Au lendemain d’élections au Bénin, Niger et Congo-Brazzaville, où Sassou-Nguesso a verrouillé tout espoir d’alternance, la France brille par son absence. Omniprésente sur la sécurité, elle laisse à l’abandon la politique et la diplomatie.
Dimanche 20 mars était un jour d’élections en Afrique, second tour au Bénin et au Niger, premier au Congo-Brazzaville. Avec des réalités très diverses selon les pays, l’implication de l’ancienne puissance coloniale a une fois de plus été au cœur des préoccupations des votants. Au Bénin, où Patrice Talon devrait s’imposer largement, l’éventualité même de l’élection du Franco-Béninois Lionel Zinsou, intime de Laurent Fabius, laissait présager des troubles politiques. Au Niger, la présence de bases militaires françaises a aussi joué un rôle dans les débats d’une drôle d’élection où le principal opposant a fait campagne en prison où il était retenu pour une affaire inextricable de trafics d’enfants. Une omniprésence de la France – ressentie notamment dans les slogans et débats houleux durant les élections – qui jure avec une désertion du champ politique et diplomatique. Paradoxalement, alors que c’est au Congo-Brazzaville que la France a le plus fort passif interventionniste, c’est dans ce pays que le silence de Paris a été le plus assourdissant. Déjà, lors de la modification de la Constitution en novembre 2015, la ligne française semblait insaisissable.
Denis Sassou-Nguesso (DSN) a tout prévu pour rester en place. Avec plus de trente années cumulées au pouvoir, l’État c’est lui. Le 13 février 2016, la résidence d’un opposant, le général Mokoko, avait été encerclée par les forces de l’ordre qui feront finalement marche arrière. Le jour des élections, les réseaux téléphoniques et internet ont été coupés. D’après les retours des journalistes et activistes sur place, Brazzaville est quadrillée par des hommes en armes qui bloquent et surveillent les principaux axes routiers. Le président général, ancien chef des renseignements du Congo, contrôle parfaitement les forces de sécurité. Marqué par le syndrome de Coblence lors de ses quelques années d’exil en France, DSN avait déjà montré à l’époque qu’il était prêt à tout pour revenir au pouvoir. En 1997, au terme d’une guerre civile monstrueuse, il avait retrouvé son fauteuil présidentiel. Il ne l’a pas quitté depuis.
Lors de sa première visite en Afrique, en octobre 2012, François Hollande listait les priorités de la France en Afrique : « La démocratie, les droits de l’homme, le respect de la liberté d’expression, et l’affirmation que tout être humain doit pouvoir choisir ses dirigeants. » Le président ajoutait même que « parler le français, c’est aussi parler les droits de l’homme ». Trois ans et demi plus tard, l’Élysée est bien silencieux face à cette population francophone du Congo, écrasée par un homme et son clan. On ne peut évidemment pas demander aux diplomates de se transformer en organisation de défense des droits de l’homme. Déplorons tout de même l’image consternante d’une position française incohérente, sans ligne directrice.
Le dispositif militaire Barkhane de l’armée française en Afrique depuis l’élection de François Hollande donne une consistance à l’existence même du « pré carré » français sur le continent. Mais peut-on imaginer que l’armée soit le seul levier d’influence de la France en Afrique ? Difficile de justifier une politique étrangère qui semble avoir peu de nuances entre deux extrêmes : la guerre ou rien.
Au Congo-Brazzaville toujours, l’exemple est flagrant. Alors que l’ambassadrice américaine Stephanie Sullivan est saluée par tous pour son travail, son homologue français Jean-Pierre Vidon est invisible. « Elle reçoit les opposants, va les voir même, et parle avec tout le monde quand Vidon est complètement absent », confie une source bien informée. Fin stratège, Washington n’a pas pris une position manichéenne mais a fait pression sur l’Angola pour que ce parrain traditionnel du Congo n’intervienne pas. Une démarche saluée par les opposants qui n’engage que très peu les États-Unis.
Le seul mystère autour du résultat du vote repose sur l’ampleur de la fraude. DSN pourrait pousser le vice jusqu’à prétendre avoir été élu au premier tour, sans qu’aucune vérification ne puisse être effectuée. Sans condescendance ni interventionnisme, la France, membre de sécurité de l’ONU, aurait été dans son rôle en participant à la préparation de ce scrutin. En s’assurant, soutenue par les instances internationales et l’Union européenne, que les téléphones ne soient pas coupés. Il n’en a rien été.
Par Clément Fayol