Georges Minyem
Président du LCN (LE CAMEROUN NOUVEAU)
Source : georgesminyem.com